[Opinion] Les élèves québécois méritent mieux

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Dans le cadre de l’actuelle campagne électorale, l’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes est particulièrement inquiète quant à la faible place que prennent l’éducation et la réussite éducative dans les différents engagements des formations politiques, alors que le Québec traîne toujours de la patte en matière de diplomation secondaire au Canada, particulièrement chez les garçons.

À cet égard, les orthophonistes et d’autres professionnels spécialisés jouent un rôle de première ligne en milieu scolaire pour déceler différents types de troubles d’apprentissage, tels que la dyslexie-dysorthographie, qui constitue environ 25 % de tous les troubles d’apprentissage chez les élèves québécois du primaire et du secondaire, et intervenir adéquatement.

Il importe de rappeler que près de 80 % des troubles d’apprentissage sont directement liés à des difficultés langagières. Sans un déploiement optimal des orthophonistes en milieu scolaire, plusieurs centaines d’élèves québécois ayant des difficultés langagières et d’apprentissage de la lecture et de l’écriture n’auront pas tout le soutien nécessaire afin de maximiser leurs chances de réussite éducative. Cela vient, bien évidemment, nuire à la poursuite de leurs parcours scolaire et professionnel.

Dans un sondage effectué par l’AQOA au début du mois auprès d’orthophonistes exerçant en milieu scolaire au Québec, le trop grand nombre d’écoles attribuées à chaque orthophoniste était la principale cause des problèmes d’attraction et de rétention des orthophonistes.

Par exemple, un orthophoniste peut avoir jusqu’à huit écoles à sa charge en ayant peu ou pas accès à des outils adéquats pour transporter le matériel nécessaire à l’évaluation ou à l’intervention orthophonique. Au lieu d’une présence permanente dans les écoles, les orthophonistes sont confinés à des apparitions sporadiques et à la course.

De plus, dans certains centres de services scolaires (CSS), les assignations varient d’une année à l’autre, ce qui engendre beaucoup d’insécurité et d’instabilité pour les orthophonistes et les milliers d’élèves concernés. La présence de services en orthophonie n’est pas normée et varie selon les choix budgétaires des établissements scolaires.

Il ne faut donc pas se surprendre que les problèmes d’attraction et de rétention des orthophonistes soient directement liés aux difficultés vécues par les CSS à pourvoir les postes et à assurer les remplacements dans les écoles. Il nous a été rapporté que plusieurs CSS avaient plus de cinq postes ou remplacements à pourvoir.

Actuellement, les délais d’attente pour avoir accès à un orthophoniste en milieu scolaire varient, en moyenne, entre six et douze mois, voire plus !

Pire encore, dans plusieurs écoles, les orthophonistes n’ont même pas accès à un bureau privé, ce qui les empêche d’avoir des rencontres confidentielles avec les élèves. Comment peut-on déployer de façon optimale, et au bénéfice des élèves, des ressources spécialisées en milieu scolaire dans de telles conditions et dans un contexte constant de précarité et d’insécurité professionnelles ?

Finalement, malgré le règlement de l’exercice de maintien de l’équité salariale survenu à l’été 2021, la trop faible rémunération demeure une grande cause d’insatisfaction pour les orthophonistes exerçant en milieu scolaire. Afin de pourvoir les postes vacants, la rémunération doit être comparable à ce qu’on retrouve ailleurs dans le secteur public ou dans le secteur privé. Nous estimons qu’il manque minimalement 227 orthophonistes exerçant à temps plein dans le réseau scolaire, malgré l’objectif de l’actuel gouvernement d’y ajouter 2000 professionnels spécialisés (orthophonistes, techniciens en éducation spécialisée, orthopédagogues, psychoéducateurs et ergothérapeutes).

Considérant que toute cette situation inacceptable dure depuis plusieurs années, que nous recevons continuellement plusieurs témoignages d’orthophonistes ayant quitté le milieu pour une ou plusieurs des raisons énumérées ci-dessus et que la réussite des élèves en difficulté découle de la quantité et de la qualité des services offerts, nous estimons que des mesures concrètes devraient être mises en place pour optimiser le travail des orthophonistes en milieu scolaire, et cela, de façon prioritaire.

Faire appel au secteur privé n’est pas une solution aux conditions de travail déplorables des orthophonistes qui exercent dans nos écoles. Nous demandons que le nombre d’écoles à la charge des orthophonistes soit réduit, que les orthophonistes aient accès à un environnement physique acceptable, que des mesures concrètes d’attraction et de rétention soient mises en place, que les orthophonistes soient rémunérés à leur juste valeur et que des seuils planchers et des normes de service professionnel soient établis dans les écoles pour assurer la place de tous les types de services professionnels, permettant ainsi une véritable complémentarité des expertises pour servir les élèves en difficulté, les familles et les enseignants.

Publié le 22 septembre 2022
Par Valérie Giguère, présidente du conseil d’administration de l’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes