Plus souvent qu’autrement, le thème du handicap reste enfoui sous les tonnes de promesses rédigées dans les plateformes électorales des différents partis en lice. Il faut être attentif, et devant son téléviseur au bon moment, pour capter l’information qui concerne le 16% de la société et l’entourage de ces personnes. Afin d’en accroître la visibilité, j’ai discuté avec cinq candidats de chacun des principaux partis politiques pour connaître leurs engagements envers les personnes en situation de handicap.
Lorsque Gabriel Nadeau-Dubois a annoncé son désir de surtaxer les VUS, seules les familles de deux enfants et plus ont été évoquées dans les médias comme exception. Pourtant, j’apprenais par un abonné des Coops de l’information qui venait de lire ma précédente chronique «Je vote pour le retour du dimanche d’autrefois» que les personnes en situation de handicap étaient aussi prévues à l’exemption. Ça m’a donné envie de mieux «faire mes recherches» et de contacter directement les formations politiques.
C’est donc avec Jennifer Maccarone du Parti libéral du Québec, Karine Pépin du Parti conservateur du Québec, Marylin Picard de la Coalition avenir Québec, Annie-Pierre Bélanger de Québec solidaire et Laurent Vézina du Parti québécois que j’ai pu poser mes questions sur les intentions de leur parti respectif afin d’améliorer la qualité de vie des personnes handicapées, physiques et intellectuelles.
Parti libéral du Québec
La première candidate à m’accorder une entrevue est Jennifer Maccarone, députée de Westmount–Saint-Louis depuis 2018. Mère de deux jeunes adultes autistes, elle est évidemment sensible à la cause des personnes handicapées. C’est d’ailleurs la principale raison de sa venue en politique.
«Je rêve d’un monde inclusif, c’est ce que je souhaite pour mes enfants… j’espère leur léguer quelque chose qui a de l’allure où ils vont avoir leur place.»
Le Parti libéral souhaite justement accorder une place au handicap notamment en désignant un ministre responsable des personnes en situation de handicap, incluant celles sous le spectre de l’autisme.
«Comme je me suis levée plusieurs fois au nom des personnes en situation de handicap au salon bleu, en commission parlementaire, je reçois des demandes de partout… il faut que j’appelle au ministère de l’Éducation, au ministère d’Emploi, Travail et Solidarité sociale, au ministère des Transports, au ministère de la Famille, il faut que je parle avec l’OPHQ (Office des personnes handicapées du Québec), il faut que je parle avec plein de monde! Juste pour faire bouger le système!», m’explique Jennifer Maccarone pour résumer le besoin d’avoir une personne qui serait redevable pour répondre aux questions politiques tout en œuvrant concrètement à améliorer la vie des personnes vivant avec un handicap.
En plus de cette promesse annoncée mercredi dernier par son cheffe, Dominique Anglade, les libéraux souhaitent qu’une carte d’identité avec photo et adresse soit disponible pour ceux et celles qui ne peuvent obtenir un permis de conduire. Ils veulent également bonifier l’offre des soins à domicile et mettre en place un programme de stages accompagnés de subventions salariales pour favoriser l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail.
Parti conservateur du Québec
Karine Pépin, candidate dans Trois-Rivières, est infirmière auxiliaire aux soins à domicile et travaille avec la clientèle âgée, mais aussi celle présentant une déficience physique.
«Dans mon travail, je suis vraiment à même de constater ce qui ne va pas et quand j’ai bâti la plateforme de santé avec monsieur Duhaime, j’ai pu soulever ces gros enjeux-là qui sont très importants.»
Afin de garder les gens à domicile, les conservateurs veulent bonifier l’aide aux proches aidants et mettre en place une allocation personnalisée pour l’autonomie. Cette aide permettrait aux patients de recevoir les soins infirmiers et d’hygiène dont ils ont besoin pour rester à la maison le plus longtemps possible tout en économisant sur les coûts assumés par l’État.
«Aussi, on a beaucoup de bureaucratie aux soins à domicile, on dédouble beaucoup tout ce qui est paperasse. Ce sont des heures que malheureusement, on ne peut pas donner aux patients.»
Ajouter plus d’infirmières auxiliaires aux soins à domicile sur le terrain serait pour Karine Pépin une bonne façon de mieux répartir le travail des préposées et des infirmières et pallier à la pénurie de main-d’œuvre en santé. Le Parti conservateur souhaite également diminuer les délais, quitte à diriger vers le secteur privé ceux et celles qui attendent trop longtemps. Les frais engagés aux privés seraient alors remboursés par le Régime d’assurance maladie du Québec.
Coalition avenir Québec
Mère d’une fille lourdement handicapée par une maladie génétique rare, la députée de Soulanges élue en 2018, Marylin Picard, s’était lancée en politique afin de militer en faveur d’un meilleur soutien financier pour les familles comme la sienne.
«J’étais toujours avec elle puisqu’elle a été hospitalisée très longtemps… je vivais un fort sentiment d’injustice, je ne pouvais pas retourner travailler!»
Elle est très fière de ce qu’elle a réussi à accomplir dans un mandat, disons-le, complètement chamboulé par la pandémie… Dès le départ, le programme de soutien aux familles (SAF) des personnes ayant une déficience physique, une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme a été bonifié, ce qui n’avait pas été ajusté depuis 1986. De plus, elle travaille avec Lionel Carmant pour simplifier les formulaires en lien avec la situation de handicap. Le gouvernement de François Legault a aussi permis aux parents d’enfants lourdement handicapés d’avoir accès au chèque emploi-service pour favoriser le soutien à domicile.
Le crédit d’impôt pour les personnes proches aidantes a aussi été doublé durant son mandat et les travailleurs et travailleuses en situation de handicap peuvent désormais être rémunérés d’un plus gros montant avant de voir leur prestation d’invalidité être complètement coupé. La Coalition avenir Québec a également revisité la façon de déterminer les montants admissibles pour la cotisation au régime de rentes du Québec afin d’éviter de pénaliser ceux et celles qui cessent de travailler pour s’occuper d’un proche en perte d’autonomie.
Une autre belle avancée pour Marylin Picard a été d’instaurer, avec Marguerite Blais, la traduction en langue des signes québécoise de la période de questions à l’Assemblée nationale.
D’autres grands chantiers sont prévus si la Coalition avenir Québec peut continuer sur sa lancée. Ils souhaitent entre autres améliorer l’accessibilité universelle, trouver une solution aux problématiques vécues en transport adapté, investir davantage dans les soins à domicile et poursuivre la construction des maisons des aînées.
«On a déjà créé des maisons alternatives qui sont annexées aux maisons des aînés… ils sont en train de les construire en ce moment. Ce sont des unités beaucoup plus jeunes où l’on retrouve des jeux vidéo, de la stimulation pour les personnes de 65 ans et moins en situation de handicap et qui souhaitent être hébergées à temps plein.»
Québec solidaire
C’est la candidate dans Montmorency, Annie-Pierre Bélanger, qui a été attitrée pour répondre à mes questions. Celle qui s’est sentie interpellée par la crise environnementale provient du milieu communautaire, de la défense collective des droits et milite pour le mouvement féministe.
«Même si moi-même, je n’ai pas une situation en lien avec le handicap et que je ne peux pas dire que je comprends, évidemment, toutes les réalités, je veux être une alliée.»
Conscient des difficultés vécues par les usagées du transport adapté, Québec solidaire souhaite trouver des solutions en consultant chaque région sur leurs besoins. Cette démarche s’inscrirait dans leur grand chantier «révolution transport» afin de réduire les gaz à effet de serre tout en mettant la priorité sur l’électrification des véhicules et contraindre les fabricants à les fournir dans de meilleurs délais.
Le parti s’est aussi engagé à lutter contre toute forme de discrimination, dont le capacitisme en adoptant une véritable loi sur l’accessibilité universelle et par le fait même, permettre à toutes les personnes en situation de handicap d’accéder au marché du travail.
«La question de l’inclusion est une valeur qui est dans l’ADN de Québec solidaire. On veut contribuer à améliorer les conditions de travail… on veut aussi augmenter le salaire minimum à 18 $ l’heure pour permettre aux travailleurs de combler ses besoins de base et aussi renforcer la loi sur l’équité salariale pour entraîner un rattrapage dans certains domaines. On pense que toutes ces mesures-là vont contribuer à l’accessibilité au travail pour toutes les personnes, dont celles en situation de handicap.»
Québec solidaire souhaite également investir dans le soutien à domicile en redonnant, entre autres, aux CLSC l’utilité qu’ils avaient avant les coupures pour coordonner les services de premières lignes.
Parti québécois
Pour compléter la ronde politique, je me suis entretenue avec Laurent Vézina, candidat dans Trois-Rivières. Bien que son parcours soit celui d’un entrepreneur aguerri, j’ai senti une réelle sensibilité pour les personnes en situation de handicap.
«Moi, ce que j’aimerais voir à Trois-Rivières, c’est un projet de cafétéria géré exclusivement par des personnes handicapées, tous handicaps confondus, et chaque fois que vous allez manger-là, les profits iront à l’aide aux personnes handicapées… avec pour objectif d’influencer, de sensibiliser et d’impacter le débat auprès des dignitaires politiques. »
Le parti de Paul St-Pierre Plamondon a déjà prévu plusieurs points dans sa plateforme électorale pour améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap. Il s’engage à investir davantage dans les soins à domicile et octroyer une plus grande robustesse des capacités de transport adapté.
À la question de l’intérêt du parti à adopter une loi provinciale (et non au gré des municipalités) sur l’accessibilité universelle, Laurent Vézina me répond ceci: «Cela fait déjà depuis 2018, sous Jean-François Lisée, que le Parti québécois annonce ses ambitions dans ce sens-là. Ça nous semble évident que vous ne pouvez pas être une personne en situation de handicap et vous demander si lorsque vous arrêterez dans une ville en vous baladant en voiture entre Québec et Gaspé, vous arriverez à vous trouver un endroit pour dormir ou pour vous restaurer!»
L’une des priorités du Parti québécois est d’accélérer les diagnostics et simplifier tout le processus qui prend en charge les personnes nouvellement handicapées.
Après avoir discuté avec les cinq candidats, je remarque que tous ont un point en commun: ils souhaitent améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap. Reste à vous de décider qui représentera mieux les intérêts de ce 16% des électeurs une fois le parti politique élu ou réélu!