Les banques alimentaires peinent à répondre à l’augmentation de la demande

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Selon Martin Munger, directeur général de Banques alimentaires du Québec, la demande en denrées a crû de 50 % depuis le début de la pandémie de COVID-19. C’est « du jamais-vu », dit-il.

Selon Statistique Canada, le prix des aliments achetés dans les magasins a augmenté de 9,7 % en mai, par rapport à il y a un an. « C’est énorme, et les gens ont de plus en plus de difficulté à se nourrir convenablement », déplore Martin Munger, directeur général de Banques alimentaires du Québec, où les effets de l’inflation se font de plus en plus sentir.

La demande s’est accrue de 50 % par rapport à une année normale, poursuit-il, c’est-à-dire avant la pandémie de COVID-19. Selon M. Munger, cette aggravation de la faim et de l’insécurité alimentaire est liée à l’indice des prix à la consommation (IPC), qui a augmenté de 8,1 % en juin, sur 12 mois.

Depuis des mois, les banques alimentaires répondent aux besoins d’un nombre croissant « de travailleurs à faible revenu », poursuit M. Munger. « Ce sont des gens qui ont des revenus d’emploi réguliers et qui, malgré ça, ne réussissent pas à joindre les deux bouts. »

Et il y a aussi les prestataires de l’assurance-emploi : « Avant, avec ce chèque, on pouvait y arriver, mais les gens n’y arrivent plus, c’est ce que nous disent ceux qui sont sur le terrain ».

Enfin, les étudiants y ont aussi recours, comme à Rimouski ou encore à La Pocatière, explique M. Munger.

« Les gens viennent de plus en plus dans les banques alimentaires pour compléter leur épicerie, et ils y viennent de plus en plus fréquemment aussi. C’est une grande détresse que vivent les ménages actuellement. » – Martin Munger, directeur général de Banques alimentaires du Québec

Mais voilà que les banques alimentaires elles-mêmes sont aux prises avec des difficultés : la hausse de l’inflation accroît leurs coûts d’exploitation. « On peut acheter moins de denrées pour le même dollar et le coût de l’essence – pour les camions transportant ces denrées – augmente aussi », dit Martin Munger.

De plus, la pénurie de main-d’œuvre, qui sévit dans tous les secteurs, n’aide pas. « Pour rester compétitives », les banques alimentaires ont amélioré les conditions de travail de leurs employés.

Mais contrairement aux commerces, qui peuvent accroître les prix pour absorber leurs pertes, les banques alimentaires ne peuvent augmenter quoi que ce soit. « On donne les denrées », fait valoir Martin Munger. « C’est une perte qu’on assume totalement. »

Entreprises, producteurs, transformateurs et supermarchés composent eux aussi avec la hausse du coût de la vie. Les dons en denrées aux banques alimentaires s’en ressentent. Ils gèrent mieux leurs stocks, ont moins de pertes et donnent donc moins aux banques alimentaires, explique M. Munger.

Dans ce contexte difficile, les dons en argent sont plus que jamais les bienvenus, dit-il.

« Ils prennent tout ce qu’on leur donne »

Maggie Borowiec, directrice du développement philanthropique de Moisson Montréal, appelle aussi la population à faire preuve de solidarité.

Car les temps sont durs pour cet organisme de bienfaisance qui approvisionne plus de 300 organismes communautaires en denrées. Là aussi, la demande est en hausse : « [Les organismes] prennent tout ce qu’on leur donne, il ne reste rien », dit-elle.

La mission première de ces organismes de quartier n’est pas forcément de combler les besoins alimentaires, explique Mme Borowiec. Ils s’occupent d’éducation, d’emploi ou d’intégration des immigrants. Leurs clientèles sont diverses : personnes âgées, personnes en situation d’itinérance, jeunes familles, etc.

Durant le premier trimestre de 2021 (avril-mai-juin), Moisson Montréal avait distribué un peu plus de 3,4 millions de kilogrammes de nourriture. Durant la même période cette année, l’organisme a distribué sensiblement la même quantité de denrées. Mais c’est insuffisant tant la demande est forte. « On n’a pas réussi à augmenter ce qu’on donne aux organismes », déplore Mme Borowiec.

Pour satisfaire les besoins, Moisson Montréal pige dans ses réserves, qui sont considérables : ses entrepôts comptent 484 palettes qui regorgent de produits. Mais ce garde-manger n’est pas inépuisable.

Moisson Montréal demande aux gros fournisseurs agroalimentaires de donner ce qu’ils peuvent. « L’été est un bon moment pour faire des dons, dit Maggie Borowiec, et non seulement dans le temps des Fêtes! Nos chauffeurs sont prêts à aller chercher les denrées. »

L’appel est aussi lancé aux épiciers. L’apport de ces derniers ne représente que 17 % des dons en nourriture faits à Moisson Montréal. Mais les supermarchés donnent de la viande, de précieuses protéines pour les ménages souffrant d’insécurité alimentaire. « On demande aux supermarchés de faire congeler la viande qu’ils ont en surplus, dit Mme Borowiec. Les quantités ne sont peut-être pas énormes, mais elles sont importantes. »

La faim, bien présente au pays

Selon le Bilan faim 2021, une étude menée par Banques alimentaires du Canada et publiée en juin dernier, les utilisateurs des banques alimentaires sont :

  • des enfants dans une proportion de 33 %;
  • des adultes vivant seuls dans une proportion de 46 %;
  • des bénéficiaires de l’aide sociale ou de mesures de soutien pour personnes handicapées dans une proportion de 50 %.

De plus, 23 % des Canadiens affirment manger moins qu’ils le devraient et 61 % estiment que le coût du logement est le principal facteur menant à l’insécurité alimentaire au pays.

« Cet été sera le plus difficile jamais connu par les banques alimentaires au Canada », prédit Kirstin Beardsley, chef de la direction de Banques alimentaires du Canada.

En mars 2021, les banques alimentaires canadiennes avaient enregistré plus 1,3 million de visites, une hausse de 20 % par rapport à mars 2019.

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Publié le 21 juillet 2022
Par Anne Marie Lecomte Avec les informations de Camille Ferensen