Les proches aidants réclament un salaire à l’État

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EXCLUSIF / Le gouvernement devrait-il rémunérer les proches aidants? La réponse est oui, selon un nouveau rapport du Centre canadien d’excellence pour les aidants (CCEA), dont Le Soleil a obtenu en exclusivité, qui réclame plus de soutien financier de l’État pour les épauler. 

Présentement, une personne sur quatre s’identifie comme aidant, et une sur deux sera appelée à le devenir à un moment au cours de sa vie, selon le CCEA.

Le centre a publié lundi un livre blanc intitulé Prendre Soin : Comment améliorer le paysage de la prestation de soins au Canada.

Le rapport démontre, entre autres, que plus de 7,8 millions de Canadiens âgés de plus de 15 ans fournissent environ 20 heures par semaine de soins non rémunérés.

«La prestation de soins, c’est la prochaine étape de la politique publique au Canada», considère James Janeiro, directeur des politiques et relations gouvernementales au CCEA.

Selon lui, le financement des proches aidants par l’État est «absolument nécessaire» pour compenser les heures de travail perdues par les aidants naturels. «À cause de leur temps consacré à être proches aidants, plusieurs doivent arrêter de travailler à temps plein», explique-t-il.

Au total, le CCEA estime que ces heures non rémunérées équivalent à 1,3 milliards de dollars en productivité économique. «La société est déjà en train de payer pour le manque de support des proches aidants», dit M. Janeiro.

Le Québec en avance

Au Québec, environ 21 % des Québécois et Québécoises sont des proches aidants, ce qui représente environ 1,5 millions de personnes, selon le CCEA.

Le soutien offert par le gouvernement du Québec est meilleur que dans le reste du Canada, concède toutefois Marjorie Dumas, directrice générale de l’organisme L’Appui pour les proches aidants. «On nous dit souvent qu’on est une génération d’avance sur les autres provinces canadiennes», dit-elle.

Depuis les années 70, il existe un important financement étatique auprès des organismes communautaires sur le terrain, mentionne Mme Dumas. En octobre dernier, un plan d’action sur cinq ans a été adopté par Québec dans le but de mieux épauler les proches aidants. 

Mais y a-t-il une rémunération directe? «En ce moment, non, ni au Québec, ni au Canada», répond la directrice d’Appui. Selon elle, Québec devrait «mieux évaluer la précarité financière des proches aidants.»

Il existe plusieurs crédits d’impôt, mais certains aidants naturels ne peuvent pas en bénéficier, car ils ont dû quitter leur emploi pour mieux accompagner leur proche.

Marjorie Dumas est assez satisfaite du support du gouvernement provincial, mais moins à l’échelle canadienne. «Le gouvernement fédéral a une part à jouer dans l’amélioration de la qualité de vie des personnes proches aidantes.» Elle évoque notamment une bonification des mesures reliées à l’assurance-emploi.

Une santé mentale précaire

Le rapport du CCEA fait état d’une santé mentale précaire chez plusieurs proches aidants. Selon ses données, 97 % des proches aidants éprouvent un sentiment de solitude, et presque 70 % signalent une détérioration de leur santé mentale.

«Ils sont à bout de souffle, parce que, être proche aidant, c’est un travail très grand et ils n’ont pas de soutien de nos gouvernements et de nos sociétés», avance James Janeiro.

Pour chaque heure de soins reçue dans le réseau de la santé au Canada, les proches aidants font trois heures d’appui et de soutien, selon le CCEA.

«Si les proches aidants arrêtaient de faire leur travail aujourd’hui, on le sentirait immédiatement», soutient James Janeiro. «Ils jouent un rôle très important dans notre système de santé.»

Publié le 07 novembre 2022
Par Victoria Baril