« On va continuer de militer », assure l’activiste handicapé Jonathan Marchand

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À 45 ans, il dit être « la preuve vivante » qu’il faut sortir les adultes vivant avec un handicap des CHSLD.

En moins d’un an, il a trouvé un emploi, s’est acheté une voiture adaptée et est redevenu « financièrement indépendant ». Au moment où le Québec s’apprête à plonger en élections, Jonathan Marchand revient à la charge et demande aux politiciens de s’engager, une fois pour toutes, à sortir les adultes handicapés des centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD).

Le gouvernement Legault avait bel et bien promis de mettre sur pied un projet pilote avant d’abandonner l’idée, en juillet 2021. Rien pour décourager M. Marchand, toutefois. « On ne va pas arrêter. Tant qu’on va respirer, on va se battre pour le respect de nos droits et libertés », s’exclame l’activiste.

À 45 ans, celui-ci dit être « la preuve vivante » qu’un virage est nécessaire. Après avoir vécu dans un CHSLD pendant près d’une décennie en raison de sa dystrophie musculaire et du respirateur artificiel qui l’assiste en permanence, il est retourné vivre dans un appartement adapté il y a un an jour pour jour.

« Ma vie a complètement changé », résume-t-il. « Maintenant, j’ai de la spontanéité dans ma vie. C’est moi qui contrôle mon existence. Je peux décider quand je me lève, à quelle heure je me couche, quand je mange, qu’est-ce que je mange. C’est le jour et la nuit. »

À raison de 20 heures par semaine, il travaille comme administrateur de systèmes pour une société de technologies de l’information de Québec. « Ça me permet de payer toutes mes dépenses », dont son loyer, dit fièrement M. Marchand.

« Je contribue à la vie économique du Québec et ça me permet aussi de pouvoir sortir quand je veux. Je me suis acheté un véhicule adapté. Ça me permet d’aller au cinéma, de faire des sorties. J’ai pu aller à la fête de ma mère au restaurant. Je suis allé fêter Noël en famille, comme tout le monde. » – Jonathan Marchand

Un parcours du combattant

Bien entendu, tout cela ne serait pas possible sans l’aide de l’État, car M. Marchand a besoin d’une présence constante à ses côtés. Il reçoit donc des prestations d’allocation directe – chèque emploi-service, un programme du gouvernement provincial qui lui donne droit à 189 heures de soutien à domicile par semaine.

Or, il doit lui-même trouver ses assistants de vie, les embaucher, préparer leurs horaires et les payer. C’est là où le bât blesse, car, selon M. Marchand, tous les adultes handicapés vivant en CHSLD n’ont pas l’énergie nécessaire pour accomplir ces tâches, selon lui.

« Actuellement, c’est très difficile. C’est quelque chose qui prend des mois avant de se réaliser. Ce n’est pas reconnu partout. Les CISSS et les CIUSSS du Québec, c’est du cas par cas et ça demeure très difficile. »

En effet, il n’existe pas de chemin tout tracé dans le réseau de la santé pour une personne qui aimerait bénéficier d’une entente semblable à celle que M. Marchand est parvenu à conclure avec la CIUSSS de la Capitale-Nationale.

Le CIUSSS confirme avoir reçu une demande d’une autre résidente de CHSLD, mais comme son « projet de vie » se trouve dans une autre région administrative, cela complique davantage les choses.

« C’est un système qui est fait pour les forts, les personnes qui ont le plus de ressources, qui sont les plus débrouillardes. Elles réussissent à s’en sortir de justesse, mais celles qui ont besoin de plus de soutien sont laissées de côté. » – Jonathan Marchand, militant

Résidant au CHSLD Champagnat et atteint de dystrophie musculaire, Daniel Pilote témoigne aussi de ce parcours du combattant. En septembre 2021, il a indiqué au CIUSSS de la Montérégie-Centre son désir de quitter le CHSLD grâce à l’allocation directe – chèque emploi-service.

Aucun plan d’action n’a encore été mis en place pour que son désir se concrétise, et ce, en dépit des rencontres qui ont été organisées, confie l’homme de 60 ans.

« Ça peut être très, très compliqué la communication dans un centre intégré […] J’ai un peu peur pour ça, que ça traîne trop en longueur et que ce soit mal organisé », dit M. Pilote.

En parallèle, il fait ses propres recherches pour trouver un logement adapté et commencer l’embauche des personnes qui l’assisteront au quotidien. « L’aide est très difficile » à obtenir, résume-t-il.

« Reconnaître la nouvelle approche »

Pour éviter que tout soit à recommencer chaque fois qu’une personne handicapée demande à vivre hors d’un CHSLD, Jonathan Marchand insiste pour dire qu’il faut un « programme provincial ».

« Il faut que ça devienne accessible à plus de gens […] » – Jonathan Marchand, militant

M. Marchand croit qu’il serait possible de remodeler l’allocation directe – chèque emploi-service et d’y greffer les services de Coop Assist, un organisme qu’il préside et qui pourrait accompagner les personnes handicapées dans leurs démarches.

Selon lui, l’État sortirait gagnant avec la mise sur pied d’un tel programme. Avec le chèque emploi-service, M. Marchand reçoit l’équivalent d’environ 200 000 $ par année pour l’aide à domicile.

Comme il a recommencé à travailler, il paie aussi des taxes et des impôts, note-t-il.

À titre comparatif, le coût moyen d’un lit en CHSLD frôle les 90 000 $ par année, confirme le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), montant qui exclut les coûts de construction des bâtiments.

Comme il s’agit d’une moyenne, il n’est pas possible de savoir ce que coûte réellement l’hébergement d’une personne handicapée ayant des besoins spécifiques et constants comme M. Marchand.

Ce dernier est toutefois convaincu que c’est minimalement le double, voire le triple. « Je demande beaucoup plus de services, d’intensité de services, qu’une personne âgée moyenne », insiste-t-il.

Les promesses électorales

Interrogés quant à leurs intentions à quelques jours de la campagne électorale québécoise, les partis d’opposition ont tous affirmé qu’ils s’engageaient à mieux soutenir les personnes handicapées dans leur projet de vie à domicile.

« Pour y arriver, nous mettrons en place un secrétariat aux personnes vivant avec un handicap ou le spectre de l’autisme avec un ministre en titre qui aura comme responsabilité d’offrir de meilleurs services, notamment aux personnes handicapées », indique le directeur des communications de la cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ), Jérémy Ghio.

Québec solidaire (QS) propose pour sa part un « virage historique en soins et services à domicile ».

« De plus, nous proposons un nouveau programme d’allocation pour les proches aidants, ce qui permettra à ces personnes d’être dédommagées pour le vrai travail qu’elles accomplissent », indique le député Sol Zanetti.

« Le Parti québécois (PQ) investira les fonds nécessaires pour que ce soit réellement possible. Cela signifie des réinvestissements massifs de 2,7 milliards de dollars par année de manière récurrente et allouer 50 % du budget de soins de longue durée aux soins à domicile d’ici cinq ans », indique l’attachée de presse de la formation politique, Laura Chouinard-Thuly.

Quant à la Coalition avenir Québec (CAQ), elle n’a pas voulu dévoiler ses intentions. « Nous aurons l’occasion de présenter les engagements et la plateforme de la CAQ dans les prochaines semaines », a simplement commenté l’attachée de presse du parti, Sarah Bigras.

Au moment d’écrire ces lignes, le Parti conservateur du Québec (PCQ) n’avait pas encore répondu aux questions de Radio-Canada.

Publié le 26 août 2022
Par Alexandre Duval