Sexualité, soins, école, communication… Un travail colossal de 900 pages décortique le polyhandicap. L’Inserm publie en juin 2024 cette étude inédite avec l’objectif d’améliorer l’accompagnement de ce public via des recommandations concrètes !
Trois ans de travail, douze experts mobilisés, 3 400 documents de la littérature scientifique internationale passés au crible…
En 900 pages
L’Inserm dévoile le 12 juin 2024 une nouvelle expertise collective sur le polyhandicap, commandée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Objectif ? Apporter des éléments nouveaux et utiles afin d’améliorer la prise en charge des personnes polyhandicapées, en mettant en avant une approche multidisciplinaire, individualisée et inclusive. Concrètement, quelles pistes dans ce travail colossal de 900 pages ? Pour entrer dans le détail, la synthèse (172 pages quand même !) et sa version intégrale (gratuite, et 80 euros en format papier) sont en ligne sur le site de l’Inserm.
Le polyhandicap, c’est quoi ?
Le polyhandicap se caractérise par les conséquences permanentes d’une lésion cérébrale survenue lors du développement du cerveau, entraînant des déficiences motrices et mentales sévères à profondes, ainsi que des restrictions extrêmes de la communication, de l’autonomie et de la mobilité. S’y ajoutent des comorbidités, des atteintes sensorielles et des troubles du comportement. On estime aujourd’hui en France une prévalence de 0,3 à 0,5 pour 1 000 personnes.
Une prise en charge clinique complexe
Le polyhandicap induit des situations d’une grande hétérogénéité avec de nombreux troubles imbriqués, nécessitant une prise en compte individualisée pour chaque soin. L’épilepsie, très fréquente, est considérée comme un surhandicap, tandis que les troubles respiratoires constituent la première cause de mortalité et d’hospitalisation en urgence. Une cohorte française de personnes polyhandicapées (Eval-PLH) qui inclut enfants et adultes est en cours, qui doit permettre, entre autres, d’évaluer le taux de mortalité et les causes de décès de ce public. La fin de vie soulève également de multiples enjeux éthiques et de moyens.
Evaluer la douleur !
D’autres troubles courants incluent des difficultés alimentaires, une fragilité osseuse et des déformations orthopédiques, des troubles du sommeil et des perturbations de la puberté. La douleur, souvent multifactorielle et chronique dès le plus jeune âge, est également fréquente et difficile à évaluer en raison de modes de communication non conventionnels. Les auteurs réclament donc la « recherche systématique de la douleur » qui doit être évaluée, lors d’un examen détaillé avec des outils spécifiques validés. Pour faire face aux problèmes moteurs, les auteurs encouragent, entre autres, à « réduire les activités passives », comme regarder la télévision, et à favoriser des « mouvements » volontaires ou l’apprentissage moteur.
Une inclusion sociale prioritaire
« Les personnes polyhandicapées peuvent apprendre tout au long de leur vie avec des aménagements adéquats », ajoutent-ils. Mais elles nécessitent un accompagnement global et individualisé, proposant un projet de vie adapté à leurs besoins et à leur évolution personnelle, aussi bien au niveau éducatif que social. L’évaluation régulière des compétences, des difficultés et des modes de communication (qui peuvent passer par la voix, le toucher, le regard, les gestes…) est cruciale, et doit être consolidée, notamment, par le déploiement de la CAA (communication alternative améliorée). Leur participation aux activités quotidiennes et sociales peut être facilitée par des aides, méthodes et outils ad hoc.
Des interactions sociales, SVP !
Les experts font donc la promotion d’un mode de vie générateur d’interactions et d’intégration dans des espaces de socialisation. « Un environnement apaisant permet, notamment, d’améliorer les fréquents troubles du comportement (auto-agressivité, comportements répétitifs…) en grande partie liés à l’environnement de vie », insiste l’étude. Pour cela, il faut mettre en place des « conditions d’accueil adaptées et des personnels formés ».
Elle encourage également à « réfléchir aux types d’apprentissages bénéfiques aux enfants polyhandicapés pour construire un parcours de scolarisation sur mesure au sein d’unités d’enseignement impliquant les équipes des établissements spécialisés et celles des écoles ordinaires ».
L’entourage au cœur de la prise en charge
La personne polyhandicapée, en raison de sa dépendance et de sa vulnérabilité, requiert un haut niveau d’attention et de soin, impactant fortement la famille, l’entourage et les professionnels sur le plan concret et émotionnel. Le système de soins, via la filière dédiée et les centres de référence et compétence polyhandicaps de causes rares, est jugé « essentiel » mais la coordination des soins et des approches multidisciplinaires ne s’avère « pas toujours optimale ». Au-delà du diagnostic précoce, les experts recommandent donc des « environnements inclusifs », la prévention de la maltraitance (y compris de la part des proches qui peuvent être en « grande souffrance psychique ») avec la mise en place de groupes d’analyse de la pratique et des cellules de veille.
Et la vie affective et sexuelle ?
La transition vers l’âge adulte est un processus continu qui débute entre 13 et 15 ans mais reste difficile, avec des implications médicales, sociales et juridiques. La vie affective et sexuelle, définie comme « essentielle pour une personne en situation de dépendance physique complète et ne possédant pas une perception unifiée de son corps », est aussi au cœur des enjeux de cette étude qui prône « la reconnaissance et prise en compte des manifestations de sexualité, avec distinction claire de la vie affective », se heurtant malgré tout à des « problématiques communicationnelles et des questions éthiques » et des risques de maltraitance.
© Stocklib Unai Huici