Elle vit en CHSLD depuis ses 19 ans et compte y rester jusqu’à la fin

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Une quadragénaire vivant avec un handicap compte finir ses jours dans le Centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) où elle est arrivée à l’âge de 19 ans et où elle a mené une vie active pendant près de trente ans, entourée d’aînés. 

« J’étais la plus jeune du centre », se souvient Natacha Piquette, qui est aujourd’hui âgée de 48 ans et dont les jambes sont paralysées depuis la naissance en raison d’une malformation de la moelle épinière.

Elle est arrivée au CHSLD Paul-Émile Léger, au centre-ville de Montréal, en 1993, après deux ans dans un foyer de groupe avec des jeunes de son âge. 

« Ça n’a pas fonctionné pour différentes raisons », lâche-t-elle, évoquant entre autres le niveau de soins requis compte tenu de son handicap.

« C’était comme si j’arrivais sur une autre planète, j’étais quelqu’un qui avait toujours tout fait toute seule […] Me faire dire que je ne pouvais pas prendre ma douche tous les soirs avant de dormir, ç’a été un clash », avoue-t-elle.

Comme un « 1 et demi »

Les premières années, Mme Piquette partageait sa chambre avec trois personnes âgées vivant avec la maladie d’Alzheimer. Elle côtoyait des gens dont la moyenne d’âge était de 80 ans.

Au fil du temps, la vie au CHSLD a bien changé dans l’établissement où la majorité des résidents vivent avec un lourd handicap.

Elle a désormais sa propre chambre qu’elle considère comme un « 1 et demi », puisqu’elle est libre de ses allées et venues.

Dans les couloirs de l’établissement, on croise désormais plus de « jeunes » qu’avant, dans la trentaine ou la quarantaine. 

« La moyenne d’âge est d’environ 45 ou 46 ans. Ce ne sont pas des personnes âgées. C’est spécifique à notre établissement », précise Narimen Hemsas, responsable du CHSLD Paul-Émile Léger depuis quelques mois. 

La durée moyenne du séjour est de huit ans, ajoute-t-elle. C’est quatre fois plus que la durée moyenne de séjour en CHSLD au Québec, qui est de deux ans, selon un rapport du ministère de la Santé et des Services sociaux publié en mars dernier. 

Vie active

Pour animer la vie dans le CHSLD de « jeunes », les résidents sont intégrés à la vie dans la communauté, explique Mme Hemsas.  

Le Centre de ressources éducatives et pédagogiques (CREP) donne des cours sur place, comme des ateliers de bijoux ou de peinture.

Elle ajoute que d’autres vont à l’école ou travaillent dans l’établissement, au bistro ou dans la friperie, par exemple.

« Leur boss, c’est le service des loisirs. Ils sont rémunérés », souligne la responsable du CHSLD, 

Natacha Piquette a travaillé au dépanneur du troisième étage pendant 15 ans, trois fois par semaine, avant d’avoir fait le tour du jardin. 

Elle préfère maintenant se consacrer à d’autres activités, comme le diamond painting, une sorte de peinture à numéros avec des perles de couleur, de même que sa vie sociale.

« J’aime sortir. Je vois ma famille, mes amis. Je ne suis pas souvent chez moi », lance-t-elle en rigolant. 

Un premier Noël sans restrictions

Après plus de deux ans de pandémie, les résidents du CHSLD Paul-Émile Léger peuvent enfin souligner le temps des Fêtes à la résidence, et avec leurs proches. 

« C’est sûr que j’ai hâte, même si j’ai des appréhensions par rapport à la COVID qui court », glisse Natacha Piquette.

La femme de 48 ans en fauteuil roulant prévoit participer au souper organisé au centre le soir du réveillon et passer la journée avec sa famille le 25 décembre.  

Pendant un certain temps, Mme Piquette n’a pu recevoir aucune visite, pas même celle de sa meilleure amie et proche aidante Diane.

« Ça a été très difficile, je ne pouvais pas voir mes proches, je ne pouvais pas sortir de chez moi. J’ai dû mettre ma vie sur pause pendant un bon bout de temps », confie-t-elle.

Le temps du confinement est bel et bien révolu. 

Des festivités sont prévues les mercredis du mois de décembre, même dans les unités aux prises avec une éclosion, explique Narimen Hemsas, responsable du CHLSD Paul-Émile-Léger.

Ne pas pénaliser les résidents

« On ne veut pas pénaliser les résidents. On maintient les festivités, mais avec des mesures comme la distanciation et le port du masque », souligne la gestionnaire.

Ces activités du temps des Fêtes ne seraient pas possibles sans l’appui de dizaines de bénévoles, rappelle pour sa part Suzanne Allard, cheffe du service du bénévolat au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, qui compte notamment 17 CHSLD dans la région de Montréal.

En ce moment, 700 bénévoles contribuent au « bonheur de la clientèle » dans l’ensemble du territoire du CIUSSS, un nombre bien en deçà des quelque 1800 d’avant la pandémie. 

« Les gens sont inquiets de venir. Il y a régulièrement des éclosions. La situation pandémique est fragile », déplore Mme Allard.

L’importance des bénévoles

Elle souligne que la contribution des bénévoles est cruciale en cette période des Fêtes, non pas pour prodiguer des soins, mais mettre un peu de magie dans la vie des résidents à Noël et au Nouvel An.

« C’est faire des emballages cadeaux, des décorations ou faire le service pour la journée de Noël », explique-t-elle.

Elle estime que chaque année, le CIUSSS recrute de 200 à 300 bénévoles supplémentaires pour le temps des Fêtes.

Publié le 19 décembre 2022
Par Anouk Lebel