Alors qu’approche la date limite du 1er juin, à laquelle les grandes entreprises de télécommunications devront avoir soumis des rapports à l’organisme de réglementation fédéral au sujet de leurs efforts en matière d’accessibilité, les communautés sourdes, malentendantes, aveugles et malvoyantes du pays soutiennent que les opérateurs mobiles du Canada ne parviennent pas à répondre à leurs besoins.
En février, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a ordonné aux entreprises de téléphonie cellulaire de déposer chaque année, à compter de juin 2023, des rapports pour rendre compte de leurs consultations et de leurs offres de forfaits accessibles pour les personnes qui ont des besoins particuliers.
Bien que le Conseil n’estime pas qu’il soit nécessaire de réaffirmer les pouvoirs réglementaires qui lui ont été conférés, il s’attend à ce que les fournisseurs de services sans fil s’attaquent aux obstacles d’abordabilité existants pour les personnes handicapées en veillant à ce que les forfaits accessibles incluent des remises ou des allocations de données supplémentaires substantielles par rapport aux forfaits du marché de masse, ajoutait le CRTC dans une politique réglementaire adoptée cet hiver.
Les membres des communautés sourdes, malentendantes, aveugles et malvoyantes du Canada affirment qu’ils font face à de nombreux obstacles lorsque vient le temps de s’abonner à un forfait cellulaire, notamment en raison du coût des forfaits adaptés, de la façon dont les données cellulaires sont offertes et du processus pour vérifier l’admissibilité à ces forfaits spéciaux.
Le CRTC a donc reconnu qu’une action ciblée est nécessaire pour contribuer à garantir que les forfaits accessibles répondent davantage aux besoins des personnes handicapées, appelant les opérateurs à s’assurer que les politiques de limitation des données n’empêchent pas les applications d’accessibilité de fonctionner au besoin.
Les forfaits accessibles offerts par les principaux fournisseurs comme Rogers, Bell, Telus et Vidéotron prennent majoritairement la forme d’un rabais mensuel de 20 $ sur leurs forfaits grand public. Chaque entreprise fait aussi ses propres ajouts spéciaux, selon le CRTC.
D’autres mesures réclamées
Pour Lisa Anderson, qui est consultante en accessibilité des télécommunications au Comité pour les services sans fil des sourds du Canada, même si ces rabais sont un premier pas dans la bonne direction, les forfaits de données mobiles offerts aux personnes sourdes devraient tout de même aller au-delà de ceux qui sont offerts aux consommateurs de la population entendante.
Pour les personnes sourdes, sourdes-aveugles ou malentendantes qui utilisent le langage des signes, il existe une dépendance à la communication vidéo sur les réseaux sans fil, a‑t-elle expliqué, notant que les membres de ces communautés gagnent généralement moins d’argent que les personnes entendantes et sont donc moins susceptibles de pouvoir investir beaucoup d’argent dans leur forfait de cellulaire.
« Les personnes sourdes ont besoin d’avoir des forfaits avec plus de données sur le réseau sans fil et il doit y avoir de véritables forfaits de données illimités pour ce groupe socioéconomique. »
— Une citation de Lisa Anderson, consultante en accessibilité des télécommunications au Comité pour les services sans fil des sourds du Canada
Cette revendication est partagée par les Canadiens aveugles ou malvoyants, qui comptent sur les applications de navigation pour se déplacer, selon le directeur général du programme Venez travailler de la Fondation INCA, Thomas Simpson.
Il y a de plus en plus d’applications qui apparaissent sur le marché, ce qui est formidable, mais plus ces applications sont utilisées, plus elles consomment de données. C’est donc certainement un des plus gros obstacles pour la population malvoyante, a‑t-il souligné.
De son côté, la Coalition des sourds et des malentendants, qui compte des membres en Ontario, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador, croit que les forfaits accessibles devraient être plafonnés à 35 $ par mois et comporter des données illimitées, des appels vocaux et des messages texte sans frais de dépassement.
L’industrie ouverte à en faire plus
Dans un communiqué, l’Association canadienne des télécommunications s’est engagée à faire en sorte que les services sans fil soient accessibles à toutes les personnes, y compris les personnes handicapées.
Ses consultations menées auprès de l’industrie ont révélé qu’une approche unique, avec des forfaits minimaux obligatoires, n’était pas la bonne façon de procéder, selon son porte-parole, Nick Kyonka.
« Comme tous les Canadiens, les personnes handicapées sont mieux servies lorsque les fournisseurs de services sont en mesure d’offrir à leurs clients la possibilité de choisir parmi une variété de forfaits pour choisir celui qui répond à leurs besoins. »
— Une citation de Nick Kyonka, porte-parole de l’Association canadienne des télécommunications
Sondés par La Presse canadienne, trois grandes entreprises de télécommunications du pays ont mis en avant leurs offres déjà existantes pour les personnes malvoyantes ou malentendantes.
Chez Bell, on a vanté des rabais exclusifs sur les applications conçues spécifiquement pour les besoins d’accessibilité. Chez Rogers, on a souligné qu’une équipe se consacre entièrement aux besoins spécifiques de ces communautés. Chez Telus, on a parlé d’une association avec une organisation caritative de réadaptation et de défense des personnes handicapées.
Ces trois entreprises ont fait valoir leur réglementation qui permet aux clients de communiquer virtuellement et gratuitement par le truchement d’un interprète en langage des signes et sans que les données soient prises en compte dans leur allocation mensuelle.
Dans sa décision de février, le CRTC a indiqué qu’il y avait 14 453 abonnés à des forfaits accessibles pour tous les opérateurs canadiens, un chiffre qu’il considère comme nettement inférieur à ce à quoi on aurait pu s’attendre, puisque l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017 a révélé qu’environ un Canadien sur cinq se désigne comme ayant un handicap, soit plus de six millions de personnes.