Alléger le fardeau fiscal des proches aidants

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Prendre soin d’un proche malade ou handicapé, d’un parent âgé, ce n’est pas de tout repos. Les « aidants naturels » doivent souvent concilier ce travail de soutien avec leur emploi rémunéré.

Au Québec, il y a près de 1,5 million de proches aidants, des femmes dans 57,5 % des cas, selon l’Institut de la statistique du Québec. Près du tiers de ces aidants consacrent 10 heures ou plus chaque semaine au soutien d’un membre de leur famille, d’un ami, d’un voisin. Et près de 10 % d’entre eux occupent un emploi. Outre l’épuisement et la détresse psychologique, un stress financier est bien souvent présent. Une étude de l’Institut de recherche en politiques publiques parue en 2015 révèle qu’un proche aidant dépense en moyenne 7 600 dollars par année pour la personne qu’il soutient, sans compter un manque à gagner s’il doit diminuer ses heures de travail. « C’est énorme sachant qu’il y a une perte de revenus estimée à quelque 16 000 dollars pour ceux qui travaillent », précise Mélanie Perroux, directrice générale de Proche aidance Québec, un regroupement d’une centaine d’organismes voués aux personnes proches aidantes.

Pour réduire leur fardeau, Québec et Ottawa ont mis en place des mesures de soutien financier. Mais seulement 6 % des gens concernés s’en prévalent, comme le soulignait en 2018 le Conseil du statut de la femme dans un portrait sur la proche aidance. « Ce n’est guère étonnant vu les critères d’admissibilité très stricts qui finissent par exclure une majorité d’entre eux », déplore Mélanie Perroux. Certains contribuables ne savent tout simplement pas qu’ils ont droit à des crédits d’impôt au moment de remplir leurs déclarations fiscales.

Crédit d’impôt pour personne aidante

Depuis l’année fiscale 2018, ce crédit au provincial reconnaît l’implication d’un membre de la famille même si celui-ci ne cohabite pas avec la personne aidée. Mais cette dernière doit être atteinte d’une déficience grave et prolongée en plus d’avoir besoin d’assistance pour accomplir une tâche courante de la vie quotidienne. De plus, elle ne doit pas demeurer dans une résidence pour aînés ni une installation du réseau public.

La somme versée peut s’élever à 1 266 dollars (déclaration de revenus de 2021). Attention : ce n’est pas le revenu net de l’aidant qui est pris en compte, mais celui de la personne aidée. Et s’il excède 22 460 dollars, le crédit est réduit. Ce dernier est doublé si la personne aidante cohabite avec la personne aidée. Changement important en 2020 : on reconnaît enfin le conjoint parmi les proches admissibles.

Le crédit ne tient pas compte du revenu du proche aidant, alors que celui-ci donne de son temps, qu’il pourrait choisir de consacrer à un travail rémunéré. « L’État considère que la personne aidée qui est nantie doit payer son proche aidant. Ce qui dans les faits ne va pas de soi », constate la directrice générale de Proche aidance Québec.

Le temps consacré aux proches ferait économiser de 4 à 10 milliards de dollars chaque année à l’État québécois, selon une étude publiée en 2015 par le Centre de recherche et de partage des savoirs InterActions, à Montréal.

Crédit si vous aidez une personne âgée de 70 ans ou plus sans déficience, avec laquelle vous habitez

Les aidants qui cohabitent avec un proche âgé de 70 ans ou plus qui n’est pas le conjoint et qui ne souffre pas d’une déficience grave ou prolongée peuvent recevoir une somme de 1 266 dollars. Il n’y a alors pas de seuil de réduction.

Dans tous les cas, l’aide doit être donnée sur une période d’au moins 365 jours consécutifs. « Cela exclut énormément de personnes, comme celles qui prennent soin de gens qui subissent des traitements pour le cancer durant quelques mois ou qui ont des maladies avec des plateaux, comme la sclérose en plaques », note Mélanie Perroux.

Crédit canadien pour aidant naturel

Ce crédit du fédéral s’applique si vous prenez soin d’un adulte à charge de la famille (ou de celle du conjoint) avec une déficience mentale ou physique, qu’il réside avec vous ou pas. Si la personne à charge a un revenu net supérieur à 17 256 dollars, le crédit de l’aidant diminue, jusqu’à être nul lorsque le revenu net de la personne à charge atteint 24 604 dollars (déclaration de 2021). Il peut s’agir d’un parent ou d’un grand-parent, d’un frère ou d’une sœur, d’un oncle ou d’une tante, ou encore d’un neveu ou d’une nièce d’âge adulte. Le crédit peut atteindre 920 dollars au Québec et jusqu’à 1 102 dollars dans le reste du Canada.

D’autres modalités s’appliquent s’il s’agit d’un époux, d’un conjoint de fait ou d’un enfant mineur ayant une déficience.

L’Agence du revenu du Canada pourrait par ailleurs demander une note signée d’un médecin attestant la date où la déficience a commencé et la durée prévue de celle-ci.

De l’aide pour prendre une pause du travail

Ceux qui prodiguent des soins ou du soutien à un membre de leur famille en fin de vie peuvent recevoir des prestations d’assurance-emploi pour proche aidant pendant 26 semaines, ou 15 semaines s’il s’agit d’une personne gravement malade ou blessée. La prestation correspond à 55 % de la rémunération hebdomadaire, pour un maximum de 638 dollars par semaine. Les personnes atteintes d’une maladie chronique ne sont malheureusement pas admissibles. On doit également prouver l’état du patient en obtenant un certificat signé par un médecin ou un infirmier praticien.

Avec l’aide de Josée Jeffrey, fiscaliste et planificatrice financière indépendante à Focus retraite et fiscalité.

Publié le 01 avril 2022