Mémoire au Sénat à l’appui du projet de loi C‑22

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Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

Ce mémoire fait suite aux rencontres individuelles que nous avons eues avec un grand nombre d’entre vous au cours des derniers mois. Nous sommes très reconnaissant·es d’avoir pu discuter du projet de loi C‑22 avec vous, compte tenu de nos expériences personnelles en matière de handicap et de notre expertise professionnelle et universitaire.

À présent, nous souhaitons vous demander d’accorder toute votre attention au projet de loi C‑22 et de faire en sorte qu’il franchisse rapidement toutes les étapes jusqu’à la sanction royale.

Arguments

Le projet de loi C‑22 constitue une bouée de sauvetage pour de nombreuses personnes handicapées qui se sentent abandonnées et qui pensent que le gouvernement n’accorde pas d’importance à leur vie. Le délai de grâce expire cette année; on doit leur donner l’espoir que l’aide est en route. Il faut adopter ce projet de loi en toute bonne foi et faire confiance aux personnes handicapées et à leurs organisations, qui ont travaillé dur et continueront à le faire pour s’assurer que les personnes en situation de handicap obtiennent ce dont elles ont besoin. Nous avons discuté avec des milliers de personnes handicapées, les membres de leur famille et leurs allié·es partout au pays qui défendent celles et ceux dont la voix n’est pas entendue ou qui n’arrivent pas à influencer le système.

Nous tenons à souligner pourquoi la Prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap (PCPSH) est nécessaire pour les Canadiennes et Canadiens en âge de travailler qui ont besoin d’une aide supplémentaire pour surmonter les difficultés liées à la pauvreté :

  • Personne ne devrait vivre dans la pauvreté au Canada en 2022.
  • Elles ne pouvaient recevoir qu’un versement unique de 600 $, et ce, à condition d’être déjà inscrites à des programmes comme le PPIRPC, les prestations d’invalidité du Régime des rentes du Québec, le CIPH ou les indemnités d’invalidité des anciens combattants.
  • Il n’y a tout simplement pas de logements accessibles abordables, en particulier parce que, dans les provinces qui l’offrent, l’allocation logement incluse dans l’aide aux personnes handicapées est nettement insuffisante. Par exemple, en Colombie-Britannique, sur les 1358,50 $ que reçoit une personne handicapée, 375 $ sont considérés comme une allocation logement, un montant bien inférieur au loyer moyen en Colombie-Britannique.
  • La hausse du prix des denrées alimentaires, qui touche de plein fouet les personnes handicapées vivant dans la pauvreté, est de 11,6 %.

Il s’agit d’une crise nationale qui doit être traitée comme telle.

Le projet de loi C‑22

Certes, le fait que C‑22 soit un projet de loi-cadre suscite des inquiétudes parmi les législateurs et la communauté des personnes handicapées. Il faut faire un acte de foi et avoir confiance que les personnes handicapées seront traitées avec respect et que les promesses relatives à leur participation à l’élaboration des règlements seront tenues. Nous vous assurons que ce projet de loi et la nécessité de l’adopter rapidement font consensus dans notre communauté. Il existe un certain degré de confiance dans le système et sa capacité d’agir dans l’intérêt supérieur des personnes handicapées vivant dans la pauvreté.

Le préambule de C‑22 évoque les principes qui sous-tendront la loi à venir, notamment ceux de la Charte canadienne des droits et libertés, de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et de la Loi canadienne sur l’accessibilité, ainsi que le mantra des personnes handicapées : « rien ne doit se faire sans nous ». Nous accordons toutes et tous beaucoup de valeur à l’introduction de principes inscrits dans une charte, une convention et une loi.

La PCPSH met à l’épreuve les principes de notre pays. Selon nous, l’adoption et la mise en application du projet de loi C‑22 vont démontrer que ces principes peuvent servir à éradiquer la pauvreté des personnes en situation de handicap.

Recommandations du Comité HUMA

Nous sommes convaincus que les amendements recommandés par le Comité HUMA règlent plusieurs des préoccupations formulées par des particuliers et des groupes, et nous appuyons leur adoption. Nous souhaitons attirer votre attention, en particulier, sur ces amendements à l’article 11 :

Que le projet de loi C‑22, à l’article 11, soit modifié par substitution, aux lignes 9 et 10, page 4, de ce qui suit :

« d) exigeant que la prestation soit indexée au taux d’inflation et concernant la façon dont elle le sera; »

Actuellement, la plupart des prestations provinciales ne sont pas indexées sur l’inflation. Nous sommes en faveur de l’inclusion de l’indexation de la PCPSH dans la loi. Cela fera en sorte que les personnes handicapées profitent automatiquement des mêmes augmentations annuelles que les prestataires des autres programmes fédéraux, comme le PPIRPC. En outre, cela permettra de respecter la dignité des personnes en situation de handicap, qui n’auront pas à quémander que leurs prestations soient indexées sur l’inflation, comme le sont déjà les autres types de prestations.

Que le projet de loi C‑22, à l’article 11, soit modifié par adjonction, après la ligne 43, page 5, de ce qui suit :

« (1.1) Le gouverneur en conseil, dans tout règlement pris en vertu de l’alinéa (1)c) concernant le montant de la prestation, tient compte du seuil officiel de la pauvreté au sens de l’article 2 de la Loi sur la réduction de la pauvreté. »

Le seul officiel de la pauvreté est un élément important à considérer pour établir le montant de la prestation, sans quoi les personnes en situation de handicap risquent de ne pas recevoir une aide suffisante pour sortir de la pauvreté. Par ailleurs, nous espérons que, dans l’avenir, le gouvernement investira dans la recherche pour mesurer le seuil de la pauvreté des personnes handicapées au Canada et les coûts supplémentaires que celles-ci doivent assumer pour assurer leur subsistance par rapport aux personnes non handicapées. Aucune étude du genre n’a encore été menée au pays, mais selon des travaux réalisés dans des pays comparables, les frais de subsistance des personnes handicapées seraient environ 40 % plus élevés.

Nouvel article 11.1

Que le projet de loi C‑22 soit modifié par adjonction, après la ligne 3, page 6, du nouvel article suivant :

« 11.1 Le ministre est tenu d’offrir à des personnes handicapées issues de milieux variés des possibilités réelles et exemptes d’obstacles de collaborer à l’élaboration et à la conception des règlements, notamment en ce qui concerne le processus de demande, les critères d’admissibilité, le montant de la prestation et le processus d’appel. »

Depuis le début, nous préconisons fortement que l’élaboration et la conception se fassent en collaboration avec les membres de la communauté des personnes handicapées. Tout autre choix serait contraire à la logique de cette loi-cadre et causerait un préjudice irréparable aux relations avec les personnes en situation de handicap. Nous estimons que ce point a été pris en compte dans l’amendement requérant que le ministre assure la participation de personnes handicapées de milieux variées, et nous sommes impatient·es de faire partie de la solution à la suite de l’adoption de cet amendement.

Comme la pauvreté des personnes handicapées, en particulier de celles en âge de travailler, constitue une crise nationale, nous recommandons que le projet de loi C‑22 franchisse rapidement toutes les étapes législatives jusqu’à la sanction royale.

Publié le 10 février 2023