Des thérapies qui stimulent le système nerveux par ordinateur

Le professeur-chercheur de l’UdeM Guillaume Lajoie prend part à des projets qui utilisent l’IA pour optimiser une interaction directe avec le système nerveux pour des interventions cliniques ciblées.

Des électrodes pour prévenir un épisode d’arythmie. Des implants pour stimuler la reprise de mouvements perdus après un accident vasculaire cérébral. Un dispositif intracrânien pour réduire les tremblements produits par la maladie de Parkinson.

Autant d’exemples d’interfaces cerveau-machine alimentées par l’intelligence artificielle (IA) qui permettent de traiter de façon très ciblée certaines maladies.

Des inventions du futur? Non, des thérapies existantes ou étudiées actuellement, notamment par Guillaume Lajoie, professeur au Département de mathématiques et de statistique de l’Université de Montréal et chercheur à Mila – l’Institut québécois d’intelligence artificielle.

Le laboratoire du chercheur est affilié à BIOS Health, une compagnie basée au Royaume-Uni qui se spécialise en interfaçage neuronal, c’est-à-dire en communication entre le cerveau et l’ordinateur.

«Il s’agit de faire communiquer les réseaux neuronaux du cerveau avec un ordinateur, de manière bidirectionnelle. D’une part, on décode ce que le système nerveux dit et, de l’autre, on peut intervenir dans l’activité du système nerveux pour des interventions médicales ciblées», explique Guillaume Lajoie, qui siège au comité consultatif scientifique de BIOS Health.

Quand les neurones interagissent avec les ordinateurs

Titulaire d’une chaire en IA Canada-CIFAR et de la Chaire de recherche du Canada en calcul et interfaçage neuronaux, Guillaume Lajoie consacre ses travaux de recherche à la création d’algorithmes qui facilitent l’interaction entre les réseaux neuronaux biologiques et ceux issus de l’intelligence artificielle.

Chez BIOS Health, son expertise sert entre autres à concevoir des techniques pour stimuler le nerf vague dans l’optique de prévenir des épisodes d’arythmie. «Le nerf vague est un nerf très long qui assure la transmission des influx nerveux responsables d’activités automatiques de nombreux organes, précise le chercheur. L’idée est donc de pouvoir interagir avec ce nerf grâce à des électrodes qui enregistrent ces activités et les stimulent pour moduler les battements cardiaques. En arrivant à prédire les arythmies, on peut alors élaborer un processus d’optimisation pour pouvoir stimuler le système nerveux de manière ciblée en vue de prévenir ce genre de problème.»

Guillaume Lajoie travaille également sur ce type de technologie dans son laboratoire, en collaboration avec Numa Dancause, professeur au Département de neurosciences de l’UdeM, et Marco Bonizzato, professeur à Polytechnique Montréal. Ensemble, ils cherchent à mettre au point des implants neuronaux issus de l’IA qui aideraient à la rééducation de personnes ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC).

«Après un AVC, on peut par exemple avoir perdu des capacités motrices dans la main, illustre Guillaume Lajoie. En rééducation, la physiothérapie invite à forcer le mouvement pour récréer les connexions perdues dans le cerveau. En stimulant directement les neurones spécialisés dans l’accomplissement du mouvement de la main, on aide donc le cerveau à refaire directement les connexions.»

Un domaine de recherche en plein essor

Technologie neurale, interface cerveau-machine, thérapie numérique neuronale, ingénierie neuronale: ces expressions sont actuellement bien à la mode dans les industries privées et la recherche universitaire.

Fondée en 2015, BIOS Health fait partie du nombre grandissant de compagnies qui utilisent l’intelligence artificielle pour lire, écrire et analyser les données du système nerveux. Comme Neuralink, la jeune pousse américaine fondée par Elon Musk qui cherche à créer des implants cérébraux pour éventuellement mieux marier le cerveau et l’IA.

Et dans cette effervescence, il s’avère que Montréal, notamment grâce à l’Université de Montréal, à Mila, mais aussi à IVADO – l’institut de recherche et de transfert en intelligence artificielle –, est un joueur plus que compétitif sur la scène mondiale.

«L’UdeM constitue un écosystème très foisonnant en matière d’IA et de neurosciences, croit Guillaume Lajoie. Cette expertise nous donne une occasion réelle de mettre au point des traitements révolutionnaires et d’étudier des questions scientifiques sur le cerveau jusqu’alors irrésolues.»

Valoriser les partenariats industries-centres de recherche

Guillaume Lajoie rappelle que de telles avancées scientifiques et technologiques sont favorisées par l’union des compétences de partenaires institutionnels et industriels. Dans son cas, il tient à mentionner que la collaboration fructueuse entre l’Université de Montréal et BIOS Health a pu voir le jour grâce aux programmes de MEDTEQ+, le consortium de recherche et d’innovation en technologies de la santé.

Publié le 23 novembre 2022
Par Béatrice St-Cyr-Leroux