Pour les personnes en situation de handicap, trouver un logement à la fois abordable, accessible et adapté n’est pas une tâche simple. En pleine crise du logement, cela relève de la mission impossible. Le manque de logements adaptés entraîne chaque année des décès évitables, en plus de générer des charges sociales que des politiques plus efficaces pourraient prévenir, selon les spécialistes.
« Il y a des gens qui sont véritablement prisonniers chez eux », explique Martin Lalonde, agent de défense collective des droits chez Ex aequo.
Ces barrières peuvent prendre diverses formes : un escalier infranchissable pour quelqu’un récemment devenu à mobilité réduite, une salle de bain trop étroite pour une personne âgée nécessitant des barres de soutien, ou encore, l’impossibilité de trouver un logement abordable et adapté pour une femme en situation de handicap cherchant à échapper à la violence domestique.
Pour les personnes qui sont locataires, adapter un logement peut également être d’une grande complexité. « Un propriétaire peut refuser des adaptations, pour mettre volontairement les gens dehors pour ensuite augmenter le prix du loyer ».
Des mesures légales peuvent être entamées, mais ces processus juridiques sont longs et complexes, explique l’agent de défense. « Pour quelqu’un qui a des besoins d’adaptations urgents, ça force à partir. »
Au Québec, 70 000 personnes attendent désespérément un logement adapté à leurs besoins, selon les données de 2017. Les logements abordables étant souvent anciens, ils sont fréquemment inaccessibles. De plus, seulement 1 % des logements sociaux de la province sont réservés aux personnes en situation de handicap.
Dure réalité
Ce manque d’accessibilité a des impacts concrets sur la vie de milliers d’individus. C’est le cas de Monsieur M.*, membre d’Ex aequo, un organisme dédié à la défense des droits des personnes en situation de handicap.
En 2017, Monsieur M. a fait une demande de logement social adapté, mais après une attente de cinq ans, il a dû quitter le pays pour des raisons familiales. À son retour, son dossier avait été fermé, le laissant, avec sa fille, en situation d’itinérance cachée, à la recherche d’un logement adapté.
Un enjeu de santé publique
Outre ses répercussions sur l’autonomie des individus, l’accessibilité universelle du logement se pose aussi comme une question de santé publique.
Au Québec, 61 % des décès par blessures sont causés par des chutes, ce qui correspond à quinze décès par jour, selon les données pour l’année 2019. Plus de la moitié de ces chutes se seraient produites à la maison.
« Les gens vivent dans des logements qui ne sont pas adaptés. Nécessairement, un jour ou l’autre, ils finissent par se blesser », explique Martin Lalonde. Le spécialiste rappelle qu’en plus des vies minées, cette situation a un coût social faramineux, que ce soit dû aux hospitalisations ou à la réhabilitation. En 2018, le coût annuel de ces chutes est estimé à 5,6 milliards $.
Changer les choses
C’est dans une approche basée sur l’accessibilité universelle qu’Ex aequo et la Société Logique se sont unis pour mettre sur pied le projet « C’est aussi ça, le logement accessible universellement ». Cette campagne vise entre autres à mobiliser le public et les décideurs sur l’accessibilité universelle, pour améliorer la réglementation, les programmes, les mesures et les pratiques en la matière.
Parmi les demandes formulées aux différents paliers gouvernementaux, on retrouve par exemple la requête de bonifier les exigences du Code de construction du Québec ainsi que d’intégrer l’accessibilité universelle pour toutes les nouvelles constructions au pays. Une telle loi fédérale a d’ailleurs été récemment instaurée en Australie.
« Les solutions existent, il faut maintenant la volonté politique », défend Martin Lalonde, d’Ex aequo.
* L’appellation Monsieur M. a été utilisée pour préserver l’anonymat.