Samedi le 14 mai dernier, le ministre du Travail de l’emploi et de la solidarité sociale, Monsieur Jean Boulet, a fait le lancement du Plan d’action gouvernemental en action communautaire 2022-2027 : engagés pour nos collectivités. Très attendu par le mouvement de l’ACA qui revendique un nouveau PAGAC depuis 15 ans, cette annonce fait suite à une année historique de mobilisation et à un processus de consultation et de représentations politiques avec le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) qui a débuté il y a trois ans, peu après l’entrée au pouvoir de la Coalition Avenir Québec.
Qu’est-ce qu’un plan d’action gouvernemental en action communautaire ?
Sous l’autorité du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, le plan d’action gouvernemental décrit l’ensemble des moyens et des actions à mener par le gouvernement dans chacun des ministères afin d’assurer la mise en œuvre de la
Politique de reconnaissance de l’action communautaire.
Depuis la mise en place de la Politique, le gouvernement a adopté un seul plan d’action en 2004 qui est échu depuis 2008. C’est pourquoi le RQ-ACA et ses membres réclament de nouveaux engagements depuis plus de 10 ans.
Qu’est-ce qui se trouve dans le nouveau PAGAC ?
Citons l’annonce du gouvernement qui stipule que le Plan d’action « vise principalement à assurer une plus grande reconnaissance et un meilleur soutien de l’action communautaire ». Étalé sur une période de 5 ans, ce plan d’action prévoit un investissement total de 1,1 milliards de dollars pour mettre en œuvre 29 mesures portées par 23 ministères et organismes gouvernementaux dans le but de mieux soutenir les organismes communautaires.
À l’instar des analyses produites suite aux annonces de rehaussements du financement à la mission des organismes d’ACA dans le budget provincial 2022-2023, rappelons que des investissements de 233,9 millions de dollars sur 5 ans sont prévus, dont 117 millions de dollars pour 2022-2023, qui seront déployés via le plan d’action gouvernemental en action communautaire. Alors que la première année prévoit une augmentation de 15% de l’enveloppe totale, la progression variera entre 1,4% et 4,7% seulement par année entre 2023-2027, ce qui ne couvrira même pas l’augmentation l’indexation des coûts de fonctionnement. Ainsi, sur l’ensemble des organismes, les sommes annoncées représentent une moyenne de seulement 29 300$ par organisme pour 2022-2023. Cette augmentation couvrira à peine la moitié d’un salaire alors que, selon les récentes données de l’Observatoire de l’ACA, 83% des organismes affirment avoir besoin de personnel supplémentaire, pour une moyenne de 2,8 personnes manquantes par organisme, faute de financement.
Réaction du RQ-ACA : «UN PAS EN AVANT, MAIS ENCORE DU TRAVAIL À FAIRE!»
Interlocuteur du MTESS en matière d’action communautaire autonome, le RQ-ACA a réagit par voie de communiqué intitulé «PAGAC : UN PAS EN AVANT, MAIS ENCORE DU TRAVAIL À FAIRE!»
« Le problème, c’est qu’il n’y a pas assez d’argent pour la mission globale et qu’il y a des secteurs qui sont laissés pour compte. C’est pourquoi plusieurs sont déçus et même en colère, car la situation est critique sur le terrain, et ce alors que les besoins de la population augmentent » a expliqué Caroline Toupin, coordonnatrice du RQ-ACA.
Pensons notamment au secteur de la santé et des services sociaux, qui reçoit en moyenne seulement 13 000$ supplémentaires par organisme. On s’indigne également de constater l’absence d’investissements pour les groupes écologistes, alors que nous vivons dans un contexte de crise climatique et environnementale.
« Au-delà des sommes qui nous apparaissent insuffisantes, nous pensons que ce plan d’action sera structurant pour le mouvement, car il renforce le financement à la mission globale, l’un des principes fondamentaux de l’action communautaire autonome, puisque 90% des investissements y sont consacrés » a-t-elle ajouté.
À première vue, peut-on lire dans le communiqué, « le PAGAC semble répondre à certaines demandes que nous portons depuis plusieurs années, soit le financement de nouveaux organismes, la reconnaissance de l’expertise des regroupements et l’offre de soutien à la formation, à la recherche, aux infrastructures, à l’amélioration des conditions de travail et à l’inclusion. Au cours des prochaines semaines, nous réunirons nos membres afin d’analyser les détails et la portée des mesures ».
Cependant, parmi les grands absents sont l’indexation des subventions pour nous aider à faire face à l’inflation et la prescription des engagements gouvernementaux.
Il y a beaucoup de déception car nous savons par expérience que sans obligation, les ministères peuvent se désengager à tout moment.
Autres réactions : certaines mesures intéressantes, des investissements globaux insuffisants et un appel à la solidarité
On peut lire sur la page Facebook de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles
(TRPOCB) les premiers commentaires en réaction au PAGAC qui offrent une analyse spécifique aux organismes œuvrant dans le secteur de la Santé et des Services sociaux et financés par le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC).
« Le MSSS est particulièrement absent de ce plan. En effet, il n’est mentionné comme partenaire que dans 6 des 29 mesures annoncées, dont 5 ne visent qu’à obtenir sa collaboration administrative. De fait, pour 2022-2023, le PAGAC n’annonce rien de plus pour l’ensemble des OCASSS que le 37,1 M$ déjà annoncé au budget du Québec pour rehaussement des subventions pour la mission globale du PSOC, équivalent à un montant moyen de 12 000 pour les 3 000 OCASSS. Les OCASSS représentant les ¾ de tous les organismes communautaires autonomes, ni le PAGAC ni le budget qui l’a précédé n’en tiennent compte. »
La TRPOCB prend aussi soin d’indiquer que selon son analyse préliminaire, au moins trois éléments qui étaient au cœur des revendications de l’ensemble du milieu communautaire durant la consultation de 2019 sont malheureusement absents du document déposé. Un communiqué publié le 18 mai offre une analyse plus détaillée du PAGAC.
« Le PAGAC est totalement silencieux sur la manière de renforcer l’application de la Politique gouvernementale de l’action communautaire, il ne prévoit aucune action, ni même réflexion, sur l’usage de seuils planchers pour atteindre l’équité de financement et il est tout aussi silencieux concernant l’indexation annuelle des subventions, tant pour en débuter l’implanter dans certains programmes que pour s’assurer que son calcul est basé sur la hausse des coûts de fonctionnement des groupes. »
Une grande déception a également été exprimé par la Coalition des tables régionales d’organismes communautaires (CTROC), qui interpelle directement le ministre Lionel Carmant quant à l’absence d’investissement et de reconnaissance des organismes en santé et services sociaux.
« […] une question se pose : est-ce que le ministre Lionel Carmant a participé à l’élaboration de ce plan d’action qui aurait pu avoir un impact significatif pour les organismes financés par le MSSS et dont il a la responsabilité ? A-t-il seulement mesuré l’importance de ce dossier ? Nous en doutons fortement car le MSSS est le grand absent de ce plan. Pourtant, les organismes financés par ce ministère ont été au front durant la crise sanitaire et vivent une pénurie de main d’œuvre inédite qui précarise leurs actions. »
La CTROC s’inquiète également que le PAGAC ouvre la porte à une convergence entre les objectifs gouvernementaux et ceux des grandes fondations philanthropiques, par la mise sur pied de la Table nationale des partenaires de l’action communautaire, dont l’énoncé du mandat soulève de nombreuses questions. Selon la CTROC, « cette table, qui vise à clarifier « le partage des rôles et des responsabilités entre les municipalités, les fondations et le gouvernement du Québec » dans le soutien de ces dits organismes, vient officialiser des partenariats qui permettent à l’État de poursuivre son désengagement dans le soutien aux organismes ».
À la TROC Côte-Nord, l’absence de mesures pour les organismes en santé et services sociaux fait également réagir.
« Dans un contexte où l’on parle de plus en plus de refonte du système de santé, il y a lieu de se demander si l’absence totale de mesures pour les OCASSS n’est pas résultante d’une volonté de nous intégrer éventuellement davantage au réseau public. Dans tous les cas c’est inquiétant. »
Du côté de la Table nationale des corporations de développement communautaire (TNCDC), on se réjouit que deux mesures distinctes du PAGAC viennent bonifier le soutien gouvernemental aux Corporations de développement communautaires. Alors qu’au total, un financement à la mission additionnel de 6,7 M$ d’ici 2026-2027 est annoncé pour les CDC, elle reconnait cependant l’insuffisance des investissements globaux et pour certains secteurs.
« Malheureusement, le financement annoncé, pour l’ensemble des organismes communautaires n’est pas au rendez-vous pour renforcer réellement la capacité d’agir des organismes dans de nombreux secteurs d’intervention. Les CDC sont donc solidaires des revendications de l’ensemble du mouvement de l’action communautaire autonome et demeurent vigilantes quant au déploiement des différentes mesures à venir afin de favoriser l’accès au plus grand nombre. »
Le Regroupement des organismes en défenses collectives des droits (RODCD) a également publié une analyse préliminaire du PAGAC. En matière de financement à la mission, le rehaussement est accueilli favorablement, notamment celui destiné aux nouveaux organismes.
« Il y a de l’argent dès 2022-2023 pour les organismes en défense collective des droits. Le montant pour cette année est de 4,66 M$. Il sera haussé progressivement pour atteindre 7,4 M$ en 2026-27. Les groupes actuellement en attente de financement vont enfin recevoir un premier financement dès cette année. Le RODCD estime actuellement le nombre à une dizaine d’organismes qui vont pouvoir bénéficier d’un financement du SACAIS pour une première fois. De ce côté, c’est une bonne nouvelle. »
Toutefois, à l’instar des autres regroupements provinciaux d’ACA, l’absence de mesure visant l’indexation du financement est décriée.
« L’une des grandes déceptions est qu’il n’y a pas de mécanisme d’indexation prévue pour l’instant. Nous allons bien sûr recevoir le 1% additionnel prévue dans nos ententes de cette année, mais rien n’est encore confirmé pour les nouvelles ententes. C’est donc clairement une bataille qu’il nous faudra poursuivre.»
Au niveau régional, le Regroupement des organismes communautaires de la région 03 a publié une réaction sur Facebook où il salue la décision d’enfin soutenir à la mission globale les organismes à vocation multisectorielle. Rappelant l’insuffisance des investissements globaux qui ne représentent que 25% des besoins du mouvement de l’ACA et ce, seulement au terme des 5 années du PAGAC, il souligne un obstacle majeur à la mesure visant à soutenir la rétention du personnel dans les organismes.
« […] les mesures proposées quant au développement et à la rétention du personnel des organismes communautaires seront vaines tant que ces derniers ne seront pas capables d’offrir des conditions de travail décentes. Il aurait été souhaitable d’investir dès maintenant et de manière plus conséquente dans un financement récurrent afin de consolider le filet social […] »
D’autres réactions sont à venir et seront mises à jour dans ce billet. Des analyses détaillées du PAGAC seront également menées dans diverses instances.
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