Des examens de fin d’année sans aides technologiques

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Romy, 12 ans, avait toujours eu de grandes difficultés à l’école. Jusqu’à ce qu’elle puisse utiliser une calculatrice et un correcteur orthographique en classe. Sa vie en a été changée. Mais la mère de cette élève de sixième année a eu un choc au cours des derniers jours : elle s’est fait dire que sa fille n’aurait pas le droit d’utiliser ces outils pour les examens ministériels de fin d’année.

« Sans ces outils, ma fille ne peut pas réussir. C’est comme si on demandait à une personne myope de passer un examen de conduite sans lunettes », dit Marie-Élaine Chénier, mère de la fillette.

Après des démarches auprès de l’enseignant de sa fille, de sa direction d’école, du Centre de services scolaire Marie-Victorin, du ministère de l’Éducation et du Devoir, cette mère de Saint-Lambert, sur la Rive-Sud, a appris une bonne nouvelle vendredi : Romy pourra finalement utiliser sa calculatrice et l’autocorrecteur du logiciel Word pour ses épreuves ministérielles.

Les intervenants scolaires ont d’abord cru que la calculatrice et l’autocorrecteur Word étaient interdits pour les examens de sixième année, même si l’enseignant a permis à Romy d’utiliser ces outils durant l’année scolaire, explique Marie-Élaine Chénier. Après vérification, ils ont conclu que leur utilisation est possible, sauf pour l’épreuve qui porte sur le raisonnement mathématique, qui exige du calcul mental.

Marie-Élaine Chénier est soulagée. Mais elle déplore le combat incessant qu’elle et des milliers de parents d’élèves à besoins particuliers doivent mener pour permettre à leurs enfants de réussir à l’école. Les règles qui encadrent les « mesures d’adaptation » pour les examens des élèves en difficulté sont complexes : elles sont détaillées dans un document long de 15 pages.

Ces règles sont aussi méconnues. Chaque enseignant, chaque direction d’école et chaque parent semble les interpréter à sa façon. « Chaque année, ça recommence. Il faut expliquer aux enseignants que ma fille a un plan d’intervention et se battre pour obtenir des mesures d’adaptation. J’espère que ça ne sera pas le même chemin de croix au secondaire », raconte la mère de deux enfants d’âge primaire.

Une renaissance

Marie-Élaine Chénier souligne que l’enseignant de sa fille, la directrice de l’école et le centre de services scolaire font du bon travail. Romy a besoin d’un soutien particulier : elle est dyslexique (difficulté à lire), dysorthographique (difficulté à écrire) et dyscalculique (difficulté à compter), en plus d’avoir un déficit d’attention. Tout cela est confirmé par un diagnostic obtenu à gros prix dans une clinique privée.

La fillette est intelligente, allumée et vive d’esprit. Un trouble neurologique l’empêche tout simplement d’apprendre comme les autres enfants. Elle comprend pourtant tous les raisonnements qui mènent à la résolution de problèmes en mathématiques, explique sa mère.

« Grâce à la calculatrice et à l’autocorrecteur Word, Romy se sent capable pour la première fois, en sixième année, de réussir à l’école. J’ai découvert une nouvelle petite fille que je n’avais pas connue avant : elle gagne de l’autonomie, elle gagne de la confiance en elle, et là, bang ! On voulait tout lui retirer ça pour les examens du ministère », déplore Marie-Élaine Chénier.

Donner une chance aux élèves

Les règles du ministère de l’Éducation prévoient la mise en place de « mesures d’adaptation » pour les élèves en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA). Pour les examens du ministère, certaines mesures sont autorisées d’office : accompagnateur pour soutenir un élève ayant une difficulté physique, par exemple pour l’aider à tourner les pages ; mobilier adapté ; utilisation d’un appareil de lecture ou d’une loupe ; utilisation d’une coquille antibruit, d’un minuteur, d’outils antistress.

D’autres formes d’aide doivent être inscrites au plan d’intervention de chaque élève en difficulté, mis en place par l’équipe-école et les parents : délai supplémentaire pour faire l’examen, local isolé avec surveillance, pauses, outils d’aide à la lecture ou à l’écriture (dont le correcteur orthographique), et bien d’autres… Ces mesures varient en fonction des niveaux scolaires et des matières qui font l’objet d’un examen.

« Dans le cadre de l’épreuve ministérielle de 6e année en mathématique, la calculatrice est autorisée uniquement pour la partie de l’épreuve qui évalue la résolution d’une situation problème », précise Bryan St-Louis, porte-parole du ministère de l’Éducation.

La calculatrice « ne peut cependant être autorisée pour les parties de l’épreuve qui évaluent le raisonnement mathématique, [car] une partie de l’épreuve comporte du calcul mental. Par conséquent, la calculatrice effectuerait à la place de l’élève les processus visés par l’évaluation ministérielle ».

Parents aux aguets

Les parents d’élèves à besoins particuliers doivent s’armer de patience, déplore Annie Goudreau, conseillère aux services aux élèves HDAA à la Fédération des comités de parents du Québec. Ses deux garçons de niveau secondaire ont un diagnostic pour des difficultés d’apprentissage.

« Les parents doivent répéter chaque année les besoins de leurs enfants et se battre pour avoir des services, dit-elle. Plusieurs aussi connaissent mal les droits de leurs enfants. On fait des formations où viennent 100 ou 200 parents qui ne savent pas ce qu’est un plan d’intervention. »

Difficile, dans ces conditions, d’exiger qu’on inscrive dans un plan d’intervention que l’enfant a droit à une calculatrice ou à un correcteur orthographique…

Annie Goudreau remarque aussi que le milieu scolaire demeure réticent à permettre l’utilisation d’une calculatrice à des élèves pourtant incapables de faire des calculs à cause d’un trouble neurologique. « Certains pensent encore que c’est injuste par rapport aux autres élèves. Pourtant, tout le monde trouve normal, avec raison, qu’une personne ayant un handicap physique ait un fauteuil roulant. »

Publié le 21 mai 2022
Par Marco Fortier