Handicaps psychiques et mentaux : la PCH, c’est pour début 2023

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Un tout récent décret va élargir, en janvier 2023, l’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH) aux personnes atteintes d’un handicap psychique, cognitif, mental ou de troubles du neurodéveloppement. Elles pourront notamment bénéficier de trois heures d’aide humaine par jour si elles ont besoin d’être accompagnées dans la vie quotidienne.

Un « goulet d’étranglement » va bientôt sauter. Ce « goulet », c’est la rédaction restrictive de l’annexe 2-5 du Code de l’action sociale et des familles, qui réglemente l’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH). Elle ne tient, en effet, pas compte des altérations des fonctions cognitives et des conséquences pratiques qu’elles ont dans la vie quotidienne.

Un décret pour modifier l’annexe 2-5

« Ce goulet d’étranglement interdit à la grande majorité des personnes en situation de handicap du fait de troubles psychiques et cognitifs de bénéficier » de cette prestation, pointait, en juillet 2021, le docteur Denis Leguay, dans son rapport sur la PCH.

Lors de la Conférence nationale du handicap de février 2020, Emmanuel Macron s’était engagé à adapter les dispositions réglementaires. Dans la foulée du rapport Leguay, le Gouvernement avait lancé une étude-action dans trois départements. Un décret, publié le 19 avril au Journal officiel, va modifier cette fameuse annexe 2.5. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

Une vingtième activité sur la liste

Pour prétendre à la PCH, il faut présenter une difficulté absolue pour la réalisation d’une activité. Ou une difficulté grave pour réaliser au moins deux activités. L’annexe 2-5 dresse la liste de ces dix-neuf activités officiellement reconnues : marcher, se laver, parler… Le décret en ajoute une vingtième : entreprendre des tâches multiples.

Concrètement, cela rend éligibles à la PCH les personnes qui n’arrivent pas à planifier, gérer et s’acquitter des tâches de la vie quotidienne. Elles en ont les capacités physiques mais leurs troubles – de la concentration, motivation, cognition sociale, etc. – les en empêchent. Soit qu’elles ne sont pas capables de planifier chaque activité (la commencer, la mener à son terme) ou bien encore d’organiser l’espace et les matériels nécessaires. Elles ont besoin d’être guidées, stimulées…

Une incapacité à prendre le bus, droit ouvert à la PCH

De plus, le décret ajuste, dans le bon sens, la dix-neuvième activité : “maîtriser son comportement dans ses relations avec autrui”. Son intitulé change et devient simplement : “maîtriser son comportement”, ce qui est beaucoup moins restrictif.

La définition de cette activité s’élargit également. Elle inclut désormais : “gérer le stress, y compris pour faire face à des situations impliquant de la nouveauté ou de l’imprévu”. Mais aussi “gérer les habiletés sociales”.

Même évolution pour la quatrième activité, “se déplacer”. Sa nouvelle définition va inclure les déplacements en utilisant les moyens de transport, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. Être dans l’incapacité totale de prendre seul le bus ouvrira donc droit à la PCH.

Le soutien à l’autonomie, cinquième domaine

Voilà pour la base, les critères d’éligibilité. Mais l’attribution des heures d’aide humaine repose ensuite sur une évaluation des besoins, domaine par domaine. Jusqu’à présent, l’annexe 2-5 en distinguait quatre : les actes essentiels de l’existence (se laver, manger..), la surveillance régulière, l’activité professionnelle ou un mandat d’élu, et la parentalité. Le décret en ajoute un cinquième : le soutien à l’autonomie.

L’accompagnement sans faire à la place de…

Il concerne « les personnes présentant notamment une ou plusieurs altérations des fonctions mentales, cognitives ou psychiques ». Elles peuvent, en effet, avoir besoin d’aide pour planifier, exécuter… les activités nécessaires pour vivre dans un logement de manière autonome.

Le professionnel – ou le proche – aura, là, vocation à les accompagner dans la réalisation de ces tâches, sans les accomplir à leur place. Le besoin de soutien pourra aussi concerner les relations sociales : aider à s’adapter aux codes sociaux, par exemple.

La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) aura le droit d’accorder jusqu’à trois heures par jour, capitalisables sur douze mois*. En plus des heures attribuées au titre des éventuels autres besoins (surveillance…)

De nouveaux actes essentiels à prendre en compte

Enfin, le décret élargit la liste des actes essentiels de l’existence à prendre en compte. À l’entretien personnel (se laver, manger…), aux déplacements, à la participation à la vie sociale et aux besoins éducatifs, il ajoute, logiquement, la maîtrise du comportement et la réalisation des tâches multiples.

Le Collectif Handicaps, qui regroupe une cinquantaine d’associations, a « salué la publication tant attendue de ce texte ». Reste désormais, entre autres, à former les professionnels des MDPH pour que ce nouveau droit devienne effectif.

* Le bénéficiaire sera libre de répartir son temps comme il le souhaite sur une durée d’un an.

Un forfait pour la surdicécité

Le décret constitue également une avancée pour les quelque 6 500 Français atteints de surdicécité. Ce handicap rare se caractérise par la combinaison d’une déficience visuelle et d’une déficience auditive.

Ces personnes ne pouvaient pas toujours accéder aux forfaits d’aide humaine pour la cécité ou la surdité existants dans le cadre de la PCH. Surtout, elles n’avaient pas la possibilité de les cumuler.

Le texte prévoit la création d’un nouveau forfait d’aide humaine destiné spécifiquement aux personnes sourdaveugles. En fonction de la sévérité de leurs atteintes, elles auront automatiquement droit à 30, 50 ou 80 heures d’aide humaine par mois. Mais si leurs besoins le justifient, elles pourront bénéficier de plus de 80 heures.

Publié le 21 avril 2022
Par Franck Seuret