Retour sur «COVID-19 : des réponses à vos questions»

Vaccination obligatoire & OC : Communiqués de la TRPOCB

La Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) a publié deux communiqués suite à l’annonce de la vaccination obligatoire des intervenants de la santé et des services sociaux. Consulter leur page COVID-19 : vaccination obligatoire et le passeport vaccinal – Tout ce que vous voulez savoir sur les enjeux pour les groupes communautaires et pour la société.

Télécharger les questions adressées au MSSS le 30 septembre.
Ne pas interférer dans l’autonomie des groupes
9 septembre. C’est avec stupéfaction que la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles a appris la décision du gouvernement de rendre la vaccination obligatoire pour les personnes à l’emploi de groupes communautaires. Cette information, qui est passée sous le radar, est incluse dans le communiqué de presse du 7 septembre concernant « la vaccination obligatoire des intervenants de la santé et des services sociaux ».

Rien ne laissait présager une telle décision, cette possibilité n’ayant pas été évoquée durant les auditions de la Commission parlementaire des 26 et 27 août dernier, consultation à laquelle ni la Table, ni aucun organisme communautaire n’ont été invités. « En tant qu’interlocutrice nationale du MSSS représentant les 3 000 organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS), la Table trouve ce procédé inacceptable, de dire Gaëlle Fedida, présidente de la Table. Une invitation à la consultation aurait à la fois démontré la reconnaissance des groupes communautaires autonomes et permis à ces derniers de présenter leurs propres enjeux liés à cette décision. »

Dans l’attente du texte officiel du décret, seul le communiqué de presse stipule que la décision s’applique à « certains groupes communautaires et acteurs qui offrent des services aux personnes vulnérables » sans définir ni les groupes ni les « personnes vulnérables ». La Table a questionné le ministre Lionel Carmant, mais n’a pas encore obtenu de réponse.

Soulignons que la sanction prévue en cas de défaut de fournir une preuve de vaccination, soit le retrait sans salaire du milieu de travail, ne peut s’appliquer dans les groupes communautaires puisque le gouvernement n’est pas l’employeur des personnes qui y travaillent. De plus, le gouvernement cible les personnes « qui ont des contacts rapprochés avec les patients » ou qui sont en contact avec elles, alors que le terme « patients » ne s’applique pas aux personnes qui recourent aux organismes communautaires.

En plus de l’absence de considération pour le milieu, l’annonce contient plusieurs problèmes illustrant un décalage face aux réalités des OCASSS. « Si la mesure était maintenue, il s’agirait d’une atteinte à l’autonomie des groupes en s’ingérant dans leur fonctionnement administratif, et en transgressant les prérogatives des conseils d’administration des groupes » d’ajouter Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table.

La situation cause de grandes inquiétudes aux groupes déjà très sollicités durant la pandémie, alors que ceux-ci appréhendent les effets de la 4e vague sur la santé des populations de leurs communautés et sur le maintien des activités de leur organisation. Ajoutons que la récente introduction du passeport vaccinal suscitait déjà de nombreuses questions chez les groupes, puisque les exceptions qui les touchent manquent de précision.

Pour respecter l’autonomie des organismes communautaires, le gouvernement ne doit pas leur imposer la vaccination obligatoire, mais laisser cette décision aux organismes communautaires, d’autant plus qu’ils suivent déjà les consignes générales de la santé publique. La Table attend impatiemment les réponses du MSSS et poursuivra la discussion avec ses membres concernant les autres éléments de l’annonce, notamment quant à la vaccination obligatoire des personnes proches aidantes.

Source : Vaccination obligatoire COVID-19 : Le gouvernement ne doit pas interférer dans l’autonomie des groupes communautaires
Respecter les droits humains
16 septembre. Si l’on en croit son communiqué de presse du 7 septembre le gouvernement appliquera, dans moins d’un mois, une mesure imprécise et qui est loin de faire l’unanimité, soit la vaccination obligatoire dans plusieurs milieux de travail. En plus de l’imposer au personnel de ses propres établissements et ressources, de même que pour les personnes proches aidantes qui y accèdent, le gouvernement annonçait du même souffle que le personnel et les bénévoles de certains organismes communautaires devraient obligatoirement être vaccinés. Ayant déjà exposé son opposition à l’application de la mesure dans les groupes communautaires, la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles presse le gouvernement de revenir sur l’ensemble de sa décision.

Les préoccupations de la Table ne se limitant pas aux questions touchant le fonctionnement des groupes communautaires, elle s’intéresse aux conséquences des décisions gouvernementales sur la santé globale de la population. Cela implique de veiller au respect des droits fondamentaux et à l’accès aux soins dispensés par le réseau, tout comme aux alternatives offertes par le mouvement de l’action communautaire autonome.

La Ligue des droits et libertés a récemment soulevé que l’application du passeport vaccinal et de la vaccination obligatoire portaient atteinte, de manière démesurée, aux droits fondamentaux, alors que leur efficacité n’est pas suffisamment démontrée et que d’autres avenues sont possibles, notamment par l’accès rapide aux tests, le maintien du port de masque et de la distanciation. Elle demande d’ailleurs depuis plusieurs mois que le gouvernement lève l’état d’urgence sanitaire qui lui permet de gouverner par décret et revienne à un mode décisionnel démocratique, ce que la Table appuie d’ailleurs.

Comme bien d’autres, la Table a participé de différentes manières à faciliter l’accès au vaccin et à encourager la population à y recourir, mais elle estime que rendre la vaccination obligatoire est un tout autre débat. « La vaccination doit demeurer une décision individuelle libre et éclairée, et non se faire sous la menace de perte de salaire, de limitation aux services publics, de réduction d’accès au soutien et aux activités des groupes communautaires ou sous la menace de subir le jugement populaire », de dire Gaëlle Fedida, présidente de la Table. « Rappelons que la vaccination obligatoire, tout comme le passeport vaccinal, obligerait de plus des personnes souvent déjà marginalisées à dévoiler des conditions de santé ou des situations de vie les empêchant de se conformer aux mesures, par exemple des personnes en situation d’itinérance, ou toxicomanes ou au statut précaire. »

Tout en rappelant que le milieu communautaire a suivi, de bonne foi, toutes les consignes générales de la santé publique depuis le début de la pandémie, la Table estime que la vaccination obligatoire, et conséquemment l’imposition du passeport vaccinal, soulève des problèmes éthiques et antidémocratiques. « Imposer la vaccination d’ici au 15 octobre est irrespectueux des personnes et organisations qui auraient à s’y conformer, d’autant plus que l’ampleur de l’application n’est pas établie clairement et encore moins expliquée », poursuit Madame Fedida.

Le respect des droits de toutes et tous, le non-jugement et le libre choix étant des principes fondamentaux appliqués par les groupes communautaires, il serait inconcevable de les obliger à refuser à des personnes qui frappent à leurs portes l’accès à une activité ou à du soutien, d’autant plus que c’est parfois la dernière ressource sur laquelle ces personnes peuvent compter. « Quant au passeport vaccinal l’exiger des personnes qui fréquentent certaines activités des groupes est en soit problématique et équivaut à rendre la vaccination obligatoire, ce à quoi la Table s’oppose. Comment les groupes pourront-ils continuer de les accueillir et de les soutenir si en plus ils doivent se priver de personnel ou de bénévoles?» questionne Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table.

En plus de refuser que l’État s’ingère dans l’autonomie des groupes en y imposant la vaccination obligatoire, les préoccupations de la Table et des regroupements provinciaux sont nombreuses et partagées, quels que soient leurs champs d’intervention.

Parmi les exemples nommons que l’obligation, pour les personnes proches aidantes, de présenter le passeport vaccinal pour entrer dans les établissements équivaudrait à les obliger à se faire vacciner. Malgré qu’elles assurent un soutien essentiel, l’accès des personnes aidantes aux lieux où se trouvent leurs proches serait grandement limité, ce qui nuirait évidemment à la santé physique et mentale de ces derniers, comme à celle des personnes aidantes.

Les personnes bénévoles, tout comme les organismes communautaires qu’elles soutiennent, seraient également grandement pénalisées par l’application de la vaccination obligatoire, alors que l’action bénévole est cruciale dans la construction d’une société plus égalitaire. Parmi les nombreuses formes de leurs participations à la santé de la population, soulignons que des bénévoles offrent de l’accompagnement-transport pour accéder à des services essentiels, de l’assistance dans les démarches juridiques en cas de violence sexuelle, de l’écoute, de l’aide alimentaire, etc. Alors que le gouvernement, depuis le début de la pandémie, compte sur l’action bénévole et l’encourage, il limiterait grandement la portée de son action en obligeant la vaccination de tout bénévole susceptible d’entrer en contact avec des personnes jugées vulnérables, sans que la définition ne soit précisée.

Alors que l’intention du gouvernement n’est pas encore officiellement adoptée ni diffusée, la Table a de plus appris que la définition de personnes vulnérables variait déjà selon les régions. « Des fonctionnaires transmettent des informations basées soit sur les balises du site web de Québec, alors que d’autres utilisent celles, très étendues, du gouvernement fédéral, mentionne Madame Roberge. À moins d’un mois du 15 octobre, cette confusion est inconcevable et illustre l’improvisation qui semble en cours. De plus, même si les premiers groupes à se sentir visés ont été ceux du domaine de la santé et des services sociaux, ce ne sont pas les seuls groupes communautaires à être en contact avec des personnes dites vulnérables, sans compter que selon cette logique, la mesure s’appliquerait aux commerces de détail, aux transports en commun, aux espaces publics, etc. Est-ce bien cela que le gouvernement souhaite?»

La Table rappelle que ni elle, ni ses regroupements provinciaux, pourtant directement touchés par la mesure annoncée, n’ont été consultés au préalable, et que le gouvernement ne les a toujours pas contactés pour entendre leurs opinions et préoccupations. Pendant ce temps, des dizaines de milliers de personnes qui travaillent ou qui y œuvrent bénévolement, tout comme la population qu’elles soutiennent, s’inquiètent et reçoivent des informations contradictoires. Le gouvernement doit revenir sur sa décision d’imposer la vaccination obligatoire, notamment chez les groupes communautaires.

Source : COVID-19 : Le gouvernement doit respecter les droits humains et revenir sur sa décision d’imposer la vaccination obligatoire, notamment chez les groupes communautaires
Cafouillage
4 octobre. La Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles est stupéfaite de voir que le gouvernement maintient l’imposition de la vaccination obligatoire à un grand nombre de groupes communautaires, d’ici 2 semaines, au mépris de leur autonomie et sans aucune consultation préalable. Particulièrement préoccupée par les conséquences de cette décision, pour les groupes communautaires et sur la population en général, la Table demande au gouvernement de faire marche arrière.

« La Table a toujours encouragé la vaccination contre la COVID-19, elle a même fait de nombreuses démarches pour en faciliter l’accès, mais elle s’oppose à ce qu’elle soit obligatoire, notamment au sein des organismes communautaires. Le gouvernement répète qu’il ne faut pas compromettre l’accès aux services qui sont essentiels pour la population, alors que c’est ce qu’il fait en imposant la vaccination dans des groupes qui soutiennent quotidiennement les communautés », de dire Gaëlle Fedida, présidente de la Table.

La portée de la vaccination obligatoire n’a été précisée que le 24 septembre, le décret 1276-2021 stipulant que la vaccination obligatoire s’appliquerait aux organismes communautaires recevant une forme particulière de financement par ententes de services (celles encadrées par l’article 108 de la LSSSS, comme expliqué en annexe). Permettant à un établissement du réseau de la santé et des services sociaux de faire dispenser un service précis par un groupe communautaire ce type d’entente de financement est quand même censé « respecter les orientations, les politiques et les approches que se donne l’organisme communautaire »[1].

Des informations partielles[2] laissent croire que plus de 400 groupes pourraient être directement touchés. Le montant moyen d’une entente y est de 16 000$, ce qui équivaut à 5% du financement total qui leur est versé du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) pour la mission globale. Selon les régions, il peut s’agir de sites d’injection supervisés, d’accueil pour des étapes de dégrisement, de support aux personnes en situation d’itinérance, de soutien communautaire en logement social, de répit, d’accompagnement, etc.

Contrairement aux établissements du réseau de la santé et des services sociaux, les groupes disposent généralement de petites équipes. « Quelle que soit l’ampleur de l’entente de services, toutes leurs activités seront rapidement compromises devant l’impossibilité de réaffecter des personnes à d’autres postes. Le décret causera d’importantes pertes d’expertises, à court et à moyen terme, amplifiera le roulement de personnel et l’épuisement professionnel dans un contexte où la pénurie de main-d’œuvre est déjà un enjeu majeur. En plus des groupes soumis au décret, ce sont d’autres groupes, pourtant non visés, qui se retrouveront avec une surcharge de travail » ajoute Madame Fedida.

Si les organismes communautaires en santé et services sociaux (OCASSS) réclament souvent un meilleur financement, leurs revendications ne se limitent pas à l’augmentation des montants, mais visent aussi la reconnaissance de leur apport à la société et la protection de leur autonomie. « Les groupes communautaires n’auraient jamais dû se retrouver dans le décret. Recevoir une partie, parfois minime, de son financement par une entente de services ne change pas la nature d’un groupe, qui appartient aux communautés et demeure indépendant du réseau. Le MSSS ne peut agir comme s’il était l’employeur», souligne Audrey Sirois, du comité de coordination de la campagne CA$$$H.

Bien que la LSSSS stipule que ces ententes doivent être transmises au ministre[3], personne ne semble posséder cette information. « Il est aberrant que le gouvernement oblige la vaccination chez des groupes alors que ni le MSSS, ni ses établissements régionaux ne sont capables de les identifier clairement. Des groupes reçoivent même des informations trompeuses, certains se faisant imposer à tort la vaccination, tandis que d’autres sont avisés trop tardivement pour agir. Ce sont les groupes et les populations qu’ils soutiennent qui souffrent de ce cafouillage administratif », de compléter Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table.

La Table est également préoccupée par l’ensemble du décret, en particulier quant aux règles applicables aux personnes recevant du soutien à domicile. « Le gouvernement ne semble pas se préoccuper de la vulnérabilité dans laquelle il les place en exigeant qu’elles vérifient la preuve vaccinale des personnes qu’elles rémunèrent par le chèque emploi-service. Cellesci peuvent ne pas avoir l’équipement ou les capacités pour ce faire, et surtout, elles ne pourront pas assumer le bris de services qui pourrait en découler », conclue Madame Roberge.

Signataire de la déclaration initiée en mai par la Ligue des droits et libertés, la Table réitère qu’il est « impératif de redonner à l’Assemblée nationale son pouvoir d’évaluer la pertinence des mesures sanitaires en contexte de pandémie ». Depuis le 9 septembre, la Table a effectué près d’une dizaine de démarches pour dénoncer les effets pervers de la vaccination obligatoire et questionner le MSSS. À 10 jours du 15 octobre, elle n’a toujours pas obtenu de réponses et plus de 3 000 OCASSS n’ont toujours pas l’heure juste.

La Table demande à nouveau au gouvernement de revenir sur sa décision d’imposer la vaccination par décret, notamment pour les OCASSS, demandant de s’appuyer sur les autres solutions, telles que l’accès aux tests rapides, le maintien du port de masque et de la distanciation. Elle répète que les OCASSS ont été exemplaires depuis le début de la pandémie, en continuant de soutenir leurs communautés dans le respect des règles de la CNESST et des consignes générales de la santé publique. Il est temps que le gouvernement leur accorde la considération et le respect qu’ils méritent.

[1] LSSSS, 6e alinéa de l’article 108

[2] Cahier de l’étude des crédits budgétaires du MSSS 2020-2021, question 140. Selon ce cahier, 412 organismes recevaient du financement pouvant correspondre à des ententes de services sous l’article 108, mais rien ne permet de juger si cette liste est exhaustive.

[3] LSSSS, article 530.73 : « Toute entente conclue par l’établissement visé par la présente partie conformément à l’article 108 doit être transmise au ministre. »

Source : COVID-19 et vaccination obligatoire : un cafouillage qui nuira aux groupes communautaires et aux populations qu’ils soutiennent.