Une « cellule de crise » est créée pour trouver des solutions
La pénurie de main‑d’œuvre frappe de plein fouet les services d’autobus du réseau exo dans les couronnes de Montréal, au point de mobiliser une « cellule de crise » pour trouver des solutions au manque chronique de personnel qui crée des ruptures de services importantes dans plus d’un secteur.
Depuis le début de l’année 2022, le réseau exo livre en moyenne 98 % des départs d’autobus prévus à son horaire. À première vue, 2 % de départs annulés, ce n’est pas si mal, non ? En fait, c’est terrible. Concrètement, ça veut dire qu’en moyenne, chaque matin, une centaine de bus qui étaient prévus à l’horaire d’exo ne passent pas, laissant des passagers poireauter à l’arrêt jusqu’au passage du prochain. S’il y en a un.
Et depuis la rentrée, c’est pire. Selon le directeur d’exploitation du réseau d’autobus d’exo, Marc Rousseau, « il manque chaque jour entre 40 et 80 chauffeurs » pour assurer l’ensemble des services à l’horaire d’exo. Ce taux de livraison des services est principalement plombé par les problèmes criants dans trois secteurs de banlieue en particulier (sur les 14 secteurs de desserte d’exo) où on n’arrive pas à colmater les brèches créées par la pénurie de chauffeurs :
- le secteur de Châteauguay et du sud-ouest de la Montérégie, où le taux de livraison est de 96 % ;
- celui de Sainte-Julie, sur la Rive-Sud, où seulement 93,5 % des services annoncés sont effectivement donnés ;
- et celui de l’axe Sorel-Varennes-Longueuil, où le taux de services livrés est de 85 %. Autrement dit, un bus sur sept, jour après jour, ne se présente jamais.
Amplifié par la pandémie
Selon la directrice exécutive Engagement clients, partenaires et innovation du réseau, Marie-Hélène Cloutier, exo a créé un système d’alerte automatisée pour prévenir les usagers des départs annulés par l’application mobile Chrono. Le transporteur des banlieues a de plus lancé sa propre campagne de recrutement pour proposer des chauffeurs à des transporteurs privés, qui assurent les services d’autobus d’exo. Les échos sont positifs, selon la direction du réseau.
La cellule de crise, elle, vise à rassembler les acteurs concernés pour trouver des solutions plus durables, explique la directrice. Mardi, ce sont 14 acteurs de l’industrie du transport, privée et publique, du milieu de l’éducation, de la formation, en plus des municipalités et du ministère du Travail, qui tâcheront de formuler des solutions concrètes à un problème qui ne peut aller qu’en empirant, et dont la solution passe, nécessairement, par une amélioration des conditions d’emploi.
Ces solutions seront présentées au gouvernement qui sera élu le 3 octobre prochain. La création d’un incitatif fiscal permettant aux retraités ou préretraités de toucher un salaire sans que cela nuise à leurs prestations, de même que la reconnaissance des compétences acquises hors Québec, notamment pour des immigrants, seront sans doute soulevées. Ces demandes sont communes à de nombreux autres secteurs économiques (restauration, commerce de détail, fabrication) aux prises avec les mêmes difficultés.
« Pour nous, le problème a été amplifié par la pandémie. Nous avons été forcés de réduire nos services, et nos transporteurs ont dû procéder à des mises à pied. Une grande partie de ces employés-là ne sont pas revenus. Ils ont trouvé un autre travail. » — Sylvain Yelle, directeur général d’exo
« Pour combler les besoins de cet automne, on a lancé des appels à tous les transporteurs privés et on a réussi à en dénicher 10 pour aider dans le secteur de L’Assomption. Nous avons aussi engagé une firme spécialisée pour en trouver d’autres. Ils nous ont dit qu’il faudrait aller en Ontario et en Alberta », ajoute le DG d’exo.
La solution est peut-être plus près : rétablir et même bonifier les services hors pointe abolis durant la pandémie.
Gagnant-gagnant-gagnant
Cela peut paraître contre-intuitif, au moment où on manque de chauffeurs, de penser à augmenter les services. Mais selon le directeur exécutif à l’exploitation d’exo, Marc Rousseau, « à la base, si on veut régler le problème des horaires de travail, qui, d’après ce qu’on nous dit est le plus critique, ça passe par une bonification du service hors pointe. C’est très clair ».
Des services d’autobus continus hors des périodes de pointe, plutôt que concentrés en pointes du matin et du soir, permettraient aux transporteurs qui ont un contrat avec exo d’offrir à leurs chauffeurs des horaires de travail plus réguliers et continus.
Plus attrayants que les « horaires brisés » qui caractérisent souvent le métier, où l’on travaille quelques heures le matin, quelques heures le soir, sans être payé entre les deux. De l’avis général, il s’agit d’un des pires repoussoirs à l’emploi de chauffeurs.
« Nos transporteurs nous le disent depuis fort longtemps », affirme M. Rousseau. Et les municipalités des banlieues desservies par les autobus d’exo réclament aussi, depuis des lustres, une bonification du service local en dehors des heures de pointe, vers des destinations locales plutôt qu’exclusivement vers Montréal, Laval et Longueuil.
« L’enjeu qui vient avec, évidemment, c’est le financement, ajoute-t-il. Plus d’heures de services, ça veut dire plus de financement, on n’en sort pas. Exo a du rattrapage à faire sur ce plan. Notre réseau de transport a été l’un des plus rapidement impactés par la pandémie, mais aussi un des plus efficaces pour ajuster ses services en conséquence. Nous avons encore cette agilité-là. Mais rétablir les services abolis durant la pandémie, ça ne dépend pas que de nous. »
Le réseau d’autobus d’exo en chiffres
- 5300 départs par jour
- 232 circuits
- 650 autobus requis
- Entre 800 et 900 chauffeurs
Taux de livraison des services comparés (2021)
- STM (bus) 99,67 %
- RTL 99,8 %
- STL 99,77 %
- Exo (bus) : 99,6 %
- Exo (bus) 2002 : 98 %
68 % : Fréquentation actuelle par rapport à l’achalandage prépandémie