La pénurie d’enseignants frappe de plein fouet les groupes d’adaptation scolaire, où l’on retrouve des élèves avec de grandes difficultés. Les conséquences sont parfois «dramatiques» selon des intervenants scolaires, alors que plusieurs enseignants non légalement qualifiés doivent être appelés en renfort.
Dans la classe spécialisée de Kallie, 14 ans, il n’y a pas de prof cette année. Une technicienne en éducation spécialisée encadre les élèves qui ont un trouble du spectre de l’autisme, comme ce fut le cas pour une bonne partie de l’année dernière, marquée par un fort roulement de personnel.
«Aucun plan de travail nous a été communiqué. Ma fille a régressé, elle a eu de gros problèmes de comportement», déplore sa mère, Angele Belisle, qui habite à Gatineau.
Le manque d’enseignants qualifiés dans les groupes d’adaptation scolaire a aussi des impacts considérables sur les autres membres du personnel.
Dans une école spécialisée de la région de Montréal, plus du tiers des postes d’enseignants étaient vacants à la rentrée, indique sa directrice, qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’était pas autorisée à discuter avec Le Journal.
Or des interventions non appropriées peuvent contribuer à «mettre en péril» la sécurité du personnel et des élèves, affirme-t-elle. «On est déjà épuisé, on porte ça à bout de bras. Les dommages collatéraux de la COVID-19 se font beaucoup sentir, ceux qui étaient vulnérables le sont encore plus», laisse-t-elle tomber.
Dans une autre école spécialisée, aussi située dans la région de Montréal, près de la moitié des profs n’ont pas leur brevet d’enseignement. «Ça augmente chaque année. Tout le monde fait de son mieux, mais nos élèves ont de grands, grands défis. Ça ajoute de la pression sur les autres membres du personnel», affirme sa directrice, qui a elle aussi requis l’anonymat pour les mêmes raisons.
«Catastrophe annoncée»
De son côté, la Coalition des parents d’enfants à besoins particuliers dénonce haut et fort la situation. «C’est une catastrophe annoncée. Nos enfants sont les plus vulnérables du Québec, ils méritent plus», martèle sa présidente, Bianca Nugent.
Le son de cloche est semblable du côté de la Fédération autonome de l’enseignement.
«C’est un peu dramatique quand ce sont les élèves qui ont les plus grands besoins qui se retrouvent avec les enseignants les moins formés. Gérer les difficultés d’apprentissage, ça ne s’improvise pas», affirme sa présidente, Mélanie Hubert.
Cas très lourds
Avec la politique d’intégration des élèves en difficulté dans les classes ordinaires, ce sont vraiment les jeunes «avec des difficultés très importantes» qui se retrouvent maintenant dans les groupes d’adaptation scolaire, souligne Geneviève Sirois, professeure en administration scolaire à l’Université TÉLUQ.
Dans le cadre de ses recherches, elle a réalisé des entrevues avec plusieurs employés du réseau scolaire. Les postes en adaptation scolaire sont encore plus difficiles à combler, si bien que des classes sont remplies au maximum pour réduire le nombre d’enseignants à embaucher, lui a-t-on expliqué.
Un mois après la rentrée, plusieurs contrats en adaptation scolaire sont toujours vacants, peut-on constater en consultant les sites Internet de plusieurs centres de services.
«Les difficultés de recrutement en adaptation scolaire existent depuis longtemps, mais la situation est particulièrement criante cette année», confirme Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement d’école.
«Ça nous inquiète. On a multiplié les classes spécialisées au cours des dernières années, mais ça devient une option de moins en moins intéressante pour un parent» si le personnel n’est pas qualifié, ajoute-t-elle.