Comment se compare le métro de Montréal

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Photo prise lors des travaux d’excavation pour la construction de la station de métro Berri-de-Montigny, devenue Berri-UQAM, à Montréal en novembre 1965
Photo: Henri Rémillard Archives BanQ Photo prise lors des travaux d’excavation pour la construction de la station de métro Berri-de-Montigny, devenue Berri-UQAM, à Montréal en novembre 1965

Comparaison n’est pas raison ? Allons donc ! Il n’y a souvent que ce moyen bien instructif pour comprendre et expliquer une situation.

À ce jeu instructif, si le métro de Montréal était un élève et si le bulletin portait maintenant sur l’accessibilité universelle de ses services, le réseau d’ici serait placé parmi les cancres, même avec les efforts consentis ces deux dernières décennies.

Au total, en 2024, 31 stations seront adaptées avec des services offerts aux personnes à mobilité réduite, soit moins de la moitié du réseau, qui en compte 68 réparties sur 71 km de tunnel. Avec la nouvelle phase de travaux souhaitée par la Société de transport de Montréal (STM) — mais impossible à réaliser sans le financement toujours refusé par Québec — on en serait à 36 en 2028 et à 41 en 2030 avec le plan suivant, vraisemblablement lui aussi menacé, soit 60 % du lot.

Il y a d’autres mauvais élèves. Le réseau de Londres, le plus ancien du monde, inauguré en 1863, ne compte que 18 % de gares (50 sur 270) équipées adéquatement pour permettre l’accès en fauteuil roulant, y compris avec des rampes d’accès aux trains. À New York, le compte était à 117 gares accessibles universellement sur 472 (25 %) en 2017.

Montréal n’a pas choisi l’option de l’universalité lors de la construction de ses premières lignes dans les années 1960, même si les exemples à suivre existaient déjà, y compris sur le continent nord-américain. Les 39 stations du métro de San Francisco, construit entre 1951 et 1975, sont accessibles depuis leur inauguration. Ici, la ligne bleue, achevée en 1988 n’a pas été « universalisée » alors que l’Année internationale pour les personnes handicapées, décrétée en 1981, a propagé la norme internationale voulant l’accessibilité de toutes les stations d’un réseau.

Une étude comparative du ministère des Transports du Québec datant de 2001 constatait que 15 des 25 métros souterrains étudiés avaient déjà équipé 100 % de leurs stations pour faciliter la mobilité réduite, y compris les métros d’Atlanta, d’Edmonton, d’Osaka, d’Amsterdam, de Chicago, de Washington, de Toulouse et de Varsovie. Cinq autres systèmes avaient installé des ascenseurs dans des proportions de 43 % (Nagoya) à 96 % (Stockholm). À Toronto, l’installation d’ascenseurs au moment de la construction des stations représentait moins de 1 % du total des frais.

« Tous les réseaux étudiés mentionnent l’importance de favoriser l’accessibilité aux différents modes de transport en commun ainsi que la correspondance entre ces modes de transport, concluait l’analyse internationale qui date déjà d’un quart de siècle. Aucune des villes étudiées n’offre une accessibilité complète de tous les modes de transport en commun, mais toutes y travaillent : métro, autobus urbains, tramway, système léger sur rail, train de banlieue. Il est généralement reconnu que plus la desserte sera complète, plus les usagers voudront changer leurs habitudes de transport. »

Hola Madrid

L’exemple de Madrid fait rougir. Le système comptait déjà 199 stations accessibles aux personnes à mobilité réduite quand a été lancé le Plan d’accessibilité et d’inclusion de la banlieue de Madrid 2016-2020 pour rajouter 89 ascenseurs dans 33 nouvelles stations en plus d’autres équipements maintenant standards comme les sols tactiles, les doubles mains courantes ou la signalétique en braille. À la fin du programme, trois stations sur quatre de l’énorme réseau étaient accessibles pour tous.

Il faut dire que le coût des travaux espagnols ne jette pas l’effroi comme ici, où le remplacement du pont de l’île d’Orléans, long de 2 km à peine, va demander près de 3 milliards. L’installation de sept ascenseurs à la gare Bilbao de Madrid en 2020 a demandé 8 millions d’euros seulement, soit un peu moins de 12 millions de dollars canadiens. Le chantier a aussi permis de moderniser les revêtements et les équipements technologiques de la station. Un système d’étanchéité a également été installé pour protéger les installations des fuites d’eau.

À ces comptes madrilènes, le réseau montréalais aurait équipé et rénové plus de la moitié de son réseau de gares avec la seule phase d’investissement de 320 millions de son Programme accessibilité lancée en 2017. Dans les faits, le gros magot payé par Québec n’a servi qu’à équiper 6 stations. En 2001, ailleurs dans le monde, le coût moyen pour rétro-installer un ascenseur et réaliser d’autres aménagements promobilité dans une station existante variait de 1,7 million (Barcelone) à 4,5 millions (Toronto). En dollars constants, en tenant compte de l’inflation, il faudrait compter le double maintenant. À Montréal, les vrais de vrais budgets font plusieurs culbutes de plus.

Le réseau d’autobus montréalais, lui, par contre, est accessible. C’est donc l’intermodalité que vient malmener la décision de geler les chantiers d’accessibilité de stations supplémentaires du métro. De même, la nouvelle gare du Réseau express métropolitain (REM) ne permet toujours pas d’interconnexion à la station de métro Bonaventure pour les personnes à mobilité réduite ou les cyclistes, une autre aberration selon les normes mondiales largement partagée. Mais évidemment, comparaison n’est pas raison…

Publié le 11 mai 2024
Par Stéphane Baillargeon