CHRONIQUE / Puisqu’on parle beaucoup de déchets ces jours-ci, vous souvenez-vous de Pierre Beaudry et de son fils handicapé? En 2019, il a porté plainte à la commission des droits de la personne pour discrimination. Il en avait contre la nouvelle politique de gestion des matières résiduelles de la Ville de Gatineau.
À l’époque, Gatineau venait d’imposer des poubelles d’une capacité de 120 litres à l’ensemble de la population. L’objectif, louable, était de diminuer la quantité de déchets envoyés chaque année au site d’enfouissement…
Sauf que M. Beaudry, comme bien d’autres, s’est levé pour dire: 120 litres, c’est pas assez!
Avec raison, dans son cas. M. Beaudry et sa conjointe ont sous leur tutelle un fils d’âge majeur en situation de handicap. Un fils qui souffre d’incontinence.
Les couches et les lingettes souillées de leur fils représentent, à elles seules, un volume de 200 litres par deux semaines, a évalué le couple. Faites le compte: la poubelle de 120 litres imposée par la Ville était loin d’être suffisante.
M. Beaudry a tenté de s’arranger avec la Ville de Gatineau pour qu’on lui fournisse un deuxième bac à ordures. Mais la Ville n’a jamais rien voulu savoir. Elle s’est montrée intraitable: la loi provinciale, qui chapeaute les politiques de gestion des matières résiduelles, ne permet pas d’exception.
C’est un bac de 120 litres pour tout le monde, a tranché la Ville de Gatineau. Au-delà de cette limite, les citoyens doivent se procurer des sacs réglementaires au coût de 2,50 le paquet de 5 sacs. Tous les citoyens, sans exception!
Vous me direz: c’est pas cher, 50 sous pour un sac à ordure supplémentaire. Sauf qu’on s’en fout, du prix. La question n’est pas là. L’enjeu, c’est qu’un citoyen comme M. Beaudry ne devrait pas avoir à payer des frais supplémentaires parce que son fils est handicapé. L’excédent de déchets produits par son ménage n’est pas lié à de la négligence. Encore moins à de la pollution volontaire…
Son surplus de déchets est lié à une situation de handicap. Qu’une ville comme Gatineau ne comprenne pas cela me dépasse. C’est de la discrimination pure et simple. Gatineau qui se dit si ouverte à la diversité, à la différence…
Devant l’intransigeance de la Ville de Gatineau, M. Beaudry a donc déposé une plainte pour discrimination à la Commission des droits de la personne, en 2019.
À l’époque, on ignorait si la plainte serait jugée recevable. En mon for intérieur, je me disais: on est en zone d’accommodement raisonnable. La Ville de Gatineau et M. Beaudry vont finir par s’entendre. Faut juste un peu de dialogue, de bonne volonté de part et d’autre…
Comme je me trompais.
Rien n’a été réglé depuis. Et non seulement la plainte a été jugée recevable par le commissaire des droits à la personne, il y aura aussi procès aux frais des contribuables. Les deux parties ont réservé des dates à la fin du mois de mars au palais de justice de Gatineau.
Les parents d’une personne handicapée ont autre chose à faire qu’à se battre contre une municipalité. Pourtant, la Ville de Gatineau a dépensé des milliers de dollars en honoraires d’avocats pour aller les confronter devant le tribunal des droits de la personne.
Je cherche la compassion et le gros bon sens dans cette histoire de la part de la municipalité. Peut-être qu’on en verra poindre au procès. Pour l’instant, je cherche encore. Je ne vois dans cette affaire que l’entêtement d’une bureaucratie insensible. Combien ça aurait coûté de fournir une seconde poubelle aux Beaudry? Cinquante piastres? Une chance que le ridicule ne tue pas.