AAH : le combat pour la déconjugalisation aboutit enfin

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Dans la nuit du 20 juillet, les députés ont voté la déconjugalisation de l’AAH, à l’unanimité moins une voix. L’adoption de cet amendement à l’article 5 du projet de loi « portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » répond, enfin, à une attente des personnes handicapées. Une attente perçue comme légitime par la société civile.

La mobilisation sans faille et sur plusieurs années des personnes en situation de handicap et des associations paie enfin. Elles ont interpellé les politiques, elles ont manifesté à de nombreuses reprises, encore en septembre dernier. Elles avaient le soutien de certains parlementaires, et d’autorités indépendantes, comme la Défenseure des droits.

« Une belle victoire collective »

« Nous avons réussi à instaurer le rapport de force, commente Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap. Nous avons embarqué la société civile, les journalistes et les parlementaires de tous bords, les autorités indépendantes, et jusqu’au Comité des droits de l’Onu. Ce dernier a demandé à la France la déconjugalisation lors de son examen de notre pays. C’est une belle victoire collective. »

Après six refus du Gouvernement, lors du précédent quinquennat, l’individualisation de l’AAH a été adoptée en première lecture, à l’Assemblée nationale, du projet de loi pouvoir d’achat le 20 juillet. Avec 428 voix pour et une contre, celle du député Horizons (ex-LREM) Thomas Mesnier. Les revenus du conjoint ne seront donc plus pris en compte dans le calcul du montant de cette allocation. Sur les 1,2 million d’allocataires de l’AAH, 270 000 vivent en couple.

Mise en application au 1er octobre 2023

Les débats ont essentiellement porté sur les délais de mise en œuvre. Soutenues par l’opposition, les associations la voulaient immédiate. Initialement, le Gouvernement proposait que cette loi soit appliquée au 1er janvier 2024. Selon toute vraisemblance, ce sera à partir du 1er octobre 2023. En effet, a-t-il argumenté, il faut le temps de résoudre des difficultés de compatibilité technique entre les systèmes d’information des caisses d’allocations familiales et de l’administration fiscale.

Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion a promis que si les considérations techniques étaient résolues plus tôt, la déconjugalisation serait avancée. « Je ne me fais pas beaucoup d’illusion sur un avancement possible », prévient Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps. Par ailleurs tout à fait satisfait de « l’aboutissement d’une revendication historique ».

Qu’en est-il du droit d’option et de son délai ?

Autre sujet de préoccupation : la question du droit d’option. Le principe ? Permettre aux personnes de choisir la solution la plus favorable entre le calcul individualisé de leur AAH et le maintien du régime actuel. En l’état, avant l’adoption définitive du projet de loi, ce choix serait possible jusqu’à la date du renouvellement de l’AAH. Le hic : il pourrait y avoir des perdants. Particulièrement les personnes handicapées qui travaillent et vivent avec un conjoint peu ou pas rémunéré. Mais le Sénat pourrait retoucher cette règle, l’améliorer, et porter ainsi le délai d’option à dix ans, par exemple.

Vers un revenu de remplacement ?

Sur le plan symbolique aussi, la déconjugalisation de l’AAH revêt une importance certaine aux yeux de Pascale Ribes. « C’est le signe que l’AAH n’est pas perçue comme un minima social comme les autres. Maintenant, elle doit devenir un véritable revenu de remplacement, supérieur au seuil de pauvreté. »

À compter du lundi 25 juillet, le Sénat examinera le texte en commission, et les séances publiques autour du projet de loi pouvoir d’achat se tiendront à partir du 28 juillet. Suivra ensuite une commission mixte paritaire. Si les deux assemblées se mettent d’accord, le texte sera définitivement adopté. À défaut, il fera l’objet d’une nouvelle navette parlementaire.

Publié le 21 juillet 2022
Par Emma Lepic