« Un jeu vidéo bien conçu, c’est un jeu qui est accessible », a affirmé Laurence Kennedy, qui dirige le studio Shedbuilder Games, lors d’une conférence du festival vidéoludique montréalais MEGAMIGS mercredi portant sur les leçons de l’accessibilité dans l’industrie.
« Intégrer à part entière des fonctions d’accessibilité dans les jeux, ce n’est pas juste une question de pérennité, ça permet aussi de sauver du temps et de l’argent pour les développeurs », a insisté Laurence Kennedy, qui a travaillé sur le jeu vidéo Radio.play, entièrement accessible aux personnes aveugles.
Améliane F. Chiasson, responsable de l’accessibilité des jeux vidéo pour le studio Eidos Montréal, abonde en ce sens : « L’un des plus grands apprentissages que j’ai eu ces deux dernières années à travailler dans cette branche est qu’il faut planifier des mesures dès le début de la conception du jeu. »
Pour elle, la tâche se complique davantage lorsqu’on souhaite ajouter des fonctions d’accessibilité dans un titre déjà entamé, voire déjà publié.
« Si tu espères trouver la fonctionnalité qui va toute réparer tes problèmes d’accessibilité, c’est très difficile », souligne Steve Saylor, instavidéaste et joueur aveugle.
L’importance des consultants
Il faut impliquer une équipe qui se consacre à l’accessibilité dès les balbutiements de la conception d’un jeu, certes, mais pas n’importe comment. Améliane F. Chiasson a martelé lors de la conférence l’importance de consulter des personnes handicapées, et de faire tester certaines fonctionnalités auprès du public ciblé.
« C’est immanquable. Si on ne mène pas de tests, des internautes vont se moquer en ligne de certains choix d’accessibilité qui ont été faits. » – Améliane F. Chiasson
L’instavidéaste Steve Saylor en fait l’un de ses chevaux de bataille. Lors de ses diffusions sur la plateforme de vidéo en continu Twitch, il n’hésite pas à critiquer les jeux qui font peu d’efforts à ce niveau.
« En mars 2021, je jouais à Call of Duty, et j’avais vraiment de la difficulté. J’ai donc dit : « Call of Duty est probablement le jeu le moins accessible de toute l’industrie » », raconte-t-il.
Une personne qui regardait la diffusion l’a mis en contact avec l’éditeur du jeu, Activision-Blizzard. Il a ensuite décroché un contrat de consultant afin d’améliorer l’accessibilité du jeu.
« Je dois utiliser ma tribune en ligne pour dénoncer ces situations. Les contenus que je crée peuvent servir à changer les choses. […] Tu ne sais jamais qui regarde tes vidéos. » – Steve Saylor
Des fonctions utiles pour tout un chacun
Les fonctionnalités d’accessibilité des jeux vidéo ne s’adressent pas qu’aux personnes handicapées. Pour Steve Saylor, afficher les dialogues à l’écran l’aide à se rappeler des noms des personnages, ce qui profite à tout le monde.
L’instavidéaste critique toutefois les développeurs de jeux vidéo qui choisissent des polices de caractères trop petites, « un problème qui n’a plus sa raison d’être en 2022 », a-t-il affirmé, ajoutant que la communauté de joueurs et joueuses est remplie d’adultes vieillissant avec une moins bonne vision.
« Faites le test. Si vous vous positionnez à quelques mètres de votre écran de télévision et que vous avez du mal à lire le texte, imaginez les personnes avec un handicap visuel », dénonce-t-il.
« Notre audition va empirer, notre coordination aussi. Ce qu’on veut, c’est d’être capable de continuer à jouer aux jeux vidéo même en gagnant en âge. » – Steve Saylor
Steve Saylor fait aussi remarquer les effets positifs de pouvoir jouer avec les contrastes de couleur d’un jeu, au-delà des personnes daltoniennes : « J’ai des proches qui n’ont pas de handicap qui utilisent les fonctions de contrastes. C’est un outil qui aide à mieux voir les objets avec lesquels on peut interagir dans un jeu. »
Laurence Kennedy souligne pour sa part que la simple possibilité de pouvoir changer les actions de chaque bouton sur une manette de jeu en fait beaucoup pour l’accessibilité, et peut améliorer le confort de quiconque joue à des jeux vidéo.
Des attentes réalistes
Les ambitions en accessibilité d’un jeu vidéo doivent tout de même rester réalistes, selon Améliane F. Chiasson.
« Il faut garder en tête qu’on ne peut pas rendre accessible à vraiment tous les joueurs et joueuses les jeux vidéo. » – Améliane F. Chiasson
« Ce n’est tout simplement pas réaliste. Il faut prioriser, et ça fait partie du processus de l’admettre », indique-t-elle.
Parmi les bons coups récents de l’industrie du jeu vidéo, les panélistes encensent la série The Last of Us.
« Je crois que The Last of Us marque la fin des balbutiements de l’accessibilité dans les jeux vidéo. » – Améliane F. Chiasson
« Maintenant, pratiquement tous les studios de jeux vidéo pensent à l’accessibilité lors de la création d’un titre », ajoute-t-elle.
On a également louangé Xbox, qui a créé des lignes directrices en matière d’accessibilité, offertes gratuitement sur son site.