Chiens d’assistances: deux femmes sourdes se battent contre le système

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Deux femmes sourdes qui se battent depuis 2018 afin d’avoir accès aux subventions pour leur chien d’assistance se butent à des refus constants d’un programme pourtant jugé discriminatoire par le tribunal.

«C’est une cause tragique, c’est injuste», s’insurge l’avocat Julius Grey, qui a tenté en vain d’aider les deux femmes devant la Cour supérieure. Marie-Andrée Boivin et Nancy Lévesque sont aussi découragées, elles qui se battent depuis cinq ans pour faire reconnaitre leur droit.   

Comme personnes sourdes bénéficiant d’un chien d’assistance, les deux femmes n’ont pas droit au «Programme de remboursement des frais relatifs à l’utilisation d’un chien d’assistance». Celui-ci est trop restrictif aux yeux des plaignantes puisqu’il ne s’adresse qu’aux personnes à mobilité réduite alors qu’un autre programme existe pour les personnes non voyantes.   

Refus ministériels

En 2018, les deux femmes au revenu précaire s’étaient d’abord adressées au gouvernement pour faire valoir leur droit, mais la réponse d’une sous-ministre les avait choquées. « Les connaissances actuelles ne permettent pas de conclure à la nécessité d’utiliser un chien pour répondre à des besoins de l’ordre de la santé physique ou de la santé mentale», avait écrit le ministère de la Santé.   

«C’est cette discrimination qui nous dérange, ce n’est pas vrai que nos chiens ne nous aident pas», déplore Marie-Andrée. L’incident vécu par Nancy Lévesque, qui a été alertée d’un incendie dans son appartement par son chien Ohana en est un exemple évident, selon elle. «Je n’entendais pas du tout le son de l’alarme incendie. Par chance, Ohana était avec moi, c’est ce qui a sauvé ma vie», raconte la femme. 

«Ça enlève l’hypervigilance. Quand on n’entend pas bien, on ne sait pas comment identifier les bruits», explique Marie-Andrée en parlant de son chien qui réagit selon la situation.   

Recours collectif

Les deux militantes en sont venues à la conclusion qu’un recours collectif rassemblant tous ceux qui bénéficient d’un chien d’assistance, comme les jeunes autistes, les vétérans et les épileptiques, pourraient faire changer les choses. Une fois de plus, elles se sont butées à des refus du programme de contestation judiciaire du Canada et de l’aide juridique. 

«Pour faire un recours collectif, ça prend un avocat absolument», plaide Marie-Andrée, qui a finalement eu l’aide de l’avocat Julius Grey pour tenter d’obtenir une provision de 45 000$ devant la Cour supérieure pour lancer le recours collectif. «Pour gagner, ça prend des experts. Il faut une certaine somme d’argent», explique Me Grey qui en a contre l’accès à la justice. 

Malgré son refus d’accorder une provision de 45 000$, la juge a reconnu l’importance du combat livré par les deux femmes. «Il y a un intérêt généralisé à ce que les programmes gouvernementaux ne soient pas appliqués de façon discriminatoire», est-il écrit dans la décision.  

«Avoir un chien pour nous aider ça ne devrait pas être conditionnel à notre revenu. Ce n’est pas un chien de compagnie», argument Marie-Andrée. «Je n’abandonnerai pas ces femmes-là», assure Me Grey qui étudie les options.     

Couverture du programme:

  • 210$ : pour l’achat d’un chien et équipement de base  
  • 1028$ : montant annuel pour les soins et la nourriture 
  • Admissibilité : présenter une déficience motrice permanente entrainant une incapacité significative
  • Chien d’assistance doit être certifié par une école de dressage accrédité    

Quelques statistiques:

  • 90 000 personnes vivent avec un handicap visuel au Québec  
  • 60 000 personnes ont un handicap et doivent utiliser un fauteuil roulant 
  • 10 000 enfants vivent avec un trouble envahissant du développement. Par exemple, l’autisme
Publié le 29 novembre 2022
Par Nicolas Saillant