Des étudiants dyslexiques craignent de devoir délaisser leur rêve de devenir enseignant en raison du fameux examen de certification en français, qu’ils doivent passer sans les logiciels adaptés dont ils ont besoin.
«C’est ça que je veux faire dans la vie […] Je n’ai jamais trouvé pourquoi je ne ferais pas un bon prof d’éduc», témoigne Félix Landry, 22 ans.
Le jeune homme est en 2e année à l’Université de Sherbrooke, au baccalauréat en enseignement de l’éducation physique.
Comme il a un diagnostic de dyslexie, il a droit à plusieurs accommodements depuis qu’il est tout jeune, comme du temps supplémentaire pour faire ses examens.
La dyslexie est un trouble cognitif qui fait en sorte que le cerveau n’arrive pas à automatiser la lecture. On dit souvent que les personnes qui en souffrent ont tendance à mélanger les lettres.
Mais avec ses béquilles, comme l’accès à un ordinateur et aux logiciels Antidote ou WordQ, M. Landry se débrouille très bien en français. Il y avait encore droit jusqu’à récemment, au cégep.
«J’ai toujours travaillé super fort pour rejoindre les autres», autant en temps investi qu’en effort, explique-t-il.
Barrière à l’entrée
Un gros obstacle se dresse maintenant devant lui : il a déjà échoué deux fois au Test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE), que tous les futurs enseignants doivent passer. Critiqué pour son niveau de difficulté, ce test a fait couler beaucoup d’encre dans les dernières années.
Or, aucun logiciel de correction, d’aide à la rédaction ou de synthèse vocale n’est autorisé pendant le TECFÉE, car cela compromettrait la nature de l’évaluation, explique Bryan St-Louis du ministère de l’Enseignement supérieur.
Pour l’Union étudiante du Québec, cette situation est «préoccupante», car le TECFÉE constitue une sorte de barrière à l’entrée de la profession pour les personnes dyslexiques.
«Elles sont clairement désavantagées […] Est-ce qu’on a cherché d’autres solutions pour que ce soit équitable?» se demande la présidente Samy-Jane Tremblay.
En math aussi
De tout temps, Naomi Chauret, a aidé ses amis avec leurs exercices de math. La jeune femme de 23 ans étudie au baccalauréat en enseignement des mathématiques au secondaire.
Mais elle est aussi dyslexique. Elle n’a toujours pas réussi le TECFÉE après trois essais, ce qui la bloque dans son parcours.
«Je commence à regarder d’autres options que l’enseignement», soupire celle qui a toujours voulu faire ce métier.
Pendant ce temps, un nombre sans précédent de gens non qualifiés, qui n’ont pas suivi les mêmes cours de pédagogie ou de gestion de classe, enseigne actuellement dans les écoles en raison de la pénurie de personnel.
Même test pour tous
«Pourquoi fait-on passer le même test [de français] à tous?» se demande Christian Leclair, directeur général de la Fédération des éducateurs et éducatrices physiques du Québec.
Après tout, la réalité d’un enseignant de français ou d’histoire n’est pas du tout la même qu’en éducation physique.
Par exemple, Félix Landry aura droit à ses outils correcteurs pour rédiger ses courriels aux parents ou encore préparer ses acétates, observe le jeune homme. Quant à la qualité de son français à l’oral, elle ne pose aucun problème, son trouble d’apprentissage ne s’appliquant qu’à l’écrit.
De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur indique par courriel que «les enseignants doivent démontrer des compétences linguistiques de haut niveau dans la langue d’enseignement, et ce, peu importe la discipline qu’ils sont appelés à enseigner».