La colère continue de monter au sein de la Fédération française des dys. Elle dénonce la décision de proscrire des logiciels utilisés par des élèves dys lors des examens dans le Rhône et l’Ain, au motif d’une “surcompensation”.
Retirer un ordinateur à un élève « dys » durant un examen reviendrait à confisquer les lunettes d’un candidat avec des problèmes de vue. Pourtant, c’est ce que recommande, quasiment en substance, la Direction des examens et concours, chargée d’organiser des épreuves et d’élaborer des sujets, au sein du ministère de l’Education nationale. En effet, dans le « guide relatif aux aménagements d’examen » qu’elle vient de rédiger pour l’académie de Lyon, il est écrit noir sur blanc que « certains logiciels utilisés régulièrement dans le cadre de la formation pourront ne pas être autorisés en situation d’évaluation par l’autorité certificative, après appréciation de l’équipe pédagogique, des corps d’inspection disciplinaire et des compétences évaluées en correspondance avec le référentiel des diplômes ». Dans le viseur, les logiciels « Antidote » et « Dragon Speak », un correcteur orthographique et un outil de reconnaissance vocale. Jugées « de nature à créer une surcompensation et donc une rupture d’égalité entre les candidats », ces aides techniques seront donc « proscrites », annonce la Direction des examens et concours dans ce guide.
Des pratiques disparates selon les rectorats
La maison départementale de l’Ain n’a d’ailleurs pas mis longtemps à appliquer cette décision, refusant ainsi « de notifier le logiciel Dragon pour un adolescent avec des troubles dys sévères, sous prétexte ‘qu’il est interdit aux examens depuis quelques semaines’ par l’académie de Lyon », déplore la Fédération française des dys. Déjà en avril 2023, cette dernière dénonçait des « pratiques disparates selon les rectorats » concernant les aménagements aux examens. Elle a ainsi été alertée par des familles ayant reçu des avis négatifs suite à leurs demandes d’aménagements, à quelques jours des évaluations, dans l’académie de Lyon mais pas que (Lire : Examens avec un trouble dys : la croix et la bannière). Des dysfonctionnements déjà observés en 2020 par deux membres de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), Philippe Denormandie et Cécile Chevalier, dans un rapport remis à cette époque au ministère de la Santé intitulé « Des aides techniques pour l’autonomie des personnes en situation de handicap ou âgées : Une réforme structurelle indispensable ». Ces derniers parlaient alors de « discriminations ».
Associé à de la triche
Dyscalculies, dyslexies, dysorthographies, dysphasies et autres dyspraxies nécessitent en effet des aménagements spéciaux pour plancher dans des conditions optimales. Parmi elles, la présence d’un assistant, l’octroi d’un temps supplémentaire ou encore la mise à disposition d’un équipement adapté, tel un ordinateur équipé de logiciels dédiés. Ces dispositifs sont accordés lors d’une évaluation individualisée permettant ainsi de suppléer certains troubles, notamment au niveau de la correction orthographique ou dans l’organisation du temps de travail. Or, par méconnaissance, ils sont parfois associés à de la triche, même au sein du corps enseignant. Pour la FFDys, cette décision de la Direction des examens et concours va donc « à l’encontre du Code de l’éducation ». Son article L. 112–4 précise d’ailleurs que, « pour garantir l’égalité des chances entre les candidats, des aménagements des épreuves orales, écrites, pratiques ou de contrôle continu des examens ou concours de l’enseignement scolaire et supérieur sont rendus nécessaires en raison d’un handicap ou d’un trouble de santé invalidant ».
Loin de l’esprit de la loi de 2005
Plus récemment, un décret en date du 4 décembre 2020 sur les aménagements aux examens indiquait que l’objectif était de « garantir la continuité et la cohérence entre les aménagements mis en place sur le temps scolaire et lors du passage des épreuves d’examens et concours ». Quant au terme « surcompensation », il est « impropre » dans ce contexte, rappelle sa présidente Nathalie Groh, qui s’appuie sur la définition de la compensation décrite dans la loi de 2005. Ces refus « ne correspondent pas à l’esprit de cette loi, ni à celle de 2013 sur la refondation de l’école, qui prônent la non-discrimination et l’égalité des chances dans une école inclusive ». Ils créent de « réelles souffrances pour les élèves et leur famille » et l’ajout de « stress aux futurs candidats à quelques jours des examens », dénonce-t-elle. Au contraire, un responsable du numérique éducatif, interrogé par la fédération, recommande de « travailler à harmoniser les pratiques sur tout le territoire car la disparité observée dans le cas du rectorat de Lyon est une source d’inégalité bien plus grave que la prétendue ‘surcompensation’ ». Malgré des alertes récurrentes de la Défenseure des Droits et de la médiatrice de l’Éducation nationale auprès des centres d’examens et rectorats, ces discriminations des publics dys ne sont toujours pas résolues, se désespère la fédération.