Parcours professionnels « instables », aménagements de poste insuffisants… Une récente recherche de la Firah résume les principales difficultés d’accès à l’emploi des personnes handicapées, a fortiori des femmes, et propose des pistes d’amélioration.
« La majorité des parcours professionnels des personnes handicapées sont instables et/ou caractérisés par un retrait temporaire ou définitif du travail rémunéré », constate la recherche participative « » Handicap, genre et précarité professionnelle « », menée d’avril 2020 à juin 2022 à Sciences Po. Ce travail a été financé dans le cadre de l’appel à projets 2019 « Handicap et précarité » de la Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap (Firah). Conçue en « relation étroite » avec six associations du secteur*, elle révèle, au fil des 242 pages, les difficultés que rencontrent les personnes handicapées pour accéder à l’emploi, soulignant à quel point cette précarité professionnelle constitue un obstacle à la concrétisation de leurs droits économiques. Enjeux majeurs ? Favoriser la réalisation du droit au travail et promouvoir les droits des femmes handicapées, qui font face à des entraves spécifiques.
Les femmes, plus « inactives »
Les statistiques sont éloquentes : « L’influence du handicap est très importante dans les probabilités d’être en emploi ou non ». En effet, en 2022, 14 % des personnes handicapées sont au chômage contre 8 % pour l’ensemble de la population. « Les femmes handicapées sont moins au chômage que les hommes mais sont également surreprésentées parmi les inactives et dans le halo du chômage », indique la recherche. Cela signifie qu’elles ne sont pas au chômage au sens du Bureau international du travail mais dans une situation qui s’en approche. Deuxième constat : toutes les offres d’emploi ne sont pas considérées comme accessibles ou envisageables. En outre, le temps partiel peut constituer la seule option envisageable pour les personnes devant effectuer des grandes quantités de travail domestique (tâches ménagères et care) ou de travail de santé et de handicap.
Des lettres (de motivation) mortes
Les recherches d’emploi s’articulent autour de l’anticipation d’une discrimination potentielle vis-à-vis de leur handicap. « Malgré la mise en œuvre de stratégies autour de la révélation du handicap ou de la RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), elles demeurent marquées par des absences de réponses à leurs candidatures et des discriminations relatives à leur handicap », pointe le rapport. Pour certaines personnes, la sortie du marché du travail salarié peut constituer une option perçue comme plus accessible et envisageable, qui faciliterait les aménagements de poste pour le handicap et la conciliation entre emploi et famille pour les femmes. « Néanmoins, le travail indépendant s’avère être dans la majorité des cas observés très peu rémunérateur », nuance-t-il.
Des postes financièrement moins valorisés
Autre constat : les personnes handicapées occupent des postes « statutairement et financièrement » moins valorisés que les « valides », avec des revenus mensuels plus faibles. Enfin, l’étude montre que leurs conditions de travail varient considérablement en fonction des organisations. « Les droits des personnes handicapées en emploi dépendent principalement des volontés individuelles des employeurs et des équipes de travail », détaillent les auteurs de la recherche.
Pôle emploi et Cap emploi critiqués
Quel recours alors ? Pôle Emploi et Cap Emploi ? Rien n’est moins sûr… Ces deux organismes sont vivement critiqués par les participants à cette recherche. Principal reproche : des agents insuffisamment formés sur les enjeux liés à l’insertion professionnelle des personnes handicapées, que ce soit par rapport aux types d’offres proposées, l’accessibilité du service d’accompagnement ou le niveau de formation sur les handicaps autres que moteur ou de survenue accidentelle.
Des outils et des pistes d’amélioration
Outre le fait d’alerter, cette recherche a l’ambition de changer la donne. Ainsi, elle a donné lieu, au fil de sa réalisation, à des « supports d’application visant à faciliter l’appropriation de sa démarche et de ses résultats par un public plus large ». L’ouvrage Portraits de travailleuses handicapées a notamment été réalisé à partir des entretiens menés dans le cadre de la recherche afin de mettre en lumière des réalités rencontrées par ces femmes mais aussi leur résilience, ténacité et créativité pour se faire une place sur le marché du travail et dans la société. Autres outils : le livret Femmes, emploi et handicap, incluant les facteurs de précarité particulièrement en lien avec le genre, un carnet de recherche qui rend compte des avancées de cette enquête ainsi que le « tableau général des situations des personnes handicapées sur le marché du travail ». Des ressources utiles à la fois pour les personnes concernées, les associations spécialisées, les professionnels de l’accompagnement, afin de nourrir leurs pratiques en matière d’accès et de maintien dans l’emploi, mais aussi les pouvoirs publics pour disposer de données et de pistes de recommandations afin de réduire, une bonne fois pour toutes, les inégalités dans l’accès à l’emploi.
* Agefiph, APF France handicap, Femmes pour le dire, femmes pour agir (FDFA), Fibromyalgie France, apiDV (Accompagner, promouvoir et intégrer les déficients visuels, LADAPT