Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche
En travaillant sur le comportement des cellules souches, des chercheurs tentent de faire la lumière sur ce qui cause des souffrances chez les patients atteints de maladies orphelines. Bien qu’elles touchent environ 8 % de la population au Québec, ces pathologies demeurent sous-financées et méconnues.
Des maux sans remède : voilà le cheval de bataille de l’équipe de recherche du Centre d’excellence en recherche sur les maladies orphelines – Fondation Courtois de l’Université du Québec à Montréal (CERMO-FC UQAM), qui réunit plus de 60 chercheurs au Québec comme à l’international.
Ce combat bénéficie d’un sacré coup de pouce, cet automne : un don de 12 millions de dollars de la Fondation Courtois, qui permettra de renouveler les équipements, tels que les microscopes et des appareils de spectrométrie de masse, de payer le salaire de quelques chercheurs et d’offrir des bourses, pour permettre à des étudiants de démarrer des projets de recherche. Il s’agit du don le plus important jamais reçu à la Fondation de l’UQAM.
Tout cela a pour objectif de mieux comprendre les mécanismes cellulaires derrière les maladies orphelines, dont sont affligées près de 700 000 personnes au Québec. Chacune d’entre elles touche au moins une personne sur 2000. « Nous espérons apporter un changement majeur dans la vie de ceux et celles qui vivent ou qui côtoient ces maladies rares », a déclaré Jacques Courtois, le président de la fondation donatrice, dans un communiqué.
Des maladies orphelines aux sources apparentées
« Si on trouve le mécanisme cellulaire entre la mutation et l’expressivité de la maladie, on devrait pouvoir le guérir ou le prévenir », explique Nicolas Pilon, directeur du CERMO-FC, l’un des seuls centres de recherche au pays à se concentrer sur les rouages et la modélisation des maladies orphelines.
Lui et ses collègues s’intéressent à un type de cellule en particulier, les cellules à crête neurale, qui peuvent être à la source de divers syndromes. « Comme ce sont des cellules souches, elles affectent plusieurs organes », précise le biologiste. Ce sont des maladies dont les symptômes peuvent différer, mais dont la mécanique cellulaire, elle, peut être apparentée.
Et parfois, les symptômes se ressemblent. C’est le cas des syndromes CHARGE et Kabuki, qui affectent tous deux la morphologie faciale et peuvent être à la source de troubles neurologiques et comportementaux ou de déficit intellectuel. « Le syndrome CHARGE et le syndrome Kabuki présentent un grand chevauchement quant aux signes cliniques, ce qui peut s’expliquer par des similitudes autant cellulaires que moléculaires », dit M. Pilon.
Selon le chercheur, ces mécanismes extrêmes de dysfonctionnement de processus cellulaires peuvent également nous renseigner sur des maladies plus communes, d’où l’intérêt.
Pathologies négligées, patients isolés
Ces maladies ont longtemps été négligées par la communauté médicale et scientifique. Retards de diagnostics et manque d’information sont le lot de nombreux patients. Ces lacunes entraînent un sentiment d’isolement et divers problèmes psychosociaux chez les personnes affligées, selon le Regroupement québécois des maladies orphelines composé d’une trentaine d’associations de patients.
Le gouvernement du Québec tente d’y remédier avec sa Politique québécoise pour les maladies rares, mise en place en juin dernier. Selon le document publié par le ministère de la Santé, seulement le quart des 8000 maladies rares connues ont été proprement identifiées, et une fraction d’entre elles ont fait l’objet d’une recherche approfondie.
S’il se réjouit de cette nouvelle politique, M. Pilon souhaite qu’elle s’accompagne d’investissements, non pas que pour la recherche, mais aussi pour les personnes touchées. Car, lorsqu’elles affectent les enfants, c’est toute la cellule familiale qui subit les conséquences de ces maladies. « Étant donné qu’il y a peu de ressources pour la prise en charge des patients, l’un des deux parents doit souvent arrêter de travailler pour s’occuper de son enfant », indique Nicolas Pilon. Une véritable perte pour la société, selon le professeur.
Des traitements encoredans les laboratoires
Comme dans bien des domaines, l’argent est le noeud de la guerre en ce qui concerne ces maux singuliers. Et même s’il s’agit d’un don historique pour son centre de recherche, Nicolas Pilon admet qu’il sera vite dépensé.
Historiquement, la recherche sur les maladies orphelines est peu financée, car peu rentable. Du côté de l’industrie pharmaceutique, il manque d’incitatifs pour produire des médicaments qui ne servent que rarement, selon M. Pilon.
Raison pour laquelle les chercheurs du CERMO-FC misent sur ce que ces pathologies ont en commun. « Un même traitement pour plusieurs maladies, ça, c’est intéressant pour une compagnie de biopharmaceutique », estime M. Pilon.
N’empêche, passer de la recherche en laboratoire à la production de médicaments reste un défi, au Québec, au point où des traitements « dor[ment] dans les laboratoires », selon le chercheur, qui se trouve actuellement dans cette situation. « On a quelque chose qui fonctionne très bien, avec des modèles de souris, avec des tissus de patients », relate-t-il. Or, impossible de passer à l’étape suivante, celle de l’essai clinique, faute d’accès à la molécule identifiée comme ayant un pouvoir thérapeutique.
« C’est difficile », soupire-t-il. « Cette molécule existe, elle est disponible, on sait comment la produire, mais il y a plein d’aspects réglementaires ou financiers qui nous empêchent de juste l’acheter et de faire l’essai », précise le chercheur, en ajoutant que la compagnie biopharmaceutique ciblée se concentre désormais sur la production de vaccins.
De la disponibilitéà l’accessibilité
C’est pourquoi il serait judicieux de mettre en place des incitatifs pour donner la piqûre des maladies rares aux compagnies pharmaceutiques, selon Nicolas Pilon, comme c’est le cas aux États-Unis. La Orphan Drug Act, loi datant de 1983, garantit aux compagnies pharmaceutiques des crédits d’impôt, des exclusivités de marché ainsi que de l’aide à la rédaction de protocoles pour les essais cliniques, question de les pousser à développer des médicaments et des traitements pour les maladies rares.
En 2020, le Canada se classait au quatrième rang des pays de l’OCDE quant à la cherté des médicaments, selon le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB). Ainsi, Santé Canada travaille présentement à l’élaboration d’une Stratégie nationale sur les médicaments onéreux pour le traitement des maladies rares. Car même lorsqu’ils existent, et qu’ils sont en effet commercialisés, le coût de ces remèdes reste un obstacle majeur pour les patients.
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