Les personnes handicapées vivraient plus d’insécurité alimentaire

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Une nouvelle étude de Statistique Canada indique que les personnes handicapées sont deux fois plus susceptibles de vivre dans des ménages en situation d’insécurité alimentaire que les personnes sans incapacité.

Le rapport, publié mercredi, s’appuie sur les données de l’Enquête canadienne sur le revenu de 2021. Il révèle que 26,4 % des répondants handicapés ont connu un certain niveau d’insécurité alimentaire, contre 12,5 % des personnes sans handicap.

Pour Rabia Khedr, directrice nationale du mouvement « Le handicap sans pauvreté », cette étude met des chiffres sur un phénomène social qu’elle déplore depuis longtemps. Mme Khedr croit même qu’avec l’augmentation du coût de la vie, la situation pourrait être devenue encore plus désastreuse au cours des années qui ont suivi cette collecte des données de 2021.

Statistique Canada a déclaré que l’insécurité alimentaire peut aller de « marginale » — la peur de manquer de nourriture ou un choix limité d’aliments en raison d’un manque d’argent — jusqu’à « grave » — sauter des repas, réduire sa consommation alimentaire et, dans les cas extrêmes, ne pas se nourrir pendant une journée ou plus.

Les personnes qui ont une incapacité liée à l’apprentissage, à la mémoire, à la cognition ou à la vision sont les plus susceptibles d’avoir un certain niveau d’insécurité alimentaire en général — environ 36 % pour chaque type d’incapacité. Les personnes qui ont une incapacité de développement ont le niveau le plus élevé d’insécurité alimentaire (grave), selon l’étude.

Bien qu’un faible revenu soit déjà lié en soi à l’insécurité alimentaire des ménages, l’étude a révélé que les personnes handicapées étaient toujours plus à risque même lorsque les chercheurs tenaient compte du revenu, de la situation d’emploi, de l’éducation et d’autres facteurs démographiques.

« Cette constatation laisse croire qu’il pourrait y avoir d’autres facteurs, indépendants du revenu, qui font en sorte que l’incapacité influe sur l’insécurité alimentaire », indique le rapport. « Par exemple, les personnes ayant une incapacité ont souvent des coûts de soins de santé plus élevés, ce qui peut grever leur budget et faire en sorte qu’il n’y a pas suffisamment de fonds pour les dépenses alimentaires. »

De plus, « les problèmes de mobilité peuvent nuire à leur capacité d’accéder aux épiceries et aux ressources communautaires, aggravant ainsi l’insécurité alimentaire », souligne Statistique Canada.

De la nourriture ou des chaussures pour les enfants

Mme Khedr, du mouvement « Le handicap sans pauvreté », assure qu’elle parle souvent à des personnes handicapées qui sont aux prises avec de l’insécurité alimentaire. « Elles font des choix difficiles au quotidien. Vous savez, c’est soit de la nourriture, soit des chaussures pour mon enfant », a-t-elle déclaré.

Selon elle, les gouvernements n’ont pas déployé les efforts nécessaires pour résoudre le problème, notant que le projet de « prestation canadienne pour les personnes handicapées » annoncé dans le budget fédéral en avril dernier sera loin de répondre aux besoins.

Cette prestation doit être dotée d’un budget de 6,1 milliards $ sur six ans, avec 1,4 milliard $ alloués ensuite chaque année – y compris les frais administratifs. La prestation devrait fournir un maximum de 2400 $ par année – ou 200 $ par mois – aux personnes handicapées à faible revenu à compter de juillet 2025.

« Les personnes les plus pauvres de ce pays qui sont confrontées à la plus grande insécurité alimentaire seront celles qui en bénéficieront le moins ; donc, en réalité, il ne s’agit pas d’apporter le soutien nécessaire aux personnes qui en ont le plus besoin », a estimé Mme Khedr. « On n’aide pas les personnes handicapées à atteindre la sécurité financière – ce qui signifie de payer leur loyer, d’acheter de la nourriture. »

Un porte-parole de la ministre de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes handicapées a déclaré que le gouvernement fédéral « sollicitait l’avis des Canadiens » sur cette prestation canadienne et qu’il était « en pourparlers avec toutes les provinces et tous les territoires pour s’assurer que cette aide ne soit pas réduite ».

« Le fait que les Canadiens handicapés soient confrontés à des obstacles plus importants à la participation sociale et économique est inacceptable », a déclaré Alisson Lévesque, directrice des communications de la ministre Kamal Khera, dans un courriel adressé à La Presse canadienne.

Publié le 21 août 2024
Par Nicole Ireland, La Presse canadienne