L’âgisme est le préjugé social le plus toléré, comparativement au racisme et au sexisme. Cette discrimination fondée sur l’âge se manifeste par des gestes ou des dispositifs qui excluent socialement les personnes âgées, tels qu’un système de transport inadapté.
« Les interfaces, telles que Google Maps ou toute autre application qui planifie un déplacement, ne sont pas pensées pour les personnes âgées », déplore Dany Baillargeon, professeur au Département de communications de l’Université de Sherbrooke. C’est pour contrer cet état de fait que le service de planification de transport Mobilaînés a été amorcé. L’objectif ? Aider les personnes âgées à se déplacer, en favorisant leur autonomie et leur liberté de choix quant aux transports empruntés.
Lutter contre l’isolement social
Ce projet centralisera et coordonnera les différentes options de transport de l’Estrie dans le courant de l’année 2023, afin de maximiser leur utilisation par les personnes âgées. Il prendra la forme d’un site Web interactif et d’un soutien téléphonique disponible 24 heures sur 24. Il rassemble des spécialistes des services publics, des personnes issues des organismes communautaires, des chercheurs, mais aussi des citoyens aînés, qui seront ainsi impliqués tout au long du processus, qu’il s’agisse de développer des parcours d’usagers ou de documenter leurs propres utilisations.
Véronique Provencher, professeure à l’École de réadaptation de l’Université de Sherbrooke, indique que le projet vise également à définir les besoins et les préférences des personnes âgées en fonction de leurs capacités physiques, de leurs craintes, de leurs destinations, de leurs habitudes et de leur personnalité.
« Plus l’expérience est agréable, plus on a envie de sortir, plus on atténue les risques sur la santé physique et psychologique que crée le fait de sortir de chez soi », explique-t-elle.
Une population marginalisée
Cet outil développé en Estrie sera par la suite exportable à d’autres régions du Québec. L’accessibilité aux données de planification des transports différera néanmoins d’un endroit à un autre, en ce qui a trait à la fréquentation des transports ou aux horaires, par exemple. Alors que les planificateurs d’itinéraire proposent le trajet le plus court, une personne âgée pourrait préférer le parcours le plus sécuritaire, sans pentes ou sans trottoirs enneigés, par exemple. « Ces besoins, qui sont à la base de leur potentiel de déplacement, sont souvent ignorés », affirme Dany Baillargeon.
D’un point de vue économique, inclure les préférences des personnes âgées n’est pas profitable aux entreprises qui développent ces interfaces, car cette population est vue comme technophobe et n’est pas considérée comme une clientèle de long terme, croit le professeur.
Huit Canadiens sur dix pensent d’ailleurs que les personnes de 75 ans et plus sont perçues comme étant moins importantes et qu’elles sont plus souvent ignorées que les jeunes générations.
Certes, des moyens de transport ont été mis en place pour emmener les aînés à leurs rendez-vous médicaux. Mais moins d’options se destinent aux petits plaisirs quotidiens, tels que visiter ses petits-enfants ou se rendre dans un salon de thé, note Véronique Provencher. Elle précise qu’il faut à la fois pouvoir atténuer le risque de chute, mais aussi l’anxiété liée au besoin d’aller aux toilettes plus fréquemment, par exemple.
Des conséquences délétères
Les personnes âgées peuvent se sentir plus vulnérables en vieillissant, ce qui engendre des défis en matière de mobilité, souligne la professeure. Elles parviennent parfois difficilement à maintenir leur équilibre. Traverser la rue ou descendre de l’autobus prend alors plus de temps. Une baisse de la vue peut également amener une perte du permis de conduire. Certaines personnes âgées comptaient par ailleurs sur l’aide d’amis qui vieillissent aussi. L’accompagnement aux transports est donc plus difficile et le recours au service de taxis n’est pas à la portée de tous.
« Conduire un véhicule automobile fait partie de l’identité de plusieurs personnes, particulièrement celle des hommes. Ainsi, lorsque l’on touche à la liberté de déplacement, on touche à l’autonomie, à l’identité. Quand les gens doivent ou souhaitent faire le deuil ou la transition vers un autre mode de transport, ça amène des enjeux », affirme Véronique Provencher.
Les déplacements restent cependant essentiels pour répondre aux besoins de base tels que se loger ou se nourrir, mais aussi pour prendre part à la démocratie et à la vie communautaire ou pour maintenir des relations significatives avec des proches. « Si on ne participe pas à la société ou si on est mis en marge d’une activité sociale, il en découle une série de conséquences psychologiques, physiologiques et sociales », affirme Dany Baillargeon.
Véronique Provencher conclut en mentionnant que l’isolement social est tout aussi délétère sur la santé que l’obésité ou encore le tabagisme, et que la nécessité de créer des services adaptés s’avère donc criante.
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