Donner de l’eau dans les CHSLD, pas si simple à faire

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Alors que la fille d’une résidente en CHSLD demande qu’au moins trois verres d’eau de plus soient offerts chaque jour, le CISSS-Chaudière-Appalaches et des médecins expliquent que la tâche est beaucoup plus complexe qu’elle en a l’air.

« Ce n’est pas aussi simple que ça de faire boire quelqu’un, surtout en CHSLD », lance le gériatre David Lussier. Le médecin de l’Institut de gériatrie de Montréal explique que l’exercice de donner à boire est même risqué pour certains usagers.

Par exemple, il y a des personnes qui peuvent avoir de la difficulté à avaler, qui vont risquer de s’étouffer, d’avoir des pneumonies si elles boivent de l’eau. Donc, il faut l’épaissir.

« Il y a des gens qui ne peuvent tout simplement pas boire d’eau parce qu’ils ont des problèmes à avaler et, s’ils boivent de l’eau, ça peut être dangereux. »

— Une citation de  Dr David Lussier, gériatre à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

En ce qui a trait à l’hydratation, rien n’est simple dans les CHSLD pour les équipes de soins et les préposés aux bénéficiaires qui font boire les résidents.

Émilie Roy-Boisvert est chef d’unité au CHSLD de Lévis et nutritionniste de formation. Elle explique que ça peut sembler banal, mais que la santé de certains résidents est tellement fragile que boire le mauvais type d’eau peut être mortel.

Il y a trois types d’eau d’épaisseurs différentes dans les CHSLD du Québec pour éviter les soucis de santé.

On ajoute une poudre épaississante à l’eau ou aux autres boissons pour que ce soit sécuritaire, explique Émilie Roy-Boisvert.

Projet difficile à implanter partout

Le projet implanté au CHSLD de Saint-Flavien en juillet dernier, nommé Faire boire, est donc difficile à implanter au CISSS de Chaudière-Appalaches à la grandeur de son réseau d’établissements.

L’initiative de Denise Duguay, la fille d’une résidente du CHSLD dans Lotbinière, demande une analyse plus poussée et un protocole avant de la déployer partout, selon le CISSS de Chaudière-Appalaches.

Je ne peux pas dire qu’un matin j’apporte des pichets d’eau et que je rends ça disponible, lance Émilie Roy-Boisvert. Il faut que ce soit organisé. Il faut bien le planifier pour s’assurer que le bon résident a la bonne consistance et que c’est sécuritaire.

Cela dit, près de 2000 pichets ont été achetés et devraient être envoyés dans les 29 CHSLD du CISSS de Chaudière-Appalaches sous peu, indiquait un responsable du CISSS lundi.

Mme Roy-Boisvert explique qu’avec les repas, les collations, la distribution de liquides et la médication, les résidents ont au moins neuf occasions de boire et d’atteindre les valeurs cibles du réseau de la santé.

Ça vaut la peine d’y penser

Le gériatre à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal David Lussier est lui aussi d’avis que le réseau de la santé doit suivre des protocoles bien établis avant de changer les habitudes.

Ça vaut la peine d’y penser. Il faut vraiment s’assurer que les gens sont correctement hydratés, mais il faut bien le faire, explique le médecin.

Plusieurs intervenants, des infirmières, des infirmières auxiliaires et des préposés aux bénéficiaires doivent être familiarisés avec les processus. Chaque résident a un profil unique.

Ce n’est pas si simple non plus d’implanter une routine et d’offrir de l’eau parce qu’évidemment, dans un CHSLD, il y a plusieurs soins à donner. Il va falloir faire une réorganisation du travail.

La ministre responsable des aînés, Sonia Bélanger, n’a pas voulu commenter le dossier.

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Publié le 12 avril 2023
Par Pierre-Alexandre Bolduc