La réadaptation d’Aldric Vincent, une photo à la fois

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Dominique Perron collaborait depuis un moment déjà avec l’organisme Moelle épinière et motricité Québec (MÉMO-Qc) lorsqu’elle a eu l’idée d’utiliser la photo pour mieux faire connaître la réalité des personnes en situation de handicap. Pendant deux ans, elle a suivi avec sa lentille le parcours d’Aldric Vincent, dont elle présente les grands défis comme les petites victoires dans une exposition baptisée L’odyssée d’une réadaptation, jusqu’au 13 août, à la bibliothèque de Chicoutimi.

La photographe ne connaissait pas vraiment cette réalité avant de mettre ses talents aux services de MÉMO-Qc, tantôt pour les assemblées annuelles, tantôt pour des activités de saut en parachute ou de plongée sous-marine organisées pour les membres. Mais elle avoue avoir beaucoup appris au fil de ces expériences.

« Ça m’a permis de démystifier certaines choses. […] Ce n’est pas parce que les gens sont mal intentionnés, mais on a tous des préjugés, des tabous, malheureusement, face au handicap », souligne Dominique Perron.

Devant son intérêt d’amener encore plus de gens à s’y familiariser, l’organisme, qui célèbre cette année son 75e anniversaire, lui a suggéré de se lancer dans un projet de reportage à travers lequel elle suivrait une personne lésée médullaire dans l’ensemble des étapes de sa réadaptation, jusqu’au retour à une autonomie fonctionnelle.

Une belle rencontre

Ils allaient trouver un candidat idéal en Aldric Vincent. Celui qui a vu sa vie chamboulée à l’été 2018 par un accident de voiture qui l’a laissé tétraplégique en était alors aux premiers pas de son processus à l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal, et il se trouve à être un passionné de photo, lui aussi.

De là est née une collaboration qui allait vite se transformer en amitié.

« Ce n’était plus une affaire de simplement accepter qu’elle soit là, c’était plutôt un soutien qu’elle m’apportait et une amitié qui s’est créée tout au long de ma réadaptation », raconte-t-il.

Cet intérêt commun pour la photo alimentait d’ailleurs leurs échanges et permettait à Aldric Vincent de penser à autre chose que la prochaine séance de physio ou d’ergothérapie, tout au long d’un parcours où les embûches physiques et psychologiques étaient nombreuses.

Dominique Perron a tenté de capturer ces embûches, en même temps que les victoires, avec son appareil, question de susciter un début de réflexion. « On n’aura pas toutes les réponses à l’exposition, mais ça permet de faire tomber des tabous, des préjugés, et d’ouvrir un dialogue pour qu’on leur fasse une place plus grande dans notre société », explique la photographe.

Un impact positif

Son sujet pour L’odyssée d’une réadaptation croit qu’elle a su trouver les bonnes images pour rendre compte de son épreuve, avouant avoir été très ému en voyant le résultat final.

« C’est sûr que ça vient me chercher un peu. La première fois que ç’a été mis en place, beaucoup de souvenirs sont remontés, mais je suis content. Dominique a su transmettre des émotions dans ses photos, parfois de douleur, de souffrance, mais aussi de joie, de victoire, de la reprise du goût au quotidien et à la vie normale », insiste Aldric Vincent.

Il dit avoir reçu des échos positifs, autant de personnes en pleine réadaptation et de leurs proches que de gens qui ne sont pas touchés de près par le handicap. « Qu’ils arrivent à mettre un mot sur ça et à faire tomber des barrières, des inquiétudes, ou simplement de la méconnaissance, c’est déjà une belle victoire. »

Anciennement dans le monde de la restauration, l’homme de 40 ans a aujourd’hui une chaîne YouTube, Mtl en roue libre, sur laquelle il « dédramatise le quotidien d’un tétraplégique » et teste l’accessibilité universelle des lieux autour de lui.

L’exposition L’odyssée d’une réadaptation est accrochée aux murs de la bibliothèque de Chicoutimi jusqu’au 13 août.

Publié le 01 juillet 2022
Par Marc-Antoine Côté