Accessibilité, le défi à un milliard (de personnes)

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Le Projet Leonardo de Sony
Photo: Sony Le Projet Leonardo de Sony

Apple permettra bientôt à son iPhone de synthétiser votre voix. Sony a créé le Project Leonardo pour mettre au point le contrôleur de jeu vidéo le plus universel possible. Microsoft croit que l’IA va faire tomber cette ultime frontière qui empêche un milliard de personnes dans le monde d’avoir accès à une meilleure qualité de vie.

À l’heure actuelle, plus d’un milliard de personnes vivent avec un handicap visuel, moteur, mental ou cognitif qui les empêche d’avoir accès à toutes sortes d’expériences virtuelles et numériques. Ce sont des occasions de socialiser en moins. Des occasions peut-être ratées de trouver un emploi ou de décrocher une promotion.

Le virage numérique généralisé de l’économie — y compris des services gouvernementaux — promet de rendre plus accessible, de n’importe où et d’à peu près n’importe quand, une foule de produits et services. Sauf quand on n’arrive pas à manipuler une souris trop capricieuse. Quand le micro ne parvient pas à transmettre son message. Quand un clavier, aussi ergonomique soit-il, est trop malcommode pour être réellement pratique.

Ces périphériques n’ont pas nécessairement été conçus pour rendre plus aisée l’interaction avec le monde numérique. Le format du clavier de votre PC a été hérité des dactylos qui s’emmêlaient constamment les broches. La forme de la souris informatique moderne est plus susceptible de vous faire souffrir le bras et l’épaule que de vous aider à tracer à l’écran une ligne parfaitement droite.

Et le micro, celui que des millions de gens oublient d’activer avant d’intervenir dans un appel vidéo, ne peut pas transmettre la voix peut-être chevrotante d’une personne atteinte de sclérose latérale amyotrophique, ou SLA, la maladie de Lou Gehrig, un trouble neuromoteur qui affecte les muscles et qui peut rendre très difficile l’utilisation de sa voix.

Jouer sans frontières

Du milliard de personnes dans le monde qui vivent avec un handicap, 6,2 millions vivent au Canada. C’est une partie non négligeable de la population et elle intéresse de plus en plus les fabricants d’appareils électroniques et informatiques. Dans son Project Leonardo, Sony a voulu mettre au point un contrôleur universel qui peut être pris en main ou déposé sur une surface plane, et dont toutes les touches sont accessibles.

Un contrôleur comme la DualSense de la PlayStation 5 comporte des touches de toutes les tailles, allant du petit au très petit. Le Project Leonardo a une forme large et arrondie, où toutes les touches sont de la même taille. Chacune des touches peut être personnalisée pour envoyer le signal de son choix.

« Les joueurs peuvent modifier les composants pour créer une variété de dispositions des touches de contrôle. La distance entre le joystick et le clavier peut être modifiée pour accommoder n’importe quel joueur », expliquait plus tôt cette année le vice-président de l’expérience de jeu pour Sony Interactive, Hideaki Nishino.

Porte-voix sur mesure

La technologie derrière les hypertrucages (deepfakes) peut être mise à profit pour rendre des environnements numériques plus accueillants pour tous. C’est ce qu’a décidé Apple, qui proposera plus tard cet été trois nouvelles fonctionnalités d’accessibilité grâce à une mise à jour du logiciel de son iPhone.

La plus intrigante des trois est celle qui permettra d’utiliser son téléphone comme un synthétiseur vocal. Il suffira de répondre à un court questionnaire pour que l’appareil se familiarise avec votre voix et vos intonations. Quinze minutes plus tard, il pourra imiter votre voix. Une série de phrases clés pourront aussi être enregistrées à l’avance pour être utilisées rapidement durant des appels vidéo. Le reste du temps, il sera possible de taper du texte à l’écran du téléphone, et l’appareil les lira à voix haute.

À cette reconnaissance de la voix s’ajoute aussi la reconnaissance visuelle. La vision par ordinateur a fait des progrès ces dernières années qui pourraient compenser certains troubles de la vue. À peu près en même temps, Apple et Google ont présenté chacun de leur côté une application qui utilise la caméra d’un téléphone intelligent pour repérer les objets à proximité et en mentionner la présence à l’utilisateur.

Avec les bons algorithmes, un téléphone peut facilement reconnaître des objets, des gens ou des environnements donnés. L’application développée par Google était capable de décoder le contenu d’un sac à main, y compris la valeur des billets de papier-monnaie qu’il contenait.

L’innovation pour tous

Il y a différentes raisons pour lesquelles les géants technos démontrent un intérêt renouvelé envers le marché de l’accessibilité. Il y a certainement un effet de la plus grande volonté des grandes multinationales d’améliorer leur impact social. Les plus cyniques rappelleront que dans le marché quasi saturé des produits électroniques, c’est un moyen de cibler une clientèle qui a été jusqu’ici un peu négligée.

Microsoft a en quelque sorte lancé l’élan actuel vers une plus grande accessibilité avec sa console Xbox, un peu avant la pandémie. À l’époque, le pari pris par ses ingénieurs était que des accessoires de jeu plus faciles à manipuler seraient bien accueillis non seulement par des gens ayant de la difficulté à les utiliser, mais par tous les joueurs.

Si c’est bon pour un milliard de personnes, c’est bon pour tous.

Publié le 27 mai 2023
Par Alain McKenna