Avenue du Mont-Royal – La piétonnisation toute l’année envisagée, mais pas à court terme

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PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La piétonnisation de l’avenue du Mont-Royal à l’est de l’avenue Saint-Denis a pris fin jeudi.

Faut-il piétonniser l’avenue du Mont-Royal toute l’année ? Pressée par de plus en plus de citoyens, la Ville de Montréal confirme avoir des « discussions » et ne ferme pas la porte à long terme, mais n’ira pas de l’avant pour le moment. Dans le milieu commercial, on prône d’abord la prudence.

« Ce n’est pas pour tout de suite, ni pour l’an prochain, mais on ne va jamais dire jamais. Il y a encore beaucoup de travail pour y arriver. C’est un projet qui demanderait une grande transformation de la rue. Cela dit, on a déjà des discussions en cours », confie en entrevue la conseillère de la ville dans le district De Lorimier, Marianne Giguère.

Interdites de circulation depuis la fin mai, les voitures ont recommencé à circuler sur l’avenue du Mont-Royal, jeudi. L’idée d’étendre cette piétonnisation à toute l’année fait toutefois de plus en plus d’adeptes. Une manifestation a d’ailleurs eu lieu en soirée, jeudi, pour réclamer l’interdiction des voitures à longueur d’année. À noter : entre la rue Saint-Denis et le boulevard Saint-Laurent, la piétonnisation se poursuit jusqu’à la mi-octobre.

« Il y a de plus en plus de rues piétonnes qui vont le demeurer à l’année, notamment dans le Vieux-Montréal. Sur Mont-Royal, ça permettrait à la Ville de mieux organiser les services de transport collectif, de transport adapté, voire de faire cohabiter les piétons et les cyclistes », affirme Olivier Labrèche, un résidant à l’origine de la manifestation, aussi porte-parole du mouvement politique Transition Montréal.

Sur les réseaux sociaux, des citoyens en redemandent eux aussi. « J’aurais pris au moins un mois de plus. Je trouve étrange que la partie où il y a le plus de restaurants et de bars soit fermée en premier », s’étonne une usagère, Geneviève Arpin.

Beaucoup de travail

Dans l’immédiat, l’enjeu principal, dit Marianne Giguère, c’est justement le transport collectif. La ligne 97 qui emprunte l’artère est en effet fortement appréciée et utilisée depuis des années. « Il y a des personnes âgées, des étudiants, des gens de partout qui la prennent. Déplacer le tracé sur Saint-Joseph, par exemple, ça impliquerait un temps de marche en plus qui n’est pas évident pour tout le monde », soutient l’élue.

« L’été, on peut compenser avec des services de taxi ou les BIXI, mais si on voulait commencer à réfléchir à garder la rue piétonne à l’année, il faudrait d’abord avoir résolu cet aspect. C’est trop important, d’autant plus que la station de métro Mont-Royal vient d’être reconçue entièrement », poursuit-elle, en précisant que le déneigement poserait aussi certains défis opérationnels.

Selon Mme Giguère, « les commerçants sont favorables dans une proportion d’environ 65 % à la piétonnisation ». « Bref, il n’en demeure pas moins que, pour certains, ça rend les choses plus difficiles. On a besoin de ces commerces pour animer la rue. Il faut y aller étape par étape. »

Un sondage mené l’été dernier par l’Observateur, pour le compte de la Société de développement commercial (SDC) locale, révélait que 43 % des commerçants ont observé une hausse de leur chiffre d’affaires pendant la piétonnisation ; 25 % n’ont vu aucun impact et 30 %, un effet à la baisse.

Graduel, le mot d’ordre

À la SDC de l’avenue du Mont-Royal, le directeur général Claude Rainville appelle d’abord à « prendre un peu de recul ». « On existe depuis 40 ans, et pendant 35 ans, la rue a été piétonne huit jours par année. Là, elle l’est pratiquement 30 % du temps, donc on avance. Il faut regarder d’où on part et où on s’en va », avance-t-il.

« La prochaine étape pour nous, ça sera de définir où on veut être en 2030. En 2025, en fait, ça ne sera pas la sixième édition, mais plutôt la première édition d’un nouveau cycle. On sait qu’on ne peut pas faire un copier-coller chaque année non plus si on veut garder l’intérêt des gens », poursuit M. Rainville.

D’ici 5 à 10 ans, rappelle le DG de la SDC, « la Ville va refaire les infrastructures de l’avenue du Mont-Royal ». « Quand on y sera, ça pourrait être le temps de réfléchir à un nouvel aménagement. Ça va être le prochain rendez-vous important. Actuellement, c’est comme si on changeait le modèle avec une vieille structure, en attendant qu’un jour, peut-être, on refasse la structure », persiste le gestionnaire.

Cela dit, la rénovation de Mont-Royal « ne viendra pas nécessairement en premier dans les 10 prochaines années », nuance Mme Giguère. « On ne s’empêchera pas de repenser la rue si on veut aller plus loin entre-temps. Mais je suis d’accord : on pourrait s’accrocher à ça pour repenser la géométrie de la rue. »

Olivier Labrèche, lui, espère surtout du changement rapide, comme le reste des manifestants. « Cinq à 10 ans, c’est un peu long, de notre perspective, mais c’est quand même bien de voir que c’est dans les plans à long terme. On espère avoir des gestes transitoires d’ici là », conclut le Montréalais.

En savoir plus

  • 2,3 kmC’est la longueur du tronçon piétonnisé de l’avenue du Mont-Royal, sur un total d’un peu plus de 5 km, en faisant la rue piétonne la plus longue de la métropole. Source : VILLE DE MONTRÉAL
Publié le 06 septembre 2024
Par Henri Ouellette-Vézina