Le théâtre inclusif fleurit au Québec

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Plusieurs initiatives théâtrales québécoises soutiennent la réadaptation et l’intégration de personnes vivant avec un handicap. En donnant la réplique sur les planches, elles ont la chance de retrouver leur estime d’elles-mêmes et de se forger une vie plus autonome.

Isabelle Côté se destinait à une carrière en enseignement de l’art dramatique dans les écoles secondaires. Jusqu’au jour où son amie Anne-Marie Théroux, fondatrice du Théâtre aphasique, lui demanda un coup de main pour offrir des ateliers de théâtre aux personnes aphasiques.

Principalement causée par un accident vasculaire cérébral (AVC), l’aphasie est un trouble acquis de la communication causé par une lésion des zones spécifiques du langage dans le cerveau. Elle peut affecter la capacité de parler, de comprendre, mais aussi de lire et d’écrire. « L’aphasie est plus qu’un problème de langage, c’est un problème de communication. C’est comme si on ne reconnaissait plus notre langue », résume Isabelle Côté, directrice générale et artistique du Théâtre aphasique.

Les participants aux ateliers d’Isabelle Côté et de ses collègues ont pour la plupart déjà entamé un travail en orthophonie et en ergothérapie. Beaucoup de comédiens aphasiques disent retrouver le plaisir de communiquer. À force d’apprendre des textes, les participants arrivent à mieux communiquer avec leur entourage et se sentent par conséquent moins isolés. « Poursuivre leur réadaptation en faisant du théâtre, c’est un geste de réappropriation de leur vie. Ils se dotent de nouveaux défis et renouvellent par la même occasion leur estime d’eux-mêmes », souligne Isabelle Côté.

Des acteurs épanouis

Le théâtre ensoleille également la vie d’enfants ayant des troubles d’audition à Québec. La Fondation Sourdine organise depuis 23 ans une pièce de théâtre mettant en vedette une cinquantaine de jeunes âgés de 4 à 17 ans qui fréquentent l’École oraliste de Québec pour enfants malentendants ou sourds. Ils vivent tous avec d’importants troubles de l’audition, de la parole et du langage.

Cette année, la pièce Ici, maintenant, ensemble !, qui sera présentée le mercredi 10 mai au théâtre Capitole, a été spécialement écrite pour ces jeunes par l’autrice, metteuse en scène et enseignante Amélie Plaisance. L’oeuvre se veut une prise de conscience à saveur humoristique sur l’omniprésence des écrans dans nos échanges sociaux.

Sandra Ferguson, directrice générale de la Fondation Sourdine, s’émerveille aussi des bienfaits de se produire au théâtre sur l’estime de soi : « Le processus est réalisé avec tant de plaisir et de respect que les jeunes sentent qu’ils peuvent vivre des succès et s’épanouir malgré leur handicap. C’est émouvant de voir leur détermination et leur courage sur les planches d’un théâtre professionnel devant plus de 400 personnes, alors que dans le passé, ils étaient écartés de telles activités. »

Un tremplin de réintégration

Le Théâtre aphasique a donné ses premiers ateliers virtuels durant la pandémie. Toujours populaires, les rencontres se concentrent sur la stimulation du langage par la lecture à voix haute. Elles ont permis à plusieurs participants ayant une aphasie légère de retourner sur le marché du travail ou aux études. Les exercices leur donnent la chance de recommencer à parler à voix haute et de retrouver l’émotion et l’intonation naturelle de leur voix.

De la même manière dont les personnes aphasiques cherchent à renouer avec les autres, les enfants qui passent la porte de l’École oraliste ne sont pas là pour rester en marge de la société. « 89 % des jeunes qui sont passés chez nous ont réintégré l’école ordinaire ou sont en voie de diplomation », estime Sandra Ferguson, selon qui on peut sauver la vie de ces jeunes. « Le théâtre leur permet de voir que c’est possible, malgré leur handicap, de rêver grand et de vivre des succès, pas seulement des échecs », dit-elle.

Pour les spectateurs aussi

Le Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain (RAAMM) a désigné le Théâtre du Rideau vert comme son coup de coeur 2023 pour son programme d’accessibilité universelle, qu’il qualifie de « novateur » et de « pionnier ». Le Théâtre du Rideau vert propose notamment pour sa saison actuelle des soirées de théâtrodescription. La technique consiste à décrire oralement, et en direct, les éléments visuels et sensoriels d’un spectacle pour en faciliter la compréhension. Le vocabulaire est choisi avec soin afin de susciter l’émotion et nourrir l’imaginaire.

Plus tôt cet hiver, la Maison Théâtre a également rejoint le mouvement inclusif avec des représentations sensoriellement adaptées (RSA). Celles-ci s’adressent notamment aux personnes vivant avec un trouble du spectre de l’autisme, un trouble d’intégration sensorielle, un trouble d’apprentissage, un trouble anxieux ou qui ne sont simplement pas à l’aise avec les conventions classiques du théâtre. Certaines modifications sont apportées afin de créer un environnement calme et adapté à l’hypersensibilité, comme un éclairage tamisé, des niveaux de décibels réduits ou l’ajout de distanciation physique.

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

Publié le 25 mars 2023
Par Charlotte Mercille, Collaboration spéciale