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La dystrophie musculaire consiste en un ensemble de 160 maladies neuromusculaires génétiques graves qui entraînent une détérioration de la force musculaire progressive au fil des années, limitant ainsi les capacités motrices et respiratoires des patients qui en souffrent. À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement curatif pour contrer son diagnostic.
Bien que certaines interventions et prescriptions peuvent en soulager les inconforts et les symptômes, la maladie dégénérative offre une espérance de vie réduite ; environ 30 ans, parfois moins. Depuis 2014, l’équipe du professeur Florian Bentzinger de l’Université de Sherbrooke collabore avec le Nestlé Institute of Health Sciences sur une avenue de thérapie cellulaire qui pourrait changer la vie de ceux et celles qui en sont affectés.
Titulaire de la Chaire CRMUS sur la médecine régénérative du muscle squelettique, le professeur Bentzinger travaille depuis près de dix ans sur une idée novatrice, soit celle de greffer des cellules souches saines dans le muscle malade pour leur permettre d’y ajouter leur génome sain. « C’est une particularité des cellules souches du muscle squelettique : dans le cadre d’une greffe, elles peuvent se fusionner aux fibres d’une cellule malade, explique le chercheur. Parce que la cellule souche que l’on transplante est capable de se fusionner à cette fibre musculaire, elle peut y ajouter son noyau avec toutes les informations génétiques normales et saines, ce qui permet de stabiliser les fibres malades dans les muscles dystrophiques », poursuit-il.
Pour ce faire, l’équipe de recherche utilise des cellules souches pluripotentes induites (CSPi), des cellules humaines, souvent de peau ou de sang, qui sont reprogrammées en laboratoire. En 2012, le chercheur japonais Shinya Yamanaka avait remporté le prix Nobel de médecine pour cette découverte aujourd’hui considérée comme une avancée majeure dans le monde de la science.
« Les cellules CSPi sont utilisées partout dans le monde de la recherche pour produire d’autres types de cellules parce qu’elles sont pluripotentes, c’est-à-dire qu’avec le bon protocole, elles peuvent produire n’importe quelle cellule », explique le professeur Bentzigner. Grâce à des cellules CSPi, achetées dans des banques, il est donc possible de produire un nombre presque illimité de cellules souches musculaires nécessaires au protocole établi par l’équipe de l’Université de Sherbrooke. Celle-ci travaille d’ailleurs sur des formes de dystrophie musculaire qui affectent les enfants, dont la dystrophie de Duchenne, l’un des diagnostics les plus fréquents, ainsi que deux formes plus rares.
Vers un traitement à vie ?
Le chercheur et son équipe ont publié leur protocole en juin dernier dans The Embo Journal. Celui-ci indique comment traiter les cellules CSPi en culture pour qu’elles se développent en une cellule souche musculaire saine. Les grandes avancées du protocole, indique le professeur Bentzinger, résident dans la vitesse de son exécution, qui se réalise en deux semaines au lieu des trois à cinq habituellement nécessaires à sa pureté de 99 % ainsi qu’à sa production en suspension qui, au lieu d’être réalisée sur des plaques cellulaires, peut se faire en solution.
Pour le moment, les tests réalisés sur des souris sont « très favorables », précise le professeur. L’une des raisons qui explique son enthousiasme, c’est le constat qu’une fois la greffe effectuée, une portion des cellules souches musculaires restent actives dans le muscle et continuent de se diviser, ce qui engendre une production continuelle de nouvelles cellules souches musculaires saines qui peuvent, avec le temps, se fusionner aux cellules malades. « Si, un jour, on est capables de développer un traitement, ça voudrait dire que l’on n’aurait pas besoin d’injecter constamment de nouvelles cellules souches pour avoir la correction des fibres. On pourrait en mettre une seule fois : c’est comme une greffe à vie ! » marque-t-il.
Toutefois, pour le moment, le protocole est loin d’être appliqué en test clinique sur des patients humains. Avant d’y arriver, il faut songer à la transplantation, soit à l’injection des cellules dans le muscle, mais aussi aux possibles effets secondaires, aux protocoles de sécurité. Tout ça, c’est sans parler des différents paliers d’approbation gouvernementaux à affronter. « Il est encore tôt. Quand des patients affectés par la dystrophie musculaire me contactent, j’explique toujours que ce qu’on fait, c’est de la recherche fondamentale. On va dans la direction d’un vrai traitement, mais on n’y est pas encore », souligne le chercheur.
Malgré tout, le professeur Bentzinger reste optimiste. « Toutes les découvertes qui ont mené à un traitement clinique ont commencé comme ça. Avec cette publication du protocole, on espère que des cliniciens et des chercheurs vont vouloir l’utiliser et le développer pour aller plus loin », résume-t-il.
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