![La technologie pour sécuriser les centres-villes](https://www.lesaffaires.com/uploads/2024/12/Feu-FRED-2.png)
Le bilan routier s’améliore pour les occupants des véhicules, mais pour les autres, le danger persiste. Si des solutions doivent être mises en œuvre sur différents plans, des technologies innovantes développées ici pourraient faire partie de la réponse. Encore faut-il que Québec y soit ouvert.
Les usagers vulnérables ont toujours la vie dure sur les routes de la province. L’an dernier, on comptait 63 décès chez les piétons, selon la Société de l’assurance automobile. C’est plus que la moyenne annuelle de 61,8 observée pour la période de 2010-2020, durant laquelle le nombre de décès de piétons a plus ou moins stagné.
Pendant ce temps, le nombre d’occupants de véhicules qui sont décédés sur les routes de la province est passé de 332 en 2010 à 234 en 2023. « Il y a encore trop d’usagers vulnérables qui sont victimes de collisions. C’est un gros problème », reconnaît Jean-François Bruneau, directeur de la table Sécurité routière de l’Association québécoise des transports.
Pour avoir un véritable effet sur le bilan, il faut, selon lui, avoir une démarche multidimensionnelle. Autrement dit, il faut apporter des solutions sur différents plans, qu’il s’agisse du législatif, de la conception des véhicules, des infrastructures routières ou du comportement des conducteurs.
La technologie, quand elle est bien utilisée, peut à son avis être une autre partie de la solution.
Développé par l’entreprise familiale québécoise Kalitec, le feu Fred, pour « Feu de ralentissement éducatif », est un bon exemple. Le concept est simple. Un feu de circulation, connecté à un radar de vitesse, est installé sur une rue. Si l’automobiliste respecte la limite, le feu passe au vert. Sinon, le rouge s’allume.
Le ministère résiste
Déjà utilisé en France, ce concept est toutefois difficile à importer au Québec, comme en témoigne le projet pilote lancé l’an dernier à Brossard, qui s’est arrêté abruptement après deux semaines. C’est que le feu ne respecte pas les normes provinciales, a fait valoir le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), qui a demandé à la Ville de suspendre son projet. Cette raison n’a pas impressionné la mairesse Doreen Assaad, qui a dénoncé la « résistance incroyable » du ministère. En entrevue avec le journal local, cette dernière a notamment déploré que le ministère ne brille pas d’innovation : « Si le bilan routier était vraiment bon, on n’aurait pas besoin de forcer le changement. […] Il a fallu huit ans au MTQ pour accepter la lumière clignotante aux passages piétonniers. Ce ne sont pas eux qui vont innover en matière de sécurité routière ! »
Depuis des années, des maires et des mairesses de partout au Québec dénoncent l’inaction du ministère en sécurité routière. En 2022, par exemple, plus d’une dizaine de villes avaient lancé un cri du cœur en publiant une lettre ouverte. Celle-ci dénonçait les obstacles majeurs, dressés par le MTMD, qui ralentissent les actions visant la sécurisation de leurs routes.
Anthony Lapointe, directeur des ventes et du marketing à Kalitec, estime que le MTMD a fait de grands pas au cours des dernières années. Il aimerait toutefois que celui-ci soit plus réceptif aux innovations québécoises. Le directeur raconte par exemple avoir développé le Feu rectangulaire à clignotement rapide, un feu clignotant pour les traverses piétonnes. « Présente aux États-Unis depuis le début des années 2000, cette technologie avait fait ses preuves », explique Anthony Lapointe. Effectivement, des études montrent que celle-ci peut faire augmenter le respect de la priorité piétonne aux intersections, parfois jusqu’à 98 %, selon la configuration de la route.
L’entreprise a donc développé sa propre version de cette technologie.
Toutefois, comme pour le feu Fred, aucune norme ne l’encadrait au Québec. « Il a fallu six ans pour la faire ajouter aux normes, dit le directeur. Or, on ne peut techniquement pas en vendre si ce n’est pas normé, et entre-temps, on a investi des milliers de dollars en développement. S’il faut attendre si longtemps notre rendement de l’investissement, ça freine ce genre d’innovation. »
La ville innovante
Malgré les défis, certaines villes demeurent motivées à innover. Sur la Rive-Sud de Montréal, par exemple, la Ville de Candiac lançait en septembre un projet pilote visant à tester quatre passages piétons intelligents. Mise au point par le groupe Colas, une entreprise française, cette technologie sera distribuée au Québec par Kalitec si le projet pilote est un succès.
Une première en Amérique, ces traverses consistent en une série de dalles lumineuses qui s’allument automatiquement lorsque des piétons s’engagent sur la chaussée. L’idée : rendre leur présence plus apparente pour améliorer la sécurité.
Depuis 2019, l’entreprise a déployé cette technologie sur 35 traverses piétonnes en France et à l’international, explique son directeur du business développement, Frédéric Touvard. « Par exemple, à Paris, l’expérimentation d’un site a permis d’augmenter significativement le respect de la priorité aux piétons par les véhicules, passant de 67 % à 94 %. »