La cohabitation entre piétons et cyclistes n’est pas toujours harmonieuse dans les artères piétonnes à Montréal. Mais la présence de scooters et autres petits véhicules électriques est jugée particulièrement problématique cette année, à tel point que plusieurs sociétés de développement commercial (SDC) voudraient les voir rester en dehors de leurs artères piétonnes.
En 2021, les SDC de l’avenue du Mont-Royal et de la promenade Wellington avaient décidé d’autoriser la circulation des vélos dans les artères piétonnisées. Et pour calmer les ardeurs de certains amateurs de vitesse, une « zone lenteur » avait été décrétée.
Certains délinquants à vélo continuent d’y sprinter à l’occasion, et les piétons sont nombreux à s’en plaindre sur les réseaux sociaux. Mais le problème qui préoccupe le plus la SDC de l’avenue du Mont-Royal cette année est la présence de cyclomoteurs, de trottinettes et de planches électriques. Même les vélos à assistance électrique posent parfois problème, estime le directeur général de la SDC, Claude Rainville. « Les mobylettes et les scooters n’ont pas d’affaire sur une rue piétonne. À mon avis, il faut revoir ça », dit-il.
Aucun accident n’a été rapporté sur l’avenue du Mont-Royal, mais les observations de M. Rainville sur le terrain lui font dire que des solutions doivent être discutées avec l’arrondissement. Il montre aussi du doigt les livreurs d’entreprises comme Uber Eats et DoorDash qui, à vélo ou à scooter, ne font pas trop de cas des règles de civisme, dit-il.
Le d.g. de la SDC de la promenade Wellington, Patrick Mainville, croit lui aussi que les scooters n’ont pas leur place dans les artères piétonnes. « Je ne comprends pas ce qui peut passer dans l’esprit de quelqu’un de décider d’aller rouler sur la rue Wellington et de risquer de blesser un enfant. Ça me dépasse. »
Un flou législatif
Interdire les véhicules à propulsion électrique dans les artères piétonnes n’est pas si simple, car ceux-ci ne sont pas réglementés à l’heure actuelle, signale Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec.
Un comité de travail sur la micromobilité a été mis sur pied par le ministère des Transports du Québec pour mieux encadrer ces modes de transport et les intégrer au Code de la sécurité routière, mais les résultats de ces travaux se font toujours attendre, dit-elle. Une mise à jour du Code permettrait de définir chaque type de véhicules et de déterminer où ils ont droit de circuler et à quelle vitesse, précise Mme Cabana-Degani. « En ce moment, le flou entretenu autour de ces véhicules fait en sorte que la cohabitation est difficile. »
Mais ce n’est pas tout. Le statut des rues piétonnes tarde à être précisé. « La rue piétonne n’existe pas dans le Code de la sécurité routière. Quand une ville ferme une rue, ça devient une “place publique”. Ce n’est plus un chemin public. Donc, ce n’est plus encadré par le Code de la sécurité routière. Ça fait en sorte que les policiers peuvent difficilement intervenir concernant les règles de circulation », explique la dirigeante de Piétons Québec.
« Si on veut que les rues piétonnes soient pérennisées et qu’elles se multiplient à Montréal et ailleurs au Québec, on doit encadrer et réglementer la façon dont la cohabitation doit se faire. »
La cohabitation piétons-cyclistes
Bien que la présence de cyclistes exaspère bien des piétons, la cohabitation avec eux n’est pas aussi conflictuelle qu’on pourrait le penser, ont conclu des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et de Polytechnique Montréal. L’été dernier, ils ont mené des observations sur certains tronçons de l’avenue du Mont-Royal, de la rue Wellington et de la rue Bernard, en plus d’analyser des images vidéo de déplacements de piétons et de cyclistes.
« La conclusion, c’est que la cohabitation se passe plutôt bien. Selon les données recueillies, il n’y a pas eu beaucoup de cas très problématiques d’interactions dangereuses entre les piétons et les cyclistes », explique Marie-Soleil Cloutier, professeure à l’INRS. « Les observations montrent qu’à peine 30 % des cyclistes étaient trop proches des piétons — soit à moins de deux mètres. Et quand un cycliste était à proximité du piéton, la plupart du temps, c’était le cycliste qui changeait sa trajectoire. »
« Évidemment, un vélo qui va trop vite, ça frappe l’imaginaire », poursuit-elle. « Visiblement, c’est de lui qu’on se souvient, et non des 14 cyclistes qui ont passé avant, mais qui ont fait ça comme du monde. »
L’an dernier, la promenade Ontario avait interdit la présence des vélos dans l’artère piétonnisée, mais selon le d.g. de la SDC d’Hochelaga-Maisonneuve, Patrick Legault, les cyclistes qui s’y aventuraient avaient alors tendance à y rouler rapidement, de crainte de se faire intercepter. La SDC a finalement autorisé leur présence cette année. « La situation reste problématique, mais elle est beaucoup mieux contrôlée », indique M. Legault. « La majorité des cyclistes font attention. Le concept de “zone lenteur” est plus efficace et plus sécuritaire, je trouve. »
Selon le p.-d.g. de Vélo Québec, Jean-François Rheault, les cyclistes se doivent d’avoir un comportement « exemplaire ».
« Pour nous, c’est clair que sur les rues piétonnes, les cyclistes sont des invités. C’est un privilège d’être là, et ça vient avec des responsabilités. Et ces responsabilités, c’est qu’en aucun temps [les cyclistes] surprennent les piétons ou leur fassent peur. »