Mémoire — “Projet de loi C‑22, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées”

Introduction

La Com­mis­sion cana­di­enne des droits de la per­son­ne (la CCDP) soumet le présent mémoire écrit au Comité per­ma­nent des ressources humaines, du développe­ment des com­pé­tences, du développe­ment social et de la con­di­tion des per­son­nes hand­i­capées de la Cham­bre des com­munes, pour lui faire part des résul­tats de son étude du pro­jet de loi C‑22 (la Loi sur la presta­tion cana­di­enne pour les per­son­nes hand­i­capées).

La CCDP a reçu son man­dat du Par­lement lors de l’adop­tion de la Loi cana­di­enne sur les droits de la per­son­ne (la LCDP) en 1977. La LCDP est une loi dite qua­si con­sti­tu­tion­nelle; c’est l’un des élé­ments essen­tiels du cadre des droits de la per­son­ne au Cana­da. La CCDP est l’in­sti­tu­tion nationale respon­s­able des droits de la per­son­ne au Cana­da. L’Al­liance mon­di­ale des insti­tu­tions nationales des droits de l’homme lui a con­féré l’ac­crédi­ta­tion de « niveau A », en plus d’être recon­nue au niveau inter­na­tion­al par les Nations Unies. La CCDP a le man­dat colos­sal de pro­mou­voir et de pro­téger les droits de la per­son­ne, notam­ment en trai­tant les plaintes fondées sur un ou plusieurs des 13 motifs cités dans la LCDP, comme la défi­cience, la race, la couleur, l’o­rig­ine nationale ou eth­nique et la reli­gion.

En plus des rôles qui lui sont octroyés en ver­tu de la LCDP, la CCDP effectue égale­ment des véri­fi­ca­tions en ver­tu de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, afin d’aider à cor­riger les iné­gal­ités his­toriques en matière d’emploi pour les mem­bres de qua­tre groupes désignés, dont les per­son­nes hand­i­capées. En 2019, la CCDP s’est vu con­fi­er plusieurs nou­veaux man­dats, notam­ment des rôles en ver­tu de la Loi sur l’équité salar­i­ale, la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment et la Loi cana­di­enne sur l’ac­ces­si­bil­ité, qui a pour but de veiller à ce que le Cana­da rem­plisse ses oblig­a­tions en ver­tu de l’ar­ti­cle 10 de la Con­ven­tion rel­a­tive aux droits des per­son­nes hand­i­capées (CDPH) des Nations Unies.

En même temps, la CCDP a été désignée comme organ­isme chargé de sur­veiller la mise en œuvre par Cana­da de la CDPH, con­for­mé­ment à l’ar­ti­cle 33.2. Depuis cette désig­na­tion, la CCDP s’est engagée active­ment auprès des com­mu­nautés de per­son­nes hand­i­capées, des défenseurs des droits des per­son­nes hand­i­capées et des tit­u­laires de droits. La CCDP s’est engagée à tra­vailler de con­cert avec le gou­verne­ment du Cana­da, ain­si qu’avec les parte­naires nationaux et inter­na­tionaux, les inter­venants et les tit­u­laires de droits afin de veiller à ce que les pro­grès en matière de droits de la per­son­ne au Cana­da se pour­suiv­ent.

Recommandations de la Commission canadienne des droits de la personne

  • Le pro­jet de loi C‑22 devrait être adop­té et mis en œuvre dès que pos­si­ble;
  • Le pro­jet de loi C‑22pourrait être ren­for­cé :
    • en artic­u­lant mieux les oblig­a­tions du Cana­da prévues en ver­tu des traités inter­na­tionaux sur les droits de la per­son­ne et de la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment;
    • en inté­grant mieux le principe d’in­ter­sec­tion­nal­ité des droits de la per­son­ne;
    • en inté­grant mieux le principe des droits de la per­son­ne de l’en­gage­ment sig­ni­fi­catif (« Rien sans nous »).

Le projet de loi C‑22 est urgent et essentiel.

La CCDP se réjouit du dépôt du pro­jet de loi C‑22 (la Loi sur la presta­tion cana­di­enne pour les per­son­nes hand­i­capées). Le pro­jet de loi C‑22 est absol­u­ment essen­tiel et s’im­pose de toute urgence. Il devrait être adop­té et mis en œuvre dès que pos­si­ble.

La CCDP présente ici des preuves per­ti­nentes tirées de ses pro­pres travaux pour étay­er le car­ac­tère essen­tiel et urgent du pro­jet de loi C‑22.

Pre­mière­ment, depuis cinq ans, la CCDP répète que, sur l’ensem­ble des plaintes rel­a­tives à la LCDP reçues chaque année, 54 % sont fondées sur le motif de la défi­cience. Il s’ag­it du motif le plus fréquem­ment invo­qué. Par­mi ces plaintes, env­i­ron la moitié men­tionne une défi­cience physique et l’autre moitié une défi­cience men­tale. Cela indique que les tit­u­laires de droits con­tin­u­ent de faire face à des niveaux per­sis­tants de dis­crim­i­na­tion dans les ser­vices et au tra­vail.

Deux­ième­ment, la CCDP a émis une série de rap­ports sur la mise en œuvre par le Cana­da de la Con­ven­tion des Nations Unies rel­a­tive aux droits des per­son­nes hand­i­capées, y com­pris le rap­port de 2018 inti­t­ulé « Rap­port : Obsta­cles au chem­ine­ment de car­rière : dif­fi­cultés vécues par les per­son­nes hand­i­capées sur le marché du tra­vail ».

Troisième­ment, en 2020, la CCDP, en tant que mécan­isme nation­al de sur­veil­lance de la CDPH, a entre­pris un proces­sus d’en­gage­ment pub­lic avec des per­son­nes hand­i­capées à tra­vers le Cana­da, avec des organ­ismes qui défend­ent leurs intérêts, ain­si qu’avec les familles et les proches aidants des per­son­nes hand­i­capées.

Près de 3 000 per­son­nes ont pris part à ce proces­sus d’en­gage­ment, qui com­pre­nait un sondage en ligne et de petites ses­sions de dia­logue en ligne. Cela a per­mis à la CCDP de con­naître les expéri­ences des per­son­nes hand­i­capées au Cana­da, ain­si que les obsta­cles et la dis­crim­i­na­tion aux­quels elles sont con­fron­tées. L’ex­er­ci­ce nous a égale­ment appris ce qui peut être fait pour réduire et élim­in­er ces obsta­cles.

Les résul­tats du sondage ont révélé qu’en­v­i­ron 85 % des répon­dants esti­maient que le Cana­da fai­sait un mau­vais tra­vail en matière de pro­mo­tion et de pro­tec­tion des droits des per­son­nes hand­i­capées.

Les par­tic­i­pants ont indiqué la pau­vreté comme prin­ci­pale préoc­cu­pa­tion.

Les par­tic­i­pants ont noté que de nom­breuses per­son­nes hand­i­capées sont con­fron­tées à des obsta­cles pour obtenir un niveau de vie adéquat. Beau­coup ont dit à la CCDP qu’ils vivent dans la pau­vreté parce qu’ils ne peu­vent pas tra­vailler et que les sou­tiens financiers sont inadéquats.

L’opin­ion des par­tic­i­pants par rap­port à ces engage­ments de la CCDP démon­tre claire­ment à quel point il est essen­tiel et urgent de fournir un sou­tien économique aux per­son­nes hand­i­capées.

Recommandation

Le pro­jet de loi C‑22 devrait être adop­té et mis en œuvre dès que pos­si­ble.

La recom­man­da­tion de la CCDP pro­pose égale­ment que le pro­jet de loi C‑22 soit ren­for­cé :

  • en artic­u­lant mieux les oblig­a­tions du Cana­da prévues en ver­tu des traités inter­na­tionaux sur les droits de la per­son­ne et de la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment;
  • en inté­grant mieux le principe d’in­ter­sec­tion­nal­ité des droits de la per­son­ne;
  • en inté­grant mieux le principe des droits de la per­son­ne de l’en­gage­ment sig­ni­fi­catif (« Rien sans nous »).

Mieux articuler les obligations du Canada prévues en vertu des traités internationaux sur les droits de la personne.

Le but du pro­jet de loi C‑22 est de réduire la pau­vreté et de ren­forcer la sécu­rité finan­cière des per­son­nes hand­i­capées en âge de tra­vailler. Ces objec­tifs impliquent à la fois la CDPH et le Pacte inter­na­tion­al relatif aux droits économiques, soci­aux et cul­turels (PIDESC).

Les droits soci­aux et économiques sont des com­posantes clés du droit à une égal­ité réelle. Les per­son­nes hand­i­capées qui vivent dans des sit­u­a­tions d’iné­gal­ité sociale et économique sont par­mi les plus vul­nérables de la société cana­di­enne, et font l’ob­jet de stéréo­types négat­ifs, de con­di­tions de vie défa­vor­ables et de dis­crim­i­na­tion.

En rat­i­fi­ant la CDPH et le PIDESC, le Cana­da s’est engagé à assur­er le respect de nom­breux droits économiques, soci­aux et cul­turels fon­da­men­taux, tels que le droit de la per­son­ne à une nour­ri­t­ure, à un habille­ment et à un loge­ment suff­isants, aux soins de san­té, à la sécu­rité sociale, à l’é­d­u­ca­tion, à un emploi libre­ment choisi, aux soins à l’en­fance et aux ser­vices de sou­tien.

Bien que ces droits soient dis­tincts, on ne peut pas jouir pleine­ment d’un droit sans pou­voir exercer les autres; ils sont indi­vis­i­bles, inter­re­liés et inter­dépen­dants.

La CCDP est ravie de con­stater que les claus­es du préam­bule du pro­jet de loi C‑22 reflè­tent cette inter­re­la­tion et cette inter­dépen­dance. Le préam­bule fait référence à la Loi cana­di­enne sur l’ac­ces­si­bil­ité, à la Charte cana­di­enne des droits et lib­ertés, à la CDPH, à la Loi sur la réduc­tion de la pau­vreté, au Pro­gramme de développe­ment durable, et au principe fon­da­men­tal du « Rien sans nous ». Le préam­bule per­met d’in­scrire le pro­jet de loi C‑22 dans le paysage des droits de la per­son­ne et de le posi­tion­ner comme un instru­ment pou­vant aider à respecter les oblig­a­tions de l’É­tat en matière de droits de la per­son­ne.

Cepen­dant, bien que le pro­jet de loi C‑22 men­tionne les oblig­a­tions de la CDPH dans son préam­bule actuel, le cadre général des traités et des engage­ments inter­na­tionaux en matière de droits de la per­son­ne dans le préam­bule est plus inspi­rant que respon­s­abil­isant.

La CCDP estime que le pro­jet de loi C‑22 pour­rait être ren­for­cé par l’a­jout dans le préam­bule des claus­es qui recon­nais­sent et reflè­tent plus explicite­ment les oblig­a­tions de l’É­tat en ver­tu de la CDPH et du PIDESC aux­quels le Cana­da fait par­tie, ain­si que de la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment.

Plus pré­cisé­ment, ces claus­es sup­plé­men­taires pour­raient recon­naître explicite­ment comme un droit de la per­son­ne le droit des per­son­nes hand­i­capées à un niveau de vie adéquat pour elles-mêmes et pour leur famille, en par­ti­c­uli­er lorsque celles-ci vivent dans la pau­vreté, comme le stip­ule l’ar­ti­cle 28 de la CDPH (Niveau de vie adéquat et pro­tec­tion sociale) qui se lit en par­tie comme suit :

  • Les États par­ties recon­nais­sent le droit des per­son­nes hand­i­capées à un niveau de vie adéquat pour elles-mêmes et pour leur famille, notam­ment une ali­men­ta­tion, un habille­ment et un loge­ment adéquats, et à une amélio­ra­tion con­stante de leurs con­di­tions de vie et pren­nent des mesures appro­priées pour pro­téger et pro­mou­voir l’ex­er­ci­ce de ce droit sans dis­crim­i­na­tion fondée sur le hand­i­cap.
  • Les États par­ties recon­nais­sent le droit des per­son­nes hand­i­capées à la pro­tec­tion sociale et à la jouis­sance de ce droit sans dis­crim­i­na­tion fondée sur le hand­i­cap et pren­nent des mesures appro­priées pour pro­téger et pro­mou­voir l’ex­er­ci­ce de ce droit, y com­pris des mesures des­tinées à :
    1. Assur­er aux per­son­nes hand­i­capées, en par­ti­c­uli­er aux femmes et aux filles et aux per­son­nes âgées, l’ac­cès aux pro­grammes de pro­tec­tion sociale et aux pro­grammes de réduc­tion de la pau­vreté;
    2. Assur­er aux per­son­nes hand­i­capées et à leurs familles, lorsque celles-ci vivent dans la pau­vreté, l’ac­cès à l’aide publique pour cou­vrir les frais liés au hand­i­cap, notam­ment les frais per­me­t­tant d’as­sur­er adéquate­ment une for­ma­tion, un sou­tien psy­chologique, une aide finan­cière ou une prise en charge de répit.

En out­re, l’ar­ti­cle 11 du PIDESC con­tient le libel­lé suiv­ant :

  • Les États par­ties au présent Pacte recon­nais­sent le droit de toute per­son­ne à un niveau de vie suff­isant pour elle-même et sa famille, y com­pris une nour­ri­t­ure, un vête­ment et un loge­ment suff­isants, ain­si qu’à une amélio­ra­tion con­stante de ses con­di­tions d’ex­is­tence. Les États par­ties pren­dront des mesures appro­priées pour assur­er la réal­i­sa­tion de ce droit.
  • Les États par­ties au présent Pacte, recon­nais­sant le droit fon­da­men­tal qu’à toute per­son­ne d’être à l’abri de la faim, adopteront, indi­vidu­elle­ment et au moyen de la coopéra­tion inter­na­tionale, les mesures néces­saires, y com­pris des pro­grammes con­crets.

Une recon­nais­sance plus explicite des oblig­a­tions nationales et inter­na­tionales du Cana­da en matière de droits de la per­son­ne per­me­t­trait de clar­i­fi­er les liens cru­ci­aux entre le pro­jet de loi C‑22 et les oblig­a­tions du Cana­da. Cela per­me­t­trait ensuite aux tit­u­laires de droits et aux défenseurs des droits de deman­der des comptes au gou­verne­ment.

Recommandation

Le pro­jet de loi C‑22 devrait énon­cer plus explicite­ment et plus claire­ment les oblig­a­tions du Cana­da en ver­tu de la CDPH et du PIDESC en ajoutant les deux para­graphes suiv­ants au préam­bule :

  • Atten­du que le Cana­da, en tant qu’É­tat par­tie du Pacte inter­na­tion­al relatif aux droits économiques, soci­aux et cul­turels des Nations Unies, a l’oblig­a­tion et a pris l’en­gage­ment de respecter, de pro­téger et d’as­sur­er le droit de la per­son­ne à un niveau de vie adéquat;
  • Atten­du que le Cana­da, en tant qu’É­tat par­tie de la Con­ven­tion rel­a­tive aux droits des per­son­nes hand­i­capées des Nations Unies, a l’oblig­a­tion et a pris l’en­gage­ment d’as­sur­er le droit des per­son­nes hand­i­capées à unniveau de vie adéquat et une pro­tec­tion sociale pour elles-mêmes et pour leur famille, en par­ti­c­uli­er lorsque celles-ci vivent dans la pau­vreté.

Mieux articuler les obligations du Canada prévues en vertu de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement.

La CCDP estime que le pro­jet de loi C‑22 serait ren­for­cé par l’a­jout dans le préam­bule d’une clause qui recon­naît l’im­por­tance des liens qui unis­sent le loge­ment adéquat et la pau­vreté, et qui pré­cise les engage­ments du Cana­da en ver­tu de la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment.

En 2019, le Par­lement a adop­té la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment, qui énonce les engage­ments et les oblig­a­tions du Cana­da en matière de loge­ment.

L’ac­cès à un loge­ment adéquat est une com­posante fon­da­men­tale au droit de la per­son­ne à un niveau de vie adéquat. Il est intrin­sèque­ment lié à la pau­vreté et aux droits économiques et soci­aux. En droit inter­na­tion­al, on entend par loge­ment adéquat un loge­ment qui offre une sécu­rité d’oc­cu­pa­tion, qui est abor­d­able, qui est hab­it­able, qui donne accès aux infra­struc­tures de base, qui est situé à prox­im­ité des emplois, des ser­vices et des com­mod­ités, qui est acces­si­ble aux per­son­nes de toutes capac­ités et qui est cul­turelle­ment appro­prié.

Le préam­bule de la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment com­prend dans son libel­lé des claus­es indi­quant que le loge­ment revêt un car­ac­tère essen­tiel pour la dig­nité inhérente à la per­son­ne humaine et pour son bien-être, et qu’une stratégie nationale sur le loge­ment appuierait la réal­i­sa­tion pro­gres­sive du droit à un loge­ment suff­isant, lequel est recon­nu par le PIDESC.

En out­re, dans son énon­cé de poli­tique au para­graphe 4 de la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment, le gou­verne­ment du Cana­da indique, de façon claire et élo­quente, qu’il recon­naît que « le droit à un loge­ment suff­isant est un droit fon­da­men­tal de la per­son­ne con­fir­mé par le droit inter­na­tion­al ».

Dans ses engage­ments de 2020 relat­ifs à la CDPH, le loge­ment et l’emploi fai­saient par­tie des 3 prin­ci­pales préoc­cu­pa­tions. La CCDP a été infor­mée que les paiements de sou­tien aux per­son­nes hand­i­capées suff­i­saient à peine à cou­vrir le loy­er, même lorsque le loge­ment était abor­d­able et acces­si­ble, ne lais­sant donc rien ou presque rien pour la nour­ri­t­ure, les vête­ments, les aides à l’ac­ces­si­bil­ité, le trans­port ou tout autre élé­ment « non essen­tiel » comme les loisirs.

Dans un feuil­let d’in­for­ma­tion pub­lié en 2022 par Sta­tis­tique Cana­da inti­t­ulé « Expéri­ences en matière de loge­ment au Cana­da », on peut lire que les per­son­nes hand­i­capées sont plus sus­cep­ti­bles de vivre dans des loge­ments inabor­d­ables. Plus pré­cisé­ment, 44,4 % des locataires hand­i­capés paient un mon­tant supérieur à ce qu’ils peu­vent se per­me­t­tre pour les frais de loge­ment.

Recommandation

Le pro­jet de loi C‑22 devrait énon­cer plus explicite­ment et plus claire­ment les oblig­a­tions du Cana­da en ver­tu de la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment en ajoutant les deux para­graphes suiv­ants au préam­bule :

  • Atten­du que le Cana­da, par le truche­ment de la Loi sur la stratégie nationale sur le loge­ment, s’est engagé à appuy­er la réal­i­sa­tion pro­gres­sive du droit de la per­son­ne à un loge­ment suff­isant et à se con­cen­tr­er sur l’amélio­ra­tion de la sit­u­a­tion en matière de loge­ment pour les per­son­nes dont les besoins sont les plus cri­ants, notam­ment les per­son­nes hand­i­capées.

Mieux intégrer le principe d’intersectionnalité des droits de la personne

La CCDP estime égale­ment que le pro­jet de loi C‑22 pour­rait être amélioré en recon­nais­sant explicite­ment les con­séquences croisées des dif­férents fac­teurs soci­aux et économiques aux­quels font face les per­son­nes hand­i­capées et leur famille.

L’in­ter­sec­tion­nal­ité est un principe fon­da­men­tal des droits de la per­son­ne qui recon­naît les divers­es expéri­ences vécues par les per­son­nes et les familles ayant une com­bi­nai­son de fac­teurs liés à leur iden­tité qui se croisent, et qui tient compte de la manière dont le sou­tien et les presta­tions sociales doivent répon­dre aux divers besoins.

Les per­son­nes hand­i­capées et leur famille peu­vent être exposées à des obsta­cles dif­férents et uniques en matière d’in­clu­sion selon leur âge, leur sexe, leur race, leur iden­tité de genre, leur ori­en­ta­tion sex­uelle, et/ou toute autre sit­u­a­tion. Cette com­bi­nai­son de fac­teurs soci­aux et économiques peut sou­vent men­er à divers­es formes de dis­crim­i­na­tion croisée qui accentuent les iné­gal­ités sociales et économiques exis­tantes.

À titre d’ex­em­ple, les obsta­cles liés à la sta­bil­ité finan­cière aux­quels se heurte une mère céli­bataire noire à mobil­ité réduite qui doit s’oc­cu­per de ses enfants sont dif­férents de ceux ren­con­trés par une per­son­ne âgée ayant une défi­cience men­tale qui dis­pose d’un revenu fixe et qui vit dans une com­mu­nauté rurale.

Ce principe est recon­nu dans un cer­tain nom­bre de lois nationales et inter­na­tionales en matière de droits de la per­son­ne, notam­ment dans le préam­bule de la CDPH, clause ℗ qui stip­ule :

  • Préoc­cupés par les dif­fi­cultés que ren­con­trent les per­son­nes hand­i­capées, qui sont exposées à des formes mul­ti­ples ou aggravées de dis­crim­i­na­tion fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la reli­gion, l’opin­ion poli­tique ou toute autre opin­ion, l’o­rig­ine nationale, eth­nique, autochtone ou sociale, la for­tune, la nais­sance, l’âge ou toute autre sit­u­a­tion.

Il est égale­ment artic­ulé dans les principes décrits dans l’A­CA comme un principe dans la clause 6(e) qui stip­ule :

  • Le fait que les lois, poli­tiques, pro­grammes, ser­vices et struc­tures doivent tenir compte des hand­i­caps des per­son­nes, des dif­férentes façons dont elles inter­agis­sent au sein de leurs envi­ron­nements ain­si que des formes mul­ti­ples et inter­sec­tion­nelles de dis­crim­i­na­tion et de mar­gin­al­i­sa­tion vécues par celles-ci.

Ce principe se reflète égale­ment dans ce que la CCDP a enten­du au cours de ses con­sul­ta­tions en 2020 avec les tit­u­laires de droits des per­son­nes hand­i­capées dans le cadre de son tra­vail en tant que mécan­isme nation­al de sur­veil­lance. Les par­tic­i­pants à l’en­quête nationale de la CCDP ont recom­mandé d’avoir plus d’é­d­u­ca­tion et de sen­si­bil­i­sa­tion sur l’in­ci­dence que le genre, la race et la pau­vreté peu­vent jouer un rôle sur la façon dont les per­son­nes hand­i­capées sont traitées. Les par­tic­i­pants ont égale­ment noté qu’il fal­lait prêter atten­tion à l’in­ter­sec­tion­nal­ité lors de la prise de déci­sion ayant un impact sur les per­son­nes hand­i­capées.

Recommandation

Le pro­jet de loi C‑22 devrait explicite­ment recon­naître le principe d’in­ter­sec­tion­nal­ité en ajoutant le libel­lé suiv­ant au préam­bule :

  • Atten­du que le Cana­da recon­naît que les enjeux et les obsta­cles économiques et soci­aux sont vécus dif­férem­ment par les per­son­nes hand­i­capées et leur famille en fonc­tion de plusieurs fac­teurs dont, entre autres, la race, la couleur, l’o­rig­ine nationale ou eth­nique, l’i­den­tité ou l’ex­pres­sion de genre, l’ori­en­ta­tion sex­uelle, l’âge, l’é­tat mat­ri­mo­ni­al et/ou la sit­u­a­tion de famille.

Mieux intégrer le principe des droits de la personne de l’engagement significatif (« Rien sans nous »).

L’en­gage­ment sig­ni­fi­catif est un principe fon­da­men­tal des droits de la per­son­ne. L’en­gage­ment sig­ni­fi­catif doit être con­tin­uel et prévoir la par­tic­i­pa­tion des tit­u­laires de droits à chaque étape du proces­sus.

La CCDP se réjouit de voir que le libel­lé actuel du préam­bule du pro­jet de loi C‑22 com­prend une clause men­tion­nant :

  • qu’il recon­naît, suiv­ant le principe du « Rien sans nous », l’im­por­tance d’établir un dia­logue avec la com­mu­nauté des per­son­nes hand­i­capées dans l’élab­o­ra­tion de mesures de sou­tien qui leur sont des­tinées, con­for­mé­ment à la Loi cana­di­enne sur l’ac­ces­si­bil­ité, laque­lle pré­cise qu’elles « doivent par­ticiper à l’élab­o­ra­tion et à la con­cep­tion des lois, des poli­tiques, des pro­grammes, des ser­vices et des struc­tures ».

La CCDP note toute­fois que cette clause ne fait aucune men­tion des règle­ments, qui con­stitueront l’aspect le plus impor­tant de la presta­tion. Une fois que le pro­jet de loiC-22 aura reçu la sanc­tion royale, l’é­tape suiv­ante de la mise en œuvre sera l’élab­o­ra­tion des règle­ments.

La CCDP note égale­ment que le préam­bule souligne l’im­por­tance de se dot­er de règle­ments pour attein­dre le plus haut niveau d’ac­ces­si­bil­ité pour les per­son­nes hand­i­capées.

Selon l’in­ter­pré­ta­tion de la CCDP, ces para­graphes, pris ensem­ble, sem­blent indi­quer que les per­son­nes hand­i­capées devraient par­ticiper et par­ticiper­ont à l’élab­o­ra­tion des règle­ments. Mais cela n’est pas clair à la lec­ture du pro­jet de loi.

La CCDP partage le point de vue d’un impor­tant organ­isme de défense des droits de la per­son­ne, ARCH Dis­abil­i­ty Law Cen­tre, qui a égale­ment iden­ti­fié cette lacune dans le pro­jet de loi C‑22 et qui note dans son mémoire que « … le fait de s’ap­puy­er sur les proces­sus de con­sul­ta­tion régle­men­taire exis­tants ne suf­fit pas pour veiller à ce que les com­mu­nautés de per­son­nes hand­i­capées par­ticipent véri­ta­ble­ment à l’élab­o­ra­tion et à la con­cep­tion des règle­ments ».

Pour des raisons de clarté, la CCDP recom­mande que la clause « Rien sans nous » prenne explicite­ment cet engage­ment et inclue le terme « règle­ments » dans son libel­lé.

La CCDP estime que le pro­jet de loi C‑22 serait ren­for­cé s’il com­por­tait des engage­ments plus explicites à l’é­gard du principe de l’en­gage­ment sig­ni­fi­catif, con­for­mé­ment à l’A­CA, et si le terme « règle­ments » était ajouté à la liste des étapes où la par­tic­i­pa­tion des per­son­nes hand­i­capées sera sol­lic­itée.

Recommandation

Le pro­jet de loi C‑22 devrait énon­cer plus explicite­ment la place qu’oc­cu­pera le principe de l’en­gage­ment sig­ni­fi­catif dans le proces­sus régle­men­taire en mod­i­fi­ant le libel­lé de la clause du préam­bule de manière à pren­dre un engage­ment clair, et en y ajoutant le terme « règle­ments » :

  • Atten­du, qu’il recon­naît, suiv­ant le principe du « Rien sans nous », l’im­por­tance d’établir un dia­logue avec la com­mu­nauté des per­son­nes hand­i­capées dans l’élab­o­ra­tion de mesures de sou­tien qui leur sont des­tinées, con­for­mé­ment à la Loi cana­di­enne sur l’ac­ces­si­bil­ité, et s’en­gage à ce que les per­son­nes hand­i­capées par­ticipent à l’élab­o­ra­tion et à la con­cep­tion des lois, y com­pris des règle­ments, des poli­tiques, des pro­grammes, des ser­vices et des struc­tures.
Publié le 21 décembre 2022