Grâce à des électrodes implantées dans leurs bras, ils retrouvent l’usage de leurs mains

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INNOVATION Deux personnes tétraplégiques ont pu saisir et soulever des objets grâce au projet Agilis

Avec sa main gauche, Jérôme saisit une canette de soda, et la porte jusqu’à sa bouche. Puis, avec une fourchette, il pique de petites pommes de terre, et fait mine de les engloutir. Des scènes plutôt banales, pour la plupart d’entre nous. Mais pour ce jeune homme, tétraplégique depuis un accident, ces gestes simples sont de véritables prouesses. Jérôme est l’un des patients à avoir retrouvé, le temps de cette expérience scientifique, l’usage de ses membres, grâce à un projet, baptisé Agilis.

Cette première mondiale est portée par l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), la clinique Saint-Jean à Montpellier (Hérault), le centre de rééducation fonctionnelle Bouffard-Vercelli, à Perpignan (Pyrénées-Orientales) et la start-up héraultaise Neurinnov, dont le savoir-faire est au cœur du projet.

« C’est assez émouvant »

Des électrodes ont ainsi été enroulées autour des nerfs médian et radial, dans les bras des deux volontaires souffrant d’une lésion de la moelle épinière, lors d’une opération chirurgicale. Ces petits conducteurs électriques sont connectés à un stimulateur externe, qui est lui-même relié à d’autres muscles que les patients ont la possibilité de contracter, grâce à des petits capteurs. Notamment sur l’épaule et au niveau du cou pour Jérôme. Ainsi, pendant les tests, en effectuant de petits mouvements avec d’autres parties de leurs corps, les deux hommes ont pu saisir des objets, et les lever. Révolutionnaire.

« Je ne m’attendais à ce qu’il y ait, aussi rapidement, autant de nouveautés », s’étonne Vincent, l’autre patient qui a participé au projet, dans une vidéo tournée pendant l’expérimentation, par les équipes de l’Inria. « Le fait d’attraper un objet aussi rapidement, aussi fortement… Et tous les jours, de mieux en mieux… C’est quelque chose d’assez émouvant. » Après un test d’environ quatre semaines, les implants ont été retirés, chez les deux patients. « Ce n’est pas grave, confie Jérôme. Pendant un mois, on m’aura redonné de la mobilité sur la main. On va me la retirer. Mais j’aurais participé à la recherche. »

« La promesse d’une solution […] fiable et viable »

Ce projet, c’est, pour le docteur Charles Fattal, médecin-chef au centre de rééducation fonctionnelle de Perpignan, la « promesse d’une solution technologique et fonctionnelle fiable et viable, à toute personne tétraplégique qui ne pourrait pas accéder à une chirurgie fonctionnelle classique dominée par les transferts musculo-tendineux ».

Les différentes équipes qui se sont employées à faire de ce rêve une réalité ne sont toutefois pas encore au bout du chemin. Elles vont continuer, dans les prochaines années, à améliorer ce procédé, qui a fait l’objet d’une parution dans la revue scientifique Nature. Et, peut-être, un jour, des personnes tétraplégiques pourront véritablement retrouver l’usage de leurs mains, grâce à ces petites électrodes révolutionnaires.

Publié le 27 octobre 2022
Par Nicolas Bonzom