Il y a quelques décennies, le Trouble développemental du langage (TDL), mécompris, condamnait 7% de la population à être fiché comme « l’idiot du village », selon une mère d’un enfant dysphasique, Julie Bolduc. Aujourd’hui mieux compris, mais toujours peu connu, ce handicap invisible, qu’on appelle également dysphasie, continue de rendre plus difficile l’alphabétisation, l’apprentissage scolaire, les amitiés et le bien-être émotionnel pour des centaines de milliers de Québécois.
« La dysphasie c’est un handicap invisible, donc impossible à apercevoir, qui va limiter la compréhension et l’expression du langage chez certaines personnes. Ça cause des difficultés à l’école, des problèmes d’estime de soi et de l’isolement. Il est souvent aussi difficile d’exprimer une idée, que ce l’est pour en comprendre une autre. Ce ne sont pas des gens stupides pour autant », explique la coordonnatrice de l’Association québécoise de la dysphasie au Saguenay-Lac-Saint-Jean (02), Désirée Blain.
Pour cette dernière, il est certain que le TDL reste un trouble peu connu et peu abordé avec les enseignants, qui sont aux premières loges pour constater les difficultés qu’il engendre. « Il y a une directrice d’une autre association comme la nôtre, qui est maman d’un enfant dysphasique, et qui s’est fait dire par le personnel scolaire qu’il fallait potentiellement revoir le diagnostic de son enfant. La raison était simple, il allait obtenir plus de ressources s’il était finalement autiste, alors qu’il a un TDL », raconte-t-elle.
La dysphasie est souvent accompagnée d’autres troubles ou handicaps, ce qui influence grandement l’approche préconisée pour aider. Toutefois, dans l’écrasante majorité des cas, une évaluation et un suivi chez un orthophoniste sont recommandés.
Le TDL a connu plusieurs noms dans son histoire. Le terme dysphasie, encore utilisé, n’est techniquement plus celui priorisé depuis 2016. Le terme audi-mutité a également été utilisé par le passé.
À L’école
Selon Désirée Blain, les personnes ayant un TDL varient énormément en sévérité, ce qui détermine les difficultés vécues au quotidien. « On a des cas qui obtiennent leur diplôme et qui sont capables d’aller au cégep. Pour d’autres, c’est bien plus difficile et ce serait impossible de penser les voir continuer leurs études », explique-t-elle.
«Souvent, on va modifier le parcours des apprentissages des jeunes dysphasiques. Ça fait en sorte que plusieurs entrent au secondaire sans avoir les apprentissages primaires requis pour obtenir son secondaire cinq. On va essayer de les orienter vers les DEP généralement », mentionne Mme Blain.
Pour Julie Bolduc, membre de l’association depuis plusieurs années et maman d’un adolescent dysphasique de 12 ans, le trouble de son fils occupe une partie importante de sa vie. « Avec mon Guillaume, il faut toujours tout répéter 10 à 20 fois, au minimum. Sinon, il ne comprend pas », rapporte la mère.
Selon elle, c’est à l’école que les difficultés de son fils paraissent le plus. « Les enseignants en général savent quoi faire pour développer le langage. Il faut décortiquer le plus possible, répéter et aller valider sa compréhension avec lui », explique Julie Bolduc.
Le problème, selon elle, est que les personnes dysphasiques ont tendance à vouloir passer inaperçues et répondre « oui » à la question « avez-vous bien compris ? ». « Il est arrivé qu’on me dise que mon fils comprennait quelque chose dont je voyais qu’il n’y comprenait rien », souligne la maman de Guillaume.
Il est important « d’y aller étape par étape », selon ce qu’a appris avec les années Julie Bolduc. En communiquant à une personne atteinte de dysphasie, il ne faut pas mentionner trop d’éléments en même temps, car il est trop facile pour eux de les confondre et d’ultimement ne pas comprendre le message communiqué.
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