Démanteler les barrières de la langue un signe à la fois

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Alors que les termes équité, diversité et inclusion font de plus en plus partie du vocabulaire courant au sein des entreprises, qu’en est-il de la place des personnes sourdes ? Pour Cynthia Benoit, PDG de Services linguistiques CB, les barrières communicationnelles et l’«invisibilité» de leur handicap nuisent encore trop souvent à leur épanouissement professionnel. Un problème qu’elle souhaite d’ailleurs résorber par l’entremise de ses services. Voici trois questions à une PDG qui inspire par son désir de rendre les échelons supérieurs accessibles à la communauté sourde.

Pourquoi avez-vous fondé Services linguistiques CB?

Les personnes sourdes et malentendantes sont embauchées, mais le type de travail qu’elles occupent, c’est une autre paire de manches. Elles sont souvent surqualifiées et se retrouvent à occuper des postes qui ne sont pas compatibles avec leurs compétences, leurs talents, voire leurs ambitions. Elles rencontrent de nombreuses barrières sur le marché du travail, notamment en matière de promotions et d’occasions. À bien y penser, combien de directeurs, de dirigeants sourds ou de gestionnaires malentendants avons-nous au Québec ? Très peu ! Ça se compte sur les doigts d’une main, et pourtant, 10 % de la population est sourde, malentendante, sourde aveugle, oraliste ou vit avec des pertes de l’ouïe. C’est en partie pourquoi j’ai créé mon entreprise. J’ai vu l’occasion de créer des emplois qui sont directement liés au champ d’expertise de ces personnes, à leurs ambitions et à leurs rêves.

Quels sont les services que vous offrez par l’entremise de l’entreprise?

Nous avons trois lignes d’affaires. En premier lieu, nous offrons des cours de langue des signes québécoise (LSQ) et un système d’évaluation des compétences en langue québécoise. Ça n’existait pas au Canada, donc on a innové en le mettant sur pied.

Dernièrement, un employeur qui a embauché deux personnes sourdes se demandait comment s’assurer que ces dernières allaient bien s’intégrer à leur milieu de travail. Ainsi, on a donné des cours d’une heure chaque semaine, pendant dix semaines, à tous les employés. Ils ont aimé ça.

Ensuite, nous avons des services de recherche, de développement et de consultation, qui comprennent notamment des études de faisabilité. Par exemple, on a travaillé en collaboration avec Radio-Canada sur un projet en lien avec les contenus en langue des signes. Nous avons recensé tout ce qui existait sur le marché.

Finalement, la troisième et dernière ligne d’affaires concerne les services de traduction. Nous offrons un service de traduction en quatre langues, soit en anglais, en français, en LSQ et en langue des signes américaine.

Par où une entreprise qui souhaite mieux faire en matière d’inclusivité des personnes sourdes doit-elle commencer?

Il y a tellement de choses que les employeurs peuvent faire, mais je dirais qu’il y a deux priorités. Ils doivent d’abord s’assurer que les barrières d’attitude des employés envers les personnes sourdes sont éliminées, car c’est souvent là que ça bloque.

Il faut donner des ateliers de sensibilisation, aller chercher de l’information sur les manières de communiquer avec nous. Ça permet d’avoir certaines connaissances et de ne pas se trouver devant l’inconnu. Ensuite, une entreprise peut aller chercher le benchmark Diversity Equality Index, qui a été développé conjointement par l’organisme sans but lucratif Disability:IN et l’American Association of People with Disabilities. À partir de ce guide, on peut se doter d’un plan d’action. C’est bien beau dire «Oui, je suis inclusif, car j’ai embauché des personnes sourdes», mais il y a tellement d’autres choses à prévoir. La Banque de développement du Canada a aussi créé un guide, accessible en ligne, que les entreprises peuvent télécharger. Il existe également des programmes avec Emploi-Québec. Cependant, il faut noter qu’il n’y a pas juste l’employeur qui doit faire partie de l’aventure. Les employés aussi doivent s’y engager.

Publié le 12 octobre 2022
Par Camille Robillard