La journée figurait depuis longtemps dans l’agenda des jeunes athlètes qui ont pris d’assaut le complexe Claude-Robillard pour le coup d’envoi officiel du 40e Défi sportif AlterGo, lundi, à Montréal. Des centaines d’enfants heureux de se retrouver pour vivre, ensemble, leur amour du sport, sans se sentir différents.
Isabelle Roy est bien placée pour comprendre l’importance que peut avoir ce rendez-vous sportif pour ces jeunes. La physiothérapeute au CISSS des Laurentides en est à sa neuvième participation à titre d’accompagnatrice.
Pour eux, c’est une journée durant laquelle ils peuvent s’accomplir, où c’est eux qui sont les vedettes. Parce que le reste du temps, nos jeunes veulent s’impliquer dans des loisirs ou des sports, mais ils ne peuvent pas, explique-t-elle aux côtés de son jeune protégé, Édouard, qui affiche un magnifique sourire, marionnette à la main.
Aujourd’hui, c’est leur journée, ce sont eux qui sont là, qui gagnent les médailles. Et ça, c’est génial, ajoute-t-elle. Pour nous, ça nous aide à donner un sens à tout ce qu’on fait, quand on travaille avec eux pour qu’ils puissent marcher, pour qu’ils puissent courir. Pour nous, c’est une source d’inspiration.
Même son de cloche pour Adam Marotière, athlète en fauteuil roulant, qui a franchi le fil d’arrivée sous les applaudissements de la foule et de son père, Marcelin, fier de l’effort déployé par son garçon.
C’est merveilleux parce que mon fils peut rencontrer d’autres enfants comme lui. C’est merveilleux pour lui, pour nous, et c’est un événement à apprécier et à encourager, indique-t-il.
L’année prochaine, on va essayer de mieux se préparer pour avoir un meilleur rendement, ajoute le père, en riant.
Le Défi sportif AlterGo offrira un cadre sportif accessible à plus de 6000 jeunes qui viendront se mesurer dans une multitude d’épreuves. Le mini-marathon de catégorie scolaire, tenu vendredi, a d’ailleurs lancé la programmation. Athlètes amateurs et d’élite se côtoieront pendant ces 10 journées de compétitions.
Plaisir partagé
Porte-parole depuis 2002, Jean-Marie Lapointe avait hâte de revivre la haie d’honneur formée par les bénévoles pour accueillir les participants. Il y avait de l’excitation, j’étais même ému je te dirais, parce qu’enfin, on se gâte, a-t-il confié après s’être nourri des sourires des centaines de jeunes qui ont pris d’assaut le centre sportif montréalais.
Comme il aime le répéter, c’est avant tout pour les enfants qu’il revient chaque année, mais pas que pour eux. Il y a une part d’égoïsme là-dedans, avoue-t-il. Quand tu es bénévole ou quand tu travailles pour AlterGo, tu le sais que tu t’en vas passer la plus belle semaine de ton année.
Surtout, il sait que les prochains jours revêtiront un caractère bien spécial pour ces athlètes qui affrontent leurs principaux défis au quotidien.
C’est la plus belle semaine de notre année, pour ces jeunes-là et pour moi, mais qu’est-ce qu’on fait des 51 qui restent? Les autres semaines, comment traite-t-on ces gens-là qui ont des limitations? Je ne suis pas sûr qu’on les traite en héros et héroïnes comme on fait ici.
« J’espère que quand on les bourre d’amour, d’énergie et d’applaudissements, ça va les aider à surfer pour les semaines un peu plus difficiles. »
— Une citation de Jean-Marie Lapointe, porte-parole du Défi sportif AlterGo
C’est que la pandémie n’a pas épargné l’événement, fondé en 1984 par Monique Lefebvre. Annulé en 2020, le Défi sportif est revenu dans une mouture édulcorée, en mode hybride. Avec les dernières éditions, à cause de la pandémie, on s’est adaptés. Et s’il y a un monde qui peut nous montrer comment nous adapter, ce sont bien les gens qui ont des limitations fonctionnelles.
Vivement la 40e édition, qui accueille cette année près de 6000 jeunes, et qui retrouve un volet international, avec la présentation de la Coupe du monde de boccia, ainsi que des parties de parahockey et de basketball en fauteuil roulant.
Lorsqu’on évoque ce 40e anniversaire, Jean-Marie Lapointe aime se rappeler le chemin parcouru par cette classique annuelle, qui a su rallier à sa cause les médias et les intervenants qui œuvrent auprès des clientèles handicapées. Et lorsqu’on lui demande de rêver à l’avenir de l’événement, c’est vers la neige qu’il tourne ses ambitions.
Est-ce qu’on pourrait imaginer un Défi sportif d’hiver? Est-ce qu’on pourrait imaginer une portion de l’année où on a des disciplines hivernales dans le Défi sportif AlterGo? Pourquoi pas? Par contre, il faut que j’en parle à Maxime Gagnon, et à l’équipe, parce qu’ils sont déjà brûlés tight quand ils commencent le Défi sportif […] On est un pays d’hiver, on est au Québec. Ça, ce serait une folie.
Chantal Petitclerc, aussi porte-parole de l’événement, a appris à ne pas fixer de limites à ses rêves lorsqu’il est question du Défi sportif AlterGo. Elle connaît l’ambition des gens dévoués qui œuvrent dans l’ombre de cet événement qui ne cesse d’inspirer une jeune relève négligée.
Je ne sais pas c’est quoi mon rêve, mais je sais qu’il va se réaliser, parce que la grande force du Défi sportif, c’est que chaque année, ils se dépassent, répond-elle en riant. Chaque année, ils essaient quelque chose de nouveau, et ils sont incroyables à ce niveau-là […] Ils n’arrêtent jamais et ça, je trouve que c’est vraiment la marque des grands leaders qui ne se disent pas : « Bon ben ç’a bien été, nos commanditaires sont là, pourquoi on ne refait pas la même chose l’année prochaine? »
De la parole aux actes
Le Défi sportif est un modèle extraordinaire pour le gouvernement, qui fait de l’accessibilité son principal cheval de bataille. Un jeune, peu importe sa situation, doit pouvoir pratiquer un sport, soutient la ministre Isabelle Charest, mais tous ne profitent pas d’installations sportives adaptées aux besoins des clientèles en situation de handicap.
C’est ma grande priorité de donner accès au sport et à l’activité physique à toutes les clientèles, et ce par différentes mesures. Je pense aussi au parascolaire, qui est financé, donc qui est accessible à toutes les clientèles. On peut en faire plus et on continue d’en faire davantage, mais c’est important que toutes les clientèles aient accès aux bienfaits que procure l’activité physique, reconnaît l’ex-patineuse de vitesse.
La sénatrice Chantal Petitclerc connaît bien le milieu politique, et elle connaît aussi très bien la réalité des gens en situation de handicap. L’accessibilité est aussi un enjeu au quotidien pour celle qui a remporté 21 médailles paralympiques, dont 14 d’or. Elle souhaite des engagements clairs des gouvernements pour une réelle amélioration de la situation au pays.
« Je pense qu’il faut faire plus qu’en parler. Il faut se demander si nos piscines municipales sont accessibles. Elles ne le sont pas, je vous le dis. Je veux y aller avec mon petit garçon et ce n’est pas accessible, et je suis une ancienne paralympienne […] Des exemples comme ça, je pourrais vous en sortir une centaine. Il faut que les gouvernements prennent leurs responsabilités et qu’ils fassent que l’accessibilité et l’inclusion ne soient pas que des mots-clés dans des communiqués de presse. Il faut que ça se transforme en actions et en investissements. »
— Une citation de Chantal Petitclerc, sénatrice et ex-paralympienne
L’idée serait d’étendre le modèle à l’ensemble de la province pour pallier les disparités dans l’offre de services dans les régions du Québec. Un circuit qui permettrait une saine compétition entre les jeunes et une occasion de propager le message d’inclusion et d’accessibilité pour les personnes nécessitant des besoins particuliers.
Au-delà des frontières du Québec, des provinces canadiennes s’intéressent aussi à l’événement et aimeraient bien reproduire le modèle sur leur territoire. Un intérêt qui réjouit le président et directeur général du Défi sportif AlterGo, Maxime Gagnon.
On a présentement des provinces qui nous demandent si c’est possible de faire des mini-Défis sportifs dans d’autres provinces. Et oui, on serait prêts à le faire, répond-il.
D’ailleurs, des représentants de la Colombie-Britannique passeront la semaine à Montréal pour assister aux épreuves et voir les coulisses du plus grand événement multisports au pays.
C’est que les organisateurs des Jeux Invictus, qui seront présentés à Vancouver et à Whistler en 2025, auraient des velléités d’ajouter un volet jeunesse à leur programmation, d’ordinaire réservée aux soldats blessés en situation de combat et qui doivent composer avec des limitations physiques. Ravi de l’idée, Maxime Gagnon voit encore plus grand.
On souhaiterait éventuellement avoir un circuit canadien pour des jeunes du milieu scolaire, afin qu’ils puissent voyager et vivre ce que c’est, explique-t-il. Imaginez un jeune qui peut prendre l’avion pour aller dans l’Ouest canadien ou dans les Maritimes, et qui revient avec un circuit peut-être provincial. Je pense qu’on s’en va vers ça éventuellement.
Le projet est ambitieux, mais l’organisation a prouvé depuis 1984 qu’elle est capable de beaucoup. D’ailleurs, les occasions de rêver seront nombreuses au cours des prochains jours, tant pour les athlètes que pour leurs parents.