Élections municipales : le vote par Internet plus populaire, mais suscite des inquiétudes

Temps de lecture estimé : 5 minutes.

Pour économiser, améliorer l’efficacité et l’accessibilité, 42 municipalités ontariennes ont décidé d’adopter le vote par Internet pour la première fois cette année. La mesure n’est toutefois pas sans inquiéter certains citoyens.

Avec la Nouvellle-Écosse, l’Ontario est une des deux seules provinces canadiennes où certains électeurs peuvent voter par Internet lors d’élections municipales.

Puisque la province n’a toujours pas établi de normes à suivre pour voter de cette façon, les municipalités sont libres d’établir leur propre processus et d’embaucher l’entreprise de leur choix pour mener le vote en ligne.

Vote électronique et par Internet, quelle différence?

Le vote par Internet s’effectue via un portail dédié en ligne, tandis que le vote électronique se fait dans un bureau de scrutin via un terminal électronique. Il est souvent combiné avec une trace papier.

Mais certains résidents et candidats sont préoccupés par cette façon de faire relativement nouvelle, et qui manque d’uniformité d’une municipalité à l’autre.

À Sudbury et North Bay, par exemple, des électeurs ont reçu plus d’un bulletin de vote en ligne par la poste, créant des craintes que certaines personnes puissent voter en double.

À Espanola, la Municipalité a adopté une approche hybride en permettant aux citoyens de voter uniquement par Internet ou par téléphone.

Un groupe d’aînés a rencontré la conseillère municipale Heather Malott pour lui faire part de leur mécontentement envers cette nouvelle démarche.

« Certains résidents âgés me disent que ça complique trop les choses, et que le vote en ligne, c’est pour les jeunes seulement », relate Mme Malott.

« Pour eux, voter est un moment de rassemblement, un moment social. Avec le vote par Internet, ils perdent ça. » – Heather Malott, candidate à l’élection municipale à Espanola

Pour calmer les appréhensions, des employés de la Ville d’Espanola ont organisé des séances d’accompagnement au vote en ligne dans les résidences pour personnes âgées et les centres communautaires.

« J’y suis allée ce matin, et tout semblait bien se dérouler », raconte Mme Malott.

Gérer les risques de fraude

Mais ceux qui ont pris part à la planification des élections municipales, comme le greffier à la Ville du Grand Sudbury, Éric Labelle, ainsi que la candidate à la mairie de North Bay, Johanne Brousseau, sont convaincus qu’il y a beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients liés au vote par Internet.

Les municipalités et les entreprises technologiques qui administrent le vote en ligne sont au courant que certains résidents ont reçu des bulletins de vote en ligne erronés ou en double, selon Mme Brousseau.

« La compagnie désactive un des deux codes d’accès envoyés en double », explique-t-elle.

Selon la politologue Geneviève Tellier, un des enjeux principaux liés au vote par Internet est le risque de fraude.

« On peut peut-être reconnaître à partir de quel ordinateur ou quelle adresse IP ça a été fait, mais il n’y a rien qui empêche une personne de le faire d’une autre place », estime-t-elle.

Ce scénario ne préoccupe pas particulièrement M. Labelle. « La technologie nous protège de différents types de fraudes », affirme-t-il. « Aussitôt qu’on devient au courant de quelque chose, on avise notre système de police, qui mène une enquête. »

Mais un des enjeux plus fondamentaux, selon Mme Tellier, est le risque que certaines personnes incitent d’autres à voter. « Le vote ne se fait pas dans un isoloir. Les gens peuvent regarder pour qui vous votez. Ce n’est pas avantageux pour la démocratie », selon elle.

De son côté, Mme Brousseau estime que le jeu en vaut la chandelle. « Il y a toujours des risques durant des élections, même avec le vote en personne. Je suis prête à accepter ces risques-la, et on verra le jour des élections, si on a besoin de réajuster. »

Rendre le vote plus accessible pour les jeunes?

Lorsque Mme Brousseau a appris que le vote par Internet serait utilisé pour la première fois à North Bay cette année, elle a estimé que c’était une bonne idée, surtout pour les jeunes.

« Je veux vraiment que ceux âgés de 20 et 40 ans soient encouragés à aller voter », explique-t-elle.

Aux dernières élections municipales, plus de 80 % des résidents du Grand Sudbury ayant voté l’ont fait sans se rendre aux urnes.

« Le vote par Internet est une façon très populaire de voter », explique M. Labelle. « On voit les bulletins de vote rentrer dans le système, parfois à 3 h du matin, c’est vraiment aux électeurs de décider quand et comment voter. »

De son côté, Élections Ontario, qui gère le processus de vote pour les élections provinciales, croit que la technologie a un rôle à jouer dans l’organisation des élections.

« Toutefois, pour le moment, nous n’avons pas encore identifié une méthode fiable pour le vote par Internet, une méthode qui respecterait nos critères et qui protégerait l’intégrité et la sécurité du processus, » explique la porte-parole Rafaëlle Pons dans un courriel à Radio-Canada.

Publié le 17 octobre 2022