À quelques jours d’une grande manifestation nationale sous le thème « Engagez-vous pour le filet social », les groupes en défense de droits s’inquiètent du manque de soutien à leur mission, pourtant essentielle à toute société démocratique.
Quand l’anxiété de Mathieu devant ses factures impayées est devenue intolérable, il a pu bénéficier d’un accompagnement budgétaire dans un organisme de son quartier. Blessée au dos lors d’un quart de travail, Maéva a été accompagnée par un comité de travailleurs et travailleuses accidentés afin de faire reconnaître sa maladie professionnelle, qui est contestée par son employeur. Grâce au soutien du comité logement de son quartier, Julia a démarré avec quelques voisins et voisines un comité de locataires pour s’opposer à la rénoviction entreprise par leur nouveau propriétaire. Aziz, lui, milite pour l’amélioration du transport adapté, afin que les personnes en situation de handicap soient libres de se déplacer.
La défense de droits, un essentiel démocratique
Pour bien des Québécois et des Québécoises, la défense de droits se résume à manifester. Si, bien sûr, il s’agit d’une des stratégies utilisées par les organismes de défense collective des droits, ceux-ci font tellement plus et ce qu’ils font est essentiel à l’exercice démocratique. En effet, ils contribuent aux débats sociaux en agissant comme révélateurs et dénonciateurs de divers problèmes à travers des études, des mémoires, des entrevues, des formations, des cafés-rencontres et des représentations politiques. Ils mènent des luttes pour défendre les plus pauvres et marginalisés de la société, mais offrent également des services, combattent les discriminations et contribuent, par le biais de l’éducation populaire autonome, à élargir la participation des personnes directement concernées à la vie publique et politique.
Une reconnaissance formelle
Cet apport essentiel à la société est reconnu depuis plus de 20 ans par la politique de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire qui balise les relations entre l’État et le mouvement communautaire autonome. Dans le cadre de cette politique, une préoccupation particulière touche les organismes de défense collective des droits. En effet, depuis l’adoption de la politique de reconnaissance de l’action communautaire (PRAC), le gouvernement reconnaît leur apport essentiel « à la vitalité du débat démocratique entourant les problématiques liées à l’exercice des droits fondamentaux… » et convient « que la situation financière des organismes dont la mission unique ou principale est la défense collective des droits [est] souvent caractérisée par la précarité ».
… mais un soutien théorique
Malheureusement, force est de constater que pendant plus de 15 ans, rien n’a été fait afin de concrétiser cette reconnaissance. Si au cours des dernières années la situation s’est quelque peu améliorée, le secteur demeure nettement sous la moyenne du financement du milieu communautaire. Ce sous-financement endémique entrave de façon importante la pleine réalisation de la mission des organismes en défense de droit, une mission pourtant reconnue comme essentielle à la démocratie.
Quel avenir pour la défense des droits ?
Alors que le plus récent Plan d’action gouvernemental en action communautaire ne contient aucune mesure spécifique visant à concrétiser les engagements de la PRAC vis-à-vis le secteur, l’avenir semble de nouveau incertain pour les groupes. C’est dans ce contexte que le Regroupement des organismes en défense collective des droits (RODCD), qui regroupe 350 organismes partout au Québec, a décidé d’interpeller les partis politiques afin de connaître leurs intentions sur cet enjeu. Verrons-nous enfin la reconnaissance se traduire en engagements concrets et en un meilleur soutien financier ou devrons-nous encore nous contenter d’une tape dans le dos pour « notre beau travail » ?
À quelques jours des élections, il nous apparaît plus que jamais essentiel que les personnes qui souhaitent représenter la population à l’Assemblée nationale s’engagent de façon concrète envers les groupes qui défendent les droits des plus marginalisés de notre société. Sans transport adapté ou en commun pour aller voter, sans bureau de vote dans les résidences pour aînés, quelle valeur auraient vraiment nos élections ? Parlerait-on seulement des enjeux liés à la lutte contre la pauvreté sans les interventions des organismes communautaires ? Poser la question, c’est y répondre. C’est pourquoi nous affirmons que la défense de droits est un pilier de la démocratie et qu’elle doit être soutenue à sa juste valeur.
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