Retour sur «COVID-19 : des réponses à vos questions»

Cohérence et Transparence des communications officielles & Respect des mesures sanitaires

Certains messages incohérents du gouvernement du Québec à propos de la vaccination et des mesures sanitaires offrent un faux sentiment de sécurité et augmentent le non-respect des règles, déplorent plusieurs experts.

Même si de plus en plus de Québécois sont vaccinés, il ne faut pas s’attendre à ce que tout revienne à la normale le 24 juin prochain. Les experts disent que le gouvernement doit mieux expliquer pourquoi la pandémie n’est pas encore finie.

S’il est correct d’offrir un peu d’espoir après un an de pandémie, des experts craignent que le gouvernement véhicule un faux sentiment de sécurité qui pourrait provoquer un relâchement du respect des mesures sanitaires.
25 % de personnes partiellement vaccinées
Plusieurs scientifiques, dont André Veillette, professeur et chercheur en immunologie à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, s’inquiètent du fait qu’on se « pète les bretelles » en affirmant haut et fort que 25 % de la population du Québec est déjà vaccinée.

« On dit que c’est fantastique, oui c’est bien, mais on est vacciné partiellement », ajoute Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialiste en réponses immunitaires et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

D’abord, il faut rappeler que la majorité des Québécois n’ont reçu qu’une dose du vaccin. En fait, moins de 1 % des Québécois ont reçu deux doses. De plus, la vaccination n’a pas encore été approuvée chez les enfants et le virus continue de circuler abondamment dans le réseau scolaire.

La deuxième dose est nécessaire pour amplifier la réponse immunitaire engendrée par la première dose et pour assurer une immunité à long terme. L’arrivée des variants la rend encore plus importante.

D’ailleurs, Pfizer a annoncé cette semaine qu’une troisième dose sera fort probablement nécessaire pour obtenir l’immunité maximale et qu’il faudra vacciner la population annuellement contre la COVID-19.

Bien sûr, la première dose aide à maîtriser en partie le nombre de nouvelles infections, dit le Dr Veillette, mais il note qu’on recommence à voir des éclosions dans des CHSLD et des RPA, malgré le fait que la majorité de leurs résidents aient reçu une première dose.
« On donne la fausse impression qu’une dose, c’est assez. Les gens pensent qu’ils sont complètement immunisés et il commencent à être cavaliers avec les consignes » – Dr André Veillette, Université de Montréal
Encore loin de l’immunité collective
Puisque le Québec a allongé le délai entre les deux doses, notamment en raison de problèmes d’approvisionnement, les Québécois seront partiellement vaccinés même des mois après la date butoir du 24 juin. « Il faudra faire attention plus longtemps », dit le Dr Veillette.

Quelle proportion de la population doit-on vacciner pour mettre un frein à la pandémie?

Le gouvernement du Canada propose un seuil de 70 % (le taux recommandé pour la vaccination contre la grippe), mais le Dr Lamarre rappelle qu’il n’y a pas encore de données spécifiques pour la COVID-19.

« Ce sont des estimés en fonction de ce qu’on connaît d’autres virus, et ça varie. » Par exemple, il faut que de 90 % à 95 % de la population soit vaccinée pour assurer une immunité collective contre la rougeole. Ce chiffre est de 80 % dans le cas de la polio.*
Vacciner, mais ne pas oublier le plan de sortie de crise
Par ailleurs, ces experts estiment que le message du gouvernement, qui fluctue continuellement entre espoir et panique, est ce qui attise la colère et l’impatience des gens, dit Simon Bacon.
« Il faut dire aux gens ce qui va se passer après le 24 juin. Le retour à la normale va se faire comment? Qu’est-ce qui va arriver si on ne vaccine pas autant de gens que prévu? » – Simon Bacon, Université Concordia
Par exemple, pourquoi ne pas expliquer qu’il faut qu’un certain pourcentage de la population ait reçu deux doses pour pouvoir rouvrir les restaurants ou les gyms? Le gouvernement pourrait aussi donner un seuil précis pour le nombre de cas et d’hospitalisations à atteindre afin de justifier l’ajout ou le retrait des restrictions, comme il l’a fait lorsqu’il a introduit les paliers de couleurs à l’automne dernier.

« Nous devons donner un peu d’espoir aux gens, sinon ils vont être encore plus tannés et le niveau d’adhésion aux règles va diminuer », dit le Dr Bacon.

Les pays qui ont le mieux maîtrisé la pandémie ont d’ailleurs établi très tôt des seuils pour les aider à imposer ou à retirer certaines mesures sanitaires. « Par exemple, on disait au public : « Lorsqu’il y a tant de cas pour 100 000 habitants, on ferme tout, mais si c’est plus bas, on peut rouvrir. » De cette façon, la population sait ce qui s’en vient, ce qui peut arriver, et les mesures sont ajoutées ou enlevées de façon cohérente », dit M. Piccirillo.

Le public a soif d’information, et le Dr Bacon se désole qu’on dise souvent que les données sont trop compliquées à expliquer.

L’étude du Dr Bacon montre que, peu importe le pays, l’un des éléments clés pour assurer l’adhésion aux mesures est d’expliquer aux gens pourquoi et comment leurs actions aident. « Donc, au lieu de toujours dire aux gens que si on fait une chose ça va mal aller, ce serait mieux de leur dire que, si on prend cette mesure, les choses vont s’améliorer de telle ou telle façon. On ne peut pas continuer à dire : « Ne faites pas ça, sinon vous allez tuer votre grand-mère. » »

Pas besoin de dramatiser la situation, pas besoin d’être alarmiste, dit M. Bacon. « La population sait que la situation est grave. Plus les gens seront éduqués et informés, plus ils seront responsables. »

Lire l’intégralité de l’article Des messages incohérents de Québec suscitent plus de colère que les mesures imposées.

* En France, l’Institut Pasteur estime que 90% de la population devra avoir reçu 2 doses de vaccin pour pouvoir dire adieu aux mesures sanitaires. À noter que le modèle de Pasteur ne distingue pas les personnes ayant été infectées, estimées à 30 % de la population à l’automne et pour qui une seule injection est recommandée, des autres.