Une nouvelle méthode d’impression 3D permet aux scientifiques aveugles de consulter plus aisément les figures et graphiques de recherche.
Un pistolet à colle. C’est l’un des outils qu’utilise la scientifique Mona Minkara pour mémoriser la structure des molécules chimiques. Presque aveugle depuis l’enfance, la professeure de bio-ingénierie de l’Université Northeastern, à Boston, fait imprimer les schémas des molécules sur papier, puis demande à un assistant d’en tracer les contours avec de la colle chaude. Une fois refroidis, les traits forment des crêtes à lire avec les doigts.
Si elle emploie ce moyen artisanal, c’est que l’information graphique n’est pas toujours facilement accessible aux scientifiques ayant une déficience visuelle. Si de nombreuses technologies (synthèse vocale, livre audio, braille) permettent d’adapter du texte, la tâche se complique avec les images, pourtant omniprésentes en science. Un manuel de biochimie peut facilement compter des centaines d’illustrations. Comment éliminer cette barrière pour les élèves, professeurs et scientifiques qui présentent une telle déficience ?
L’équipe de Bryan Shaw, professeur de biochimie à l’Université Baylor, au Texas, suggère une solution prometteuse dans la revue Science Advances. À l’aide d’une imprimante 3D, le groupe a produit des images en relief sur de minces plaquettes de plastique translucide. Plus une ligne ou une zone de l’image originale est foncée, plus la crête sera « surélevée » sur la plaquette. À haute résolution, il devient facile, du bout des doigts, de comparer deux courbes, d’assimiler un schéma, de découvrir la texture d’une aile de papillon vue au microscope électronique…
Il existait déjà des encres qui gonflent à l’impression et des imprimantes braille capables de créer certains motifs (lignes, hachures, rayures) à partir de points, « mais l’impression 3D est beaucoup plus précise », souligne le professeur.
Pour tester l’intérêt de sa nouvelle approche, l’équipe a produit différents types d’images scientifiques, puis a vérifié que les utilisateurs et utilisatrices interprétaient correctement l’information présentée. Les résultats sont encourageants : 8 fois sur 10, ils ont eu la bonne réponse.
Format universel
Ces plaquettes tactiles ont un deuxième avantage : elles sont lisibles aussi par les personnes voyantes, par transparence, lorsqu’elles sont placées devant une source lumineuse. « En science, une grande part du travail tient à la collaboration entre spécialistes de diverses disciplines, argue Mona Minkara, coauteure de l’article. Cette technologie nous permet d’échanger beaucoup plus facilement. » On peut manipuler les plaquettes, les transporter dans un cahier de notes, les remettre à un ou une collègue pour en discuter…
Mélissa Cécire, propriétaire de Point-par-Point, une entreprise de Longueuil qui produit des documents adaptés pour des élèves de partout au Canada, juge l’idée encourageante. Mais elle s’inquiète de son coût étant donné que le procédé est pour le moment plus lent que les méthodes actuelles. « C’est déjà coûteux de faire adapter des documents. Si cela revient trop cher, malheureusement, ce ne sera pas offert à tous », déplore-t-elle.
Elle insiste cependant sur l’importance de produire des graphiques tactiles pour les gens avec un handicap visuel. Une image vaut mille mots, même pour les personnes aveugles.