Au lendemain du premier débat des chefs, la directrice de santé publique de Montréal, Mylène Drouin, réclame aux futurs dirigeants du Québec le déploiement de mesures de prévention et de promotion de la santé « qui ont fait leurs preuves » pour aider les aînés à maintenir leur autonomie et à aspirer à une vie saine et active.
Dans une lettre ouverte publiée dans les journaux qu’elle signe en compagnie de quatre collègues médecin spécialiste, gériatre et ergothérapeutes, Mme Drouin souligne qu’à l’heure où les débats tournent surtout autour des CHSLD, des hôpitaux ou des maisons des aînés, environ 90 % des personnes âgées du Québec vivent à domicile.
C’est pourquoi les signataires de la lettre exhortent le prochain gouvernement à « prioriser la prévention et la promotion de la santé chez les personnes aînées, à favoriser leur inclusion dans la société et à investir aujourd’hui pour limiter les coûts de santé de demain ».
Expliquant que le vieillissement de la population s’accélère au Québec, Mylène Drouin souligne que l’on comptera près d’un demi-million de personnes de 65 ans et plus à Montréal d’ici 2041.
Or, c’est aussi à Montréal que les conditions de vie des aînés sont les plus précaires non seulement au Québec, mais également parmi les grandes villes canadiennes, soutiennent les signataires, notamment en termes d’isolement.
« Elles sont plus nombreuses à vivre seules et dans la pauvreté, avec un soutien social insuffisant. Elles sont davantage locataires et issues de l’immigration. Combinés à l’effet de l’âge, ces facteurs de vulnérabilité accroissent les risques de maladies et d’incapacités », estiment Mme Drouin et ses collègues.
Et la pandémie n’a en rien amélioré les choses.
Solitude et isolement
« Nos études montrent que plus du tiers des personnes aînées ont rapporté une détérioration de leurs capacités physiques ou mentales pendant la pandémie, et ce, surtout chez les plus âgées (85 ans et plus). »
Au moins 30 % des aînés montréalais vivent seuls, selon les données de la DRSP.
La pandémie a également intensifié les stéréotypes et la discrimination dont les personnes âgées sont généralement la cible, déplorent les auteurs de la lettre, qui évoquent des recherches démontrant que l’âgisme a des conséquences importantes sur la santé physique et mentale des aînées.
Développer des « réseaux bienveillants »
Afin d’améliorer les conditions de vie des aînés en favorisant leur inclusion dans la société et leur procurant des soins et services de proximité, les signataires de la lettre identifient cinq priorités où le prochain gouvernement doit selon eux investir.
L’une d’elles est la mise sur pied de « réseaux bienveillants » autour des personnes âgées, principalement celles qui vivent seules.
Soutenus par les organismes communautaires, les services municipaux et les services de première ligne de la santé et des services sociaux, ces réseaux de proximité permettent de « mobiliser l’entourage des personnes aînées (famille, amis, voisins, services) à l’échelle des quartiers pour répondre rapidement aux besoins de la vie quotidienne et assurer un accompagnement ».
Il s’agit, selon la Dre Drouin, qui répondait ce matin aux questions de l’animateur Patrick Masbourian à Tout un matin, de bâtir un réseau de « sentinelles » en travaillant à rassembler des organismes et des gens qui côtoient les aînés au quotidien pour œuvrer le plus près possible de ces personnes, « un peu comme on le fait avec la prévention du suicide ».
« Un peu comme lors des chaleurs extrêmes on dit aux gens : « appelez vos voisins si vous connaissez quelqu’un de vulnérable ». C’est vraiment de bâtir cette solidarité à l’échelle des quartiers. » – Dre Mylène Drouin, directrice de santé publique de Montréal
Mme Drouin et ses collègues estiment qu’il faut également travailler à augmenter le revenu disponible des aînés, dont plusieurs doivent vivre avec peu de moyens à l’heure où les prix des loyers, de l’énergie et de l’épicerie flambent. Il est par ailleurs important, selon eux, de faciliter le maintien en emploi des 65 ans et plus non seulement pour améliorer leurs revenus, mais pour les garder actifs et davantage inclus dans la société.
Ils demandent également davantage de logements sociaux et abordables de qualité, situés à proximité de services intergénérationnels et adaptés aux besoins des aînés.
Mme Drouin et ses collègues recommandent aussi d’inclure davantage les aînés « dans les prises de décision qui les concernent en les considérant comme des partenaires ayant une expérience et une expertise riches ».
La lettre publiée dans plusieurs quotidiens, dont le Journal de Montréal et Le Devoir, est signée par :
- La Dre Mylène Drouin, directrice de santé publique de Montréal
- La Dre Paule Lebel, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive
- Le Dr Réjean Hébert, gériatre et médecin-conseil en santé publique
- Barbara Fillion, ergothérapeute en santé publique
- Marie-Chantal Gélinas, ergothérapeute en santé publique