Avis dans le cadre des consultations pré budgétaires du gouvernement du Québec

Temps de lecture estimé : 15 minutes.

Rédaction : permanence de la COPHAN

Avec la collaboration de : Finautonome, Réseau Québécois pour l’Inclusion Sociale des personnes sourdes et malentendantes (RéQIS), Association québécoise des personnes de petite taille (AQPPT), Association québécoise pour l’Équité et l’inclusion au postsecondaire (AQEIPS), Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), Association du syndrome de Usher du Québec (ASUQ), Membre honoraire de la COPHAN.


Date de transmission :13 février 2023

La Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN), organisme à but non lucratif incorporé en 1985, a pour mission de rendre le Québec inclusif afin d’assurer la participation sociale pleine et entière des personnes ayant des limitations fonctionnelles et de leur famille. Son conseil d’administration est composé majoritairement de personnes en situation de handicap. Elle regroupe près de 50 organismes et regroupements nationaux et régionaux de personnes ayant tout type de limitations fonctionnelles.

La COPHAN demande au gouvernement neuf (9) actions ayant des incidences financières qui auront des effets positifs sur l’inclusion des personnes en situation de handicap :

1.    Rendre remboursable le montant pour déficience grave et prolongée des fonctions mentales ou physiques

Depuis plusieurs années la COPHAN propose de rendre remboursable le montant pour déficience grave et prolongée des fonctions mentales ou physiques.

Il faut « reconnaître que les contribuables atteints d’une déficience grave et prolongée des fonctions mentales ou physiques ont une capacité réduite de payer des impôts en raison des coûts additionnels qu’ils ont à supporter et leurs faibles revenus. »[1] Bien que soit reconnue l’obligation de l’État de compenser les surcoûts liés aux limitations selon la politique À part entière, l’objectif du montant doit être de compenser les surcoûts des contribuables atteints d’une déficience grave et prolongée couverts en tout ou partie. Très peu de personnes se qualifient pour bénéficier de ce crédit d’impôt actuellement encore non remboursable.

Recommandation 1 :

Rendre remboursable le montant pour déficience grave et prolongée des fonctions mentales ou physiques dès l’année fiscale 2023.

2.    Rehausser l’enveloppe pour améliorer le transport adapté dans les régions du Québec

Le transport adapté souffre d’un manque criant d’attention politique et de financement, en plus de subir les effets pervers de la Loi 17 (taxi), surtout dans les régions du Québec. Dans l’industrie du taxi, diverses mesures sont à envisager comme la mise en place de crédits d’impôt remboursables pour faciliter le recrutement des conducteurs ou appliquer d’autres mesures fiscales pour ce faire, accorder une marge préférentielle aux entreprises locales dans les appels d’offres, améliorer la rémunération des chauffeurs, etc. Aussi, il convient de réformer le Programme de subvention aux véhicules collectifs accessibles en concertation avec la Table de concertation du transport rémunéré afin de permettre l’adaptation des véhicules Taxis d’occasion en bon état plutôt qu’uniquement les véhicules neufs, augmenter le support financier pour les coûts de modifications, inclure la transformation de microbus dans le programme, soutenir l’achat de véhicules dont les coûts ont explosé, etc.

De plus, le plan d’action sur la mobilité durable, qui découle du comité du ministère des Transports et de la Mobilité durable du Québec (MTMDQ) sur la mobilité des personnes incluant normalement des dispositions concernant le transport adapté (TA) doit susciter le regroupement de municipalités pour assurer une gestion plus efficace du programme assortie de moyens financiers comparables et d’une reddition de compte plus complète du MTMDQ. Également, une plus grande participation des personnes en situation de handicap est attendue partout au Québec notamment dans le dossier des plaintes. Il s’agit d’une importante question d’inclusion, de sécurité et de dignité : sans transport, difficile d’accéder aux services de santé, à l’éducation, au travail et aux loisirs.

Recommandation 2 :

Indexer les paramètres du Programme du Transport adapté afin de rehausser l’offre de services, comme les frais de conversion des voitures, la rémunération des chauffeurs, etc.

3.    Rehausser le programme de soutien à domicile (SAD) pour en améliorer l’accessibilité aux personnes en situation de handicap

Le Canada et le Québec se distinguent par la part importante des ressources consacrées à l’hébergement, au détriment des soins à domicile. Au Québec, 9,4 % des personnes de 65 ans et plus vivent dans des établissements de soins de longue durée, contre 6,8 % pour le Canada ou environ 4 % dans des pays comme la France, l’Allemagne, la Norvège ou les Pays-Bas. Ce poids de l’hébergement, plus coûteux, trahit un manque d’efficience des choix budgétaires[2].

Les personnes en situation de handicap ne veulent généralement pas vivre en CHSLD. Elles souhaitent vivre le plus possible à domicile. Des personnes visant l’inclusion veulent contribuer à la société sans vivre l’institutionnalisation. Le SAD est donc dans ce cadre un outil essentiel dont l’accès est fortement désiré avec moins de tracasseries bureaucratiques. De la même manière, l’État doit le rendre performant, car une minorité du budget va aux services directs sur le terrain.

Recommandation 3 :

Rehausser le budget du SAD, améliorer sa performance et renforcer l’accès à ce programme avec équité interrégionale aux personnes en situation de handicap désirant demeurer à domicile.

4.    Assurer l’arrimage de la future Prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap (PCPSH) et du Programme de revenu de base (PRB) et la rente d’invalidité

La Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN), se réjouit de l’adoption du Projet de loi C‑22. Elle fait preuve, à l’instar du mouvement Le handicap sans pauvreté, d’un optimisme prudent car le projet est maintenant entre les mains du Sénat. En prévision de la future PCPSH, un important travail d’arrimage de la prestation canadienne avec le Programme de revenu de base (PRB) et la rente d’invalidité sera requis. La PCPSH devrait venir bonifier les programmes existants comme le PRB au Québec et si cela s’applique, répondre à des besoins des personnes en situation de handicap qui demeurent encore sans réponse. Ils sont nombreux.

Pour avoir droit au PRB, les personnes devront subir une attente minimum de cinq ans et demi comme prestataires du Programme de solidarité sociale où elles ne reçoivent que 1138 $ par mois. Pour nos organisations, les personnes devraient y être admissibles après au plus 24 mois de participation comme cela est applicable dans d’autres programmes sociaux.

De plus, le PRB devait permettre l’individualisation des prestations et rendre ainsi possible la vie de couple en plus d’éliminer la dépendance financière envers un conjoint ou une conjointe. Malheureusement, les revenus de travail du conjoint ou de la conjointe seront toujours pris en considération et retranchés de la prestation de façon dégressive à partir de 28 000 $.

Pour le Québec, nous souscrivons évidemment à une pleine indexation en fonction du coût de la santé, plutôt que du coût de la vie. Nous sommes d’avis également que la prestation individualisée combinée, ne tienne pas compte du revenu des conjoints (permet d’éviter l’institutionnalisation peu inclusive et très coûteuse). Il en va également du revenu de travail qui devrait assurer une progressivité claire du revenu des personnes admissibles. Finalement, la prestation combinée devrait sortir totalement les personnes de la pauvreté sans aucune équivoque.

La COPHAN est disposée à collaborer aux travaux d’une éventuelle coordination intergouvernementale afin de définir les grands paramètres basés sur des principes, à des fins d’équité et de justice.

Recommandation 4 :

Assurer l’arrimage, sans coupure des investissements provinciaux actuels, de la future PCPSH avec les mesures actuelles de soutien au revenu, tel que le PRB.

Individualiser pleinement la prestation du PRB, ramener le délai d’admissibilité au PRB à 24 mois maximum et permettre une passerelle directe pour des clientèles en situation d’urgence (ex : violence conjugale) et des bénéficiaires de la rente d’invalidité qui ne bénéficient pas des dispositions dans le calcul des avoirs permis.

5.    Investir régionalement et alléger la bureaucratie pour mieux soutenir les employeurs et les personnes afin de faciliter l’employabilité de la main‑d’œuvre en situation de handicap

Les personnes en situation de handicap demeurent sous-représentées dans le milieu de l’emploi. Dans certains cas, c’est par manque d’accessibilité ou de flexibilité des milieux de travail. Dans d’autres, c’est tout simplement par manque de volonté ou à cause de préjugés d’employeurs. L’idée que ces personnes sont capables et ont le désir de travailler ne semble pas faire l’unanimité dans la population générale.

Cette situation soulève des enjeux éthiques, notamment en lien avec la rémunération et les conditions de travail. Les personnes concernées perçoivent le marché du travail comme parsemé d’obstacles résultant de la précarité des emplois qui leur sont réservés et des salaires de misère qui leur sont versés. Les personnes doivent déployer beaucoup d’efforts pour décrocher un emploi et c’est peine perdue dans la majorité des cas.

Les organismes impliqués comme les SEMO devraient être renforcés dans leurs actions, tout comme la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse CDPDJ, qui est responsable de faire respecter le Programme d’accès à l’égalité.

Selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), l’insertion des personnes en situation de handicap en emploi n’a pas progressé au cours des 29 dernières années au Québec. La CDPDJ mène actuellement une étude afin d’identifier les lacunes et les aspects susceptibles d’améliorer les mesures ou programmes de soutien en place actuellement au Québec.

Recommandation 5 :

Fixer des cibles nationales d’employabilité des personnes en situation de handicap (ministères, organismes et entreprises de grande taille), bonifier les moyens mis à la disposition des SEMO (réduire les temps d’attente pour un CIT) et de la CDPDJ (activités de vérifications et applications de sanctions) et appliquer les données probantes issues de la recherche dans le domaine. .

6.    Indexer sans tarder le Programme d’adaptation à domicile qui n’a pas été rehaussé depuis sa création en 1992 et qui ne remplit plus aujourd’hui sa mission d’origine

Le programme d’adaptation à domicile est devenu obsolète au fil des ans en raison de la flambée des coûts de la construction et de l’inflation en général. Les travaux visent l’entrée et sortie du domicile, la circulation pour se rendre aux pièces essentielles et la circulation à l’intérieur de ces pièces, la salle de Bain, la cuisine et la chambre à coucher. Avec 16 000 $ ou plus selon, entre autres, le revenu du ménage et la nécessité d’installer des équipements spécialisés, peu de travaux peuvent être réalisés en plus du rationnement créé par la présence de listes d’attentes.

Les personnes en situation de handicap ne veulent pas être institutionnalisées. Les coûts nécessaires pour adapter le domicile sont devenus un frein à de nombreux projets de vie à domicile et conduisent trop souvent à la séparation des couples et à l’institutionnalisation.

Recommandation 6 :

Indexer le programme d’adaptation du domicile en fonction du taux d’inflation de la construction en dollars constants de 1992 et ne pas considérer le revenu du conjoint afin d’éviter les séparations et l’institutionnalisation non souhaitée des personnes en situation de handicap.

7.    Assurer la disponibilité du personnel spécialisé en milieu scolaire partout au Québec afin de faciliter les apprentissages et la persévérance des personnes en situation de handicap

Le Québec accuse un retard d’une trentaine d’années par rapport à d’autres provinces canadiennes concernant l’inclusion scolaire des élèves ayant une déficience intellectuelle, un retard d’apprentissage ou un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité[3]. Les Centres de services scolaires et même les écoles du Québec montrent un haut niveau de variabilité à cet égard en fonction de leurs ressources, des clientèles à desservir et des croyances de leurs équipes écoles.

Le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ont adopté des méthodes dont le Québec pourrait s’inspirer pour améliorer l’inclusion des personnes vivant avec un handicap dans les écoles. Les deux provinces canadiennes ont un système scolaire où les enfants ayant des difficultés scolaires sont placés dans des classes ordinaires. Elles ont fait le pari d’augmenter l’inclusion des enfants ayant un handicap dans les écoles. Cela demande de la créativité de la part des enseignants et la collaboration entre enseignants et personnel de l’éducation. L’inclusion scolaire, ce n’est pas d’imposer une tâche trop élevée aux enseignants, mais plutôt de les former, les accompagner, puis de leur apprendre comment on peut utiliser des pratiques pédagogiques innovantes. Une telle approche contribue à l’inclusion en faisant tomber les tabous, ce qui facilitera pour demain la participation au marché du travail aux personnes en situation de handicap. On sait néanmoins que dans le contexte actuel la transition de l’école vers la vie active (TÉVA) comporte son lot de difficultés.

Finalement, les dispositions de La Loi sur l’instruction publique doivent être respectées incluant celles des articles de la loi concernant les élèves handicapés et en difficulté[4].

Recommandation 7 :

Rehausser les budgets des CSS afin d’offrir aux élèves en situation de handicap partout au Québec (équité interrégionale) un programme adapté à leurs besoins dans les classes régulières en outillant les équipes écoles à des pratiques pédagogiques innovantes inclusives (Accompagnement et formation), et allouer davantage de ressources pour augmenter l’impact des démarches TÉVA.

8.    Mieux financer les organismes nationaux et régionaux voués aux personnes en situation de handicap

La COPHAN est un organisme de défense des droits qui doit fédérer près de 50 organismes membres régionaux ou nationaux multihandicap en plus de répondre aux demandes des ministères et organismes de l’État. Elle doit aussi connaître de nombreux dossiers comme le revenu, l’emploi, le transport, l’accessibilité, l’éducation, la santé et les services sociaux, etc. Elle est de plus en plus sollicitée par les pouvoirs publics sur de nombreux dossiers. Elle est subventionnée par le SACAIS à une fraction du salaire octroyé à un seul fonctionnaire de haut rang.

Pendant ce temps de nombreux organismes communautaires comme la COPHAN, ses membres et d’autres organismes nationaux ou régionaux voués à l’inclusion des personnes en situation de handicap doivent payer plusieurs employés et assumer leur fonctionnement avec beaucoup moins. Il est alors très difficile d’assurer la pérennité de nos organisations (attraction et rétention). Un correctif à cet égard est attendu à court terme, car c’est une question de justice sociale et de respect envers les personnes en situation de handicap qui cherchent leur place sous le chapeau de l’inclusion.

Recommandation 8 :

Rehausser le budget des organismes nationaux de défense des droits comme la COPHAN via le SACAIS minimalement à la hauteur du traitement accordé à un seul fonctionnaire de haut rang.

9.    Rehausser l’accès et la qualité des services dans les milieux de vie dédiés aux personnes en situation de handicap

Les personnes en situation de handicap préfèrent généralement demeurer à domicile avec les services appropriés plutôt que de devoir vivre en milieux institutionnels. Pour ce faire, il faut privilégier la diversité des milieux de vie alternatifs non liés à des ressources privées afin d’éviter de devoir faire les frais de la marchandisation de la santé.

Néanmoins, de nombreuses personnes en situation de handicap sont actuellement hébergées faute de ressources alternatives (logement social, soins à domicile insuffisants, etc.). On constate des situations où des exploitants abusent des clientèles pour optimiser leurs profits. De plus, il y a une grande variabilité au plan de qualité des services entre les exploitants et les diverses catégories d’hébergement (communautaire, RI-RTF, CHSLD, maisons des aînés).

Recommandation 9 :

Rehausser les budgets des RI-RTF et des ressources communautaires d’hébergement pour la composante « soins et services aux personnes » afin d’assurer une qualité de services comparable, peu importe le lieu de l’hébergement, pour des besoins identiques.


La COPHAN remercie le ministère des Finances du Québec de son écoute qui pourra se traduire, nous l’espérons, vers des actions comme celles présentées plus haut.

Elles favoriseront, nous pensons, une plus grande inclusion des personnes en situation de handicap par le biais de la bonification de programmes et d’éléments de politiques publiques.

[1] Ministère des Finances du Québec. Dépenses fiscales – Édition 2019

[2] https://institutduquebec.ca/wp-content/uploads/2021/08/202108-IDQ-Soins-a-domicile.pdf

[3] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1214181/handicap-deficience-intellectuelle-ecole-enfant-classe

[4] https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/I‑13.3

Versions téléchargeables :

Publié le 15 février 2023
Sur Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec - COPHAN