Cri du cœur pour une meilleure offre de transport adapté à Rouyn-Noranda

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« La paralysie cérébrale me cloue à mon fauteuil, je suis prisonnière de mon corps. »

C’est de cette manière qu’Annie Charron décrit sa situation dans une lettre adressée aux élus de Rouyn-Noranda le 5 juillet.

L’objectif de cette sortie : dénoncer l’offre insuffisante de transport adapté au nom des personnes à mobilité réduite, trop souvent ignorées, selon elle.

« J’ai le sentiment de ne pas avoir ma place dans notre belle communauté et cette situation m’attriste. Pouvez-vous m’aider à embellir ma vie? » – Extrait de la lettre d’Annie Charron

L’horaire du service offert par l’organisme à but non lucratif Transport adapté Rouyn-Noranda est actuellement limité aux jours de semaine, de 7 h à 17 h. Le service de taxi adapté n’est plus disponible depuis le 29 avril dernier.

Rencontrée à la Maison Émile-Aurélie, de l’Association pour l’intégration sociale de Rouyn-Noranda, la femme de 52 ans souligne sa grande frustration face à un manque criant de services.

Annie Charron était accompagnée par son amie Marie-Josée Savard, agente de jumelage pour l’organisme Parrainage civique de l’Abitibi-Témiscamingue, puisqu’elle éprouve certaines difficultés d’élocution.

« Est-ce qu’on est capables d’aller souper au restaurant toi et moi? », demande Mme Savard. « Non, on ne peut pas. Il n’y a pas de service de soir », lui répond son amie.

« C’est dur sur le moral. Si on prend comme exemple les rassemblements familiaux, c’est souvent impossible pour les personnes à mobilité réduite de s’y rendre, étant donné que c’est souvent le soir ou la fin de semaine. C’est aussi le cas pour certains rendez-vous médicaux importants », raconte Marie-Josée Savard.

« On est choquées. Ça nous attriste, parce qu’on ne peut pas vivre les moments qu’on aimerait vivre ensemble. C’est sûr que ça vient avec beaucoup de colère », poursuit-elle, visiblement émue.

Annie Charron a récemment participé à la création d’une œuvre d’art présentement mise aux enchères à la galerie Grange et Boiseries à Rouyn-Noranda, en collaboration avec trois autres artistes handicapées.

« Faute de transport, il va être difficile de reproduire ce genre de projet. Amina Robert, qui est la propriétaire de la galerie, se chargeait du déplacement elle-même, mais aujourd’hui elle a très mal au dos », se désole Mme Savard.

Les deux femmes revendiquent l’accessibilité au service de transport deux soirs par semaine et une journée de fin de semaine, dans le but de pouvoir « vivre une vie comme les autres ».

Appel à la communauté

Le 27 juillet dernier, Marie-Josée Savard publiait sur le réseau social Facebook un appel à tous dans le but de trouver un moyen de déplacement alternatif disponible le soir et les fins de semaines.

« Mon amie Annie Charron, que j’affectionne profondément, désire aller souper au restaurant, aller voir un spectacle ou un bon film au cinéma. Serait-il possible de louer vos services […]? Je vous remercie à l’avance de m’aider à contribuer au bonheur de ma tendre amie Annie », écrit-elle.

Après plus de 300 partages, Mélanie Cossette, résidente de Rouyn-Noranda et mère d’une jeune fille en fauteuil roulant, a généreusement offert de partager son véhicule adapté.

En pleine entrevue, Marie-Josée Savard a annoncé la nouvelle à son amie.

« Il y a quelqu’un qui nous prête une vanette adaptée, Annie », dit-elle, la voix tremblante. « C’est pas vrai! », lui rétorque Mme Charron.

« On sort ensemble toi et moi et devine quoi? On va faire ce que tu veux, à l’heure que tu veux », poursuit Mme Savard, alors que son amie trépignait d’enthousiasme sur son fauteuil roulant.

La réponse de la Ville de Rouyn-Noranda

Lors du conseil municipal du 25 juillet, la ville a adopté son plan d’action triennal à l’égard des personnes handicapées pour 2022-2024. Aucune amélioration de la desserte en transport adapté n’y est prévue.

Malgré cela, Claudette Carignan, conseillère municipale pour le district Centre-ville, affirme qu’il reste du travail à faire pour offrir un jour une bonification des services.

« Dans le contexte, il y aurait effectivement matière à formuler certaines revendications avec le prix de l’essence qui augmente et la pénurie de main-d’œuvre. Il faut être plus attractif et offrir de meilleurs salaires pour que des gens acceptent d’offrir leurs services pour ce type de transport », soutient-elle.

Selon Claude Fortin, président du conseil d’administration de Transport adapté Rouyn-Noranda, la solution pourrait être de bonifier l’offre salariale, notamment grâce à une augmentation du financement octroyé à l’organisme.

« On est très limité au niveau du salaire qu’on peut offrir, et les gens vont au plus offrant. C’est difficile de rester compétitif et de combler les postes qu’on affiche. Ça serait le fun que nos usagers puissent aller au Théâtre du cuivre pour aller voir un spectacle, mais on n’a pas le personnel pour le faire. » – Claude Fortin

Des représentants d’organismes tels que Parrainage civique de l’Abitibi-Témiscamingue, l’Association pour l’intégration sociale de Rouyn-Noranda, la Ressource pour personnes handicapées et la Société de l’autisme de l’Abitibi-Témiscamingue ont également signalé l’urgence de la situation.

« On a plein de belles activités en région. On sent vraiment une détresse des personnes handicapées, surtout avec la pandémie qui a limité beaucoup les sorties. Ils veulent vivre une vie normale et sortir comme tout le monde », souligne Rémy Mailloux, directeur général de la Ressource pour personnes handicapées depuis plus de 25 ans.

Publié le 01 août 2022
Par Guillaume Renaud