La musique est utilisée pour apaiser la douleur depuis plusieurs années. Mais un simple bruit pourrait-il suffire ? Peut-être : l’écoute d’un faible son 20 minutes par jour diminue la douleur chez les souris, selon un article paru en juillet dernier dans la revue Science.
Dès les années 1960, un groupe de dentistes avait rapporté que des sons pouvaient soulager les patients. « Après, c’est tombé dans l’oubli, car on pensait que c’était dû à la distraction et que la musique était plus efficace », raconte Mathieu Roy, professeur au Département de psychologie de l’Université McGill.
Mais selon Wenjie Zhou, de l’Université des sciences et technologies de Chine, et ses 13 coauteurs, un simple bruit blanc − un shhh continu semblable au son d’une chute d’eau − est aussi opérant que la musique… du moins chez les souris ! Cet effet analgésique serait attribuable à la stimulation sonore comme telle et non aux émotions positives ou à la réduction du stress comme c’est le cas pour la musique. Il ne serait pas non plus dû à la distraction, puisqu’il persiste deux jours après l’exposition au son.
Comment le bruit agit-il ? Sons et douleur sont perçus dans le néocortex, la couche externe du cerveau. Mais les signaux sensoriels en provenance des neurones doivent d’abord transiter par le thalamus. Logé au cœur du cerveau, ce petit centre nerveux « agit comme une gare de triage qui achemine le bon stimulus sensoriel au bon endroit », explique Mathieu Roy, qui n’a pas participé à l’étude. L’activation du cortex auditif inhibe la transmission des signaux de douleur par le thalamus, a démontré l’équipe chinoise ; la douleur est donc ressentie moins intensément.
Pour que cela fonctionne, il faut un son légèrement plus fort que le bruit ambiant (cinq décibels de plus). Un son trop fort ne produit aucun effet.
Dans un article qui accompagne l’étude, des chercheurs allemands émettent l’hypothèse qu’un mécanisme de survie est en jeu. Imaginons une souris blessée à la patte qui entend un bruit à proximité : pour fuir, elle gagnera à ne pas avoir trop mal !
Anne-Marie Pinard, spécialiste du traitement de la douleur chronique et chercheuse au CHU de Québec-Université Laval, est intriguée. « C’est tout à fait différent de ce que j’ai vu avant. Mais un mécanisme comme celui-là pourrait-il se gripper avec le temps ? » C’est à voir. Il y a aussi le risque que l’écoute régulière d’un son finisse par devenir stressante…
Si l’étude n’aura « pas de retombées demain matin pour les patients », selon la chercheuse, elle ouvre de nouvelles pistes de recherche. Puisque le son n’agit pas de la même manière que la musique ou que les opioïdes, les approches pourraient être combinées. Une avenue intéressante alors que même les médicaments jugés « efficaces » n’arrivent à diminuer la douleur chronique que de 30 %.